Une note interne de la police incitant à "évincer" les Roms met le feu aux poudres

  • Un campement Rom Porte d'Aubervilliers à Paris le 1er août 2013
    Un campement Rom Porte d'Aubervilliers à Paris le 1er août 2013 AFP/Archives - Miguel Medina
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AFP

Une note interne maladroite d'un commissariat parisien, donnant aux policiers instruction de localiser et "évincer systématiquement" des familles roms, a mis le feu aux poudres mardi relançant le délicat sujet de l'immigration venue de l'Est.

Diffusée en interne dans le commissariat du VIe arrondissement, rédigée par un capitaine de police sous la forme d'une main courante informatisée (MCI), elle demande aux effectifs, "sur instruction" de la hiérarchie, de "localiser", de "jour comme de nuit", les "familles roms vivant dans la rue et de les évincer systématiquement".

Lors d'un point de presse, le directeur de cabinet du préfet de police de Paris, Laurent Nunez, a confirmé l'existence de cette MCI révélée par Le Parisien mardi. Selon lui, elle "vise à relayer les instructions données aux effectifs de police" car, dans cet arrondissement du centre de Paris, a été "signalée une recrudescence de familles qui séjournent sur la voie publique avec des enfants parfois en très bas âge".

"Face à cette situation, nous engageons des actions", nous "leur proposons des solutions d'hébergement d'urgence", a dit le haut fonctionnaire, assurant que "les forces de l'ordre agissent dans un cadre légal" sans "stigmatisation des populations concernées".

"Le terme +évincer+ peut être mis sur le compte d'une maladresse", a insisté M. Nunez.

L'affaire a relancé le débat, toujours très vif, sur la question des Roms. Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, interrogé mardi à ce sujet sur RTL par un auditeur en colère contre une "invasion" de camps a réfuté ce terme. Il faut, a-t-il dit, "chercher à les faire retourner d'où ils viennent, en Roumanie ou en Bulgarie" au nom d'une "politique qui doit garder sa dimension humaine", credo du gouvernement socialiste sur ce sujet.

- "Réponse inadaptée" -

Questionné sur la note, il a éludé ajoutant: "l'objectif, c'est d'éviter que des gens qui, dans la capitale, parce qu'ils sont dans une situation de difficulté et de pauvreté, finissent par rendre tout le monde extrêmement nerveux" et que les Parisiens "n'acceptent plus cette présence".

Une police "qui recense les Roms sous prétexte de +prochaines opérations d'éviction et d'assistance+ n'est pas une police d'un Etat démocratique", s'est insurgé mardi, dans un communiqué, l'association La Voix des Roms.

SOS Racisme s'est dit "scandalisé" stigmatisant une "violence de plus à l'endroit des populations roms ou supposées roms" et "un manque de volonté politique de s'attaquer à cette urgence sociale". L'organisation a appelé à un rassemblement mardi en fin d'après-midi devant le commissariat du VIe arrondissement, place Saint-Sulpice.

Des sources syndicales policières ont indiqué, sans vouloir être citées, que ce genre de directives, souvent communiquées oralement, était "fréquentes".

Pour le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI, majoritaire chez les officiers), son secrétaire général, Jean-Marc Bailleuil, a concédé auprès de l'AFP que les mots "étaient mal choisis". Mais il manque, selon lui, des "moyens juridiques clairs" pour lutter "contre la délinquance venue des pays de l'Est ou l'afflux de Roms". "C'est un problème de tranquillité publique", a dit pour Synergie (2nd syndicat) Patrice Ribeiro, pour lequel "il n'y a pas d'outil juridique". Pour Unité police SGP-FO (1er syndicat de gardiens de la paix), Nicolas Comte estime que la note est "une réponse inadaptée à un vrai problème".

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a précisé, dans un communiqué, que la consigne interne a été "rectifiée" et rappelé "le principe selon lequel aucun contrôle de police ne peut être effectué en ciblant une personne en fonction d'une nationalité réelle ou supposée".

L'affaire survient après qu'un courrier électronique du service régional de la police judiciaire (SRPJ) de Montpellier a été envoyé récemment aux hôteliers de la région. Il les incite à "signaler l'arrivée" de personnes "originaires d'Europe de l'Est" en vue de la lutte contre la délinquance organisée.

Source : AFP

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