Stéphane Gomez : "Le sport m’a sauvé une fois et il le refera"

  • Stéphane Gomez chez lui en Aveyron.
    Stéphane Gomez chez lui en Aveyron. MR
  • En 2001 au Japon, Stéphane Gomez s'adjuge la deuxième place des mondiaux à Fukuoka. En 2001 au Japon, Stéphane Gomez s'adjuge la deuxième place des mondiaux à Fukuoka.
    En 2001 au Japon, Stéphane Gomez s'adjuge la deuxième place des mondiaux à Fukuoka. AFP
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Maxime Raynaud

Portrait. À 37 ans, le Saint-Affricain vit une retraite active. Entraîneur du GRN, licencié à Tri 12 et coureur pédestre à ses heures perdues, l’un des plus gros palmarès du département poursuit sa route. Loin de l’eau libre et des marathons, mais pas des souvenirs d’une carrière de 10 ans.

Dans un coin du salon de sa maison des Balquières, des photos dans des cadres. Sur une bibliothèque, un collage de coupures de presse. Et quelques coupes, simple échantillon d’une gloire passée que Stéphane Gomez étale rarement au grand jour. Car le champion, retraité depuis quatre ans, n’est pas du genre à faire des vagues.

Bizarre de la part de celui qui fut dix ans durant l’un des meilleurs nageurs en eau libre de la planète. Mais le Saint-Affricain est comme cela: au fil des kilomètres parcourus à la force des bras et des mollets, il a appris à cultiver l’humilité de ces forçats à la sauce marine. Son palmarès digne d’un catalogue, il le regarde de haut et l’apprécie à sa juste valeur. Et tant pis si aucune ligne ne mentionne un titre de champion du monde. "Je suis déjà très chanceux d’avoir accompli tout ça. Même si j’aurais bien aimé découvrir les Jeux olympiques à Pékin (2008)", concède-t-il tout juste.

Nager parmi les requins 

Cette année-là, la qualification lui avait filé sous le nez tandis que son corps commençait à lentement décliner. Mais sa carrière, elle, lui avait déjà réservé le meilleur. Il y avait bien les frayeurs: se retrouver à la limite de la noyade sous un bateau en Argentine, traverser des bancs de méduses et en conserver les brûlures ou encore nager non loin de requins à Tahiti. Mais comme il dit, "c’était le quotidien". Rien de plus. Et il l’acceptait, car au bout se trouvait sa récompense. "Dans la vie, tout le monde a son moteur. Moi, c’était tout ça: l’aventure, le partage, la cohésion, l’adrénaline, l’imprévu et même la reconnaissance. C’était magique." 

"Il faut avoir un côté fou"

Pour cette part d’évasion, le Sud-Aveyronnais n’a d’ailleurs pas hésité à repousser ses limites. "J’avais l’impression de ne même pas en avoir. Au fil du temps, je n’avais plus aucune barrière psychologique, reconnaît ce petit gabarit capable à l’époque d’avaler 150 km de natation en une semaine et de rester 9 heures dans l’eau en course."Je suis allé loin physiquement et je m’en rends compte maintenant. Il faut avoir un côté fou. Mais si je n’avais pas fait ça, j’aurais sûrement gravi l’Everest..." S’il accepte de comparer ce besoin constant de performance à "une drogue saine", Stéphane Gomez n’en oublie néanmoins pas cette sensation développée à partir de neuf ans et entretenue au fil des années. "La natation, quand tu maîtrises, tu es en apesanteur. Tu deviens un cosmonaute." Sauf que le retour sur terre s’avère rarement doux.

En 2001 au Japon, Stéphane Gomez s'adjuge la deuxième place des mondiaux à Fukuoka.
En 2001 au Japon, Stéphane Gomez s'adjuge la deuxième place des mondiaux à Fukuoka. AFP

Petite mort et retour en adolescence

Pour ce fils de cycliste de bon niveau régional, l’atterrissage s’est fait à 34 ans. Après une dizaine de tours du monde, des coffres entiers de coupes, des courses dans le Nil ou dans le canal de Suez-et son eau à 35°C-, le temps était venu. Exit la vaseline, indispensable pour vaincre le froid des eaux canadiennes par exemple, et le bonnet de bain. Et place à la "vraie vie". "Il y avait une baisse de performances et la pression familiale, se remémore ce père de deux garçons. Et puis, c’est un sport amateur, je vivais à coup de primes et d’aides. Alors, je me suis regardé dans la glace et j’ai pris conscience que je n’étais plus seul." 

"Petite mort"

Le Grand Rodez Natation l’engage comme entraîneur mais la fréquence des entraînements et le degré des exigences réduisent considérablement. Et le vide, lui, cette «petite mort» que les sportifs redoutent, s’installe. "Tu sors du cocon du haut niveau et là, ça n’est plus pareil. En plus du travail, tu as la famille et tout à gérer. C’est un beau cadeau. Mais je n’arrêtais pas de me dire: “Où est-ce que je vais? Quel est mon but ?” "

Autant d’interrogations comme un retour en arrière vers une adolescence où la natation et l’entraîneur aveyronnais Yves Lopez sont venus sortir le jeune Stéphane Gomez du doute. Encore une fois, le salut est arrivé du sport. Triathlon, avec Tri12 et son frère Christophe, course à pied, comme lors des récentes Berges de l’Aveyron (achevées en 4e position), l’effort a remobilisé le Rouergat. "Je dis souvent à ma femme (Margaux, ex-nageuse également, NDLR) que le sport m’a sauvé une fois et qu’il le refera, sourit-il. Ça m’aide à être équilibré, à me trouver, à avoir des projets." Et sûrement à se sentir libre. Comme cette eau qu’il a quittée voilà quatre ans. Les photos et les articles dans un coin de son salon pour mémoire.

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