Immobilier : pourquoi le viager ne fait pas fortune en Aveyron

  • Une maison à la campagne. Peu de mandats sont conclus chaque année en Aveyron.
    Une maison à la campagne. Peu de mandats sont conclus chaque année en Aveyron. Archives José A. Torres
Publié le , mis à jour
Centre Presse Aveyron

Immobilier. L’État veut relancer l’intérêt pour ce dispositif, utile pour améliorer les revenus des aînés, mais résolument boudé par les Aveyronnais pour des raisons plus morales que financières...

Alors que l’allongement de la durée de vie et la faible revalorisation des pensions n’arrangent en rien le pouvoir d’achat des personnes âgées, le retour au-devant de la scène du viager peut susciter un regain d’intérêt à l’heure où nombreux sont ceux qui cherchent à assurer, notamment, le financement de leur dépendance.

L’achat en viager consiste à vendre un logement à une personne, le débirentier, en échange d’un pourcentage du capital (le « bouquet ») et du versement périodique d’une rente pendant toute la durée de vie du vendeur, le crédirentier. Tout en restant chez soi, le vendeur perçoit donc le loyer de son habitation jusqu’à la fin de ses jours. Séduisant? Pas toujours. Le cinéma comme la réalité ont moqué ces acquéreurs forcés à payer deux à trois fois le prix d’un bien, le vendeur n’étant pas disposé à mourir dans des délais raisonnables...

Redorer l’image du dispositif
Le viager demeure donc un pari cynique sur la mort qui risque de contrarier la bonne morale de l’acquéreur mais qui procure au vendeur un revenu régulier non négligeable. Et c’est sur ce dernier argument que la Caisse des Dépôts (CDC), bras financier de l’État relance ce mois-ci le viager en s’engageant à « changer son image ». Un fonds d’acquisition de biens immobiliers en viager, baptisé Certivia, vient de voir le jour en marge du projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement. Certains verront, en filigrane, une bonne alternative, portée par l’État, pour faire oublier l’absence de revalorisation des retraites.
Il n’en demeure pas moins que le chemin s’annonce tortueux pour réhabiliter le viager dans les esprits, dans l’Aveyron en particulier.

La peur de parier sur la mort
Car notre département n’est pas connu pour son enthousiasme concernant ce dispositif. « Combien j’en fais par an ? Aucun. Et je suis notaire depuis 40 ans ! », avoue Me François Rames, vice-président de la chambre départementale des notaires, qui a son étude à Villefranche. « En Aveyron c’est très peu pratiqué, poursuit-il. On a du mal à spéculer sur la vie des gens. On n’aime pas parler de la mort... même si ça ne fait pas mourir. Par exemple, lorsque les gens viennent me voir pour un testament ou une succession, ils disent: “S’il m’arrivait quelque chose”. Mais ils n’évoquent pas la mort ».
Du côté des agences immobilières, le viager ne fait pas non plus fortune. Frédéric Vergnes (Immo de France à Rodez) assure n’avoir en ce domaine qu’un faible volume d’affaires : « Je n’ai actuellement que deux mandats de viager, un chiffre équivalent à celui des années passées».

Déshériter ses enfants ?
Et d’avancer une explication : « Le dispositif est éventuellement intéressant pour des personnes âgées sans gros revenus et sans héritiers en ligne directe. Car en Aveyron on est fier de transmettre son patrimoine à ses enfants, et dans ce contexte, le viager est perçu comme un échec, et génère un choc psychologique... ». « C’est vrai qu’avec le viager, on déshérite les enfants », confirme Me Rames.
Le pari sur la vie (et la mort) du crédirentier peut parfois s’avérer coûteux, « car il n’est pas rare avec l’allongement de la durée de vie - ce qui est un bienfait pour tous - de payer deux à trois fois la valeur du bien au moment de l’acquisition », les rentes étant indexées sur des cours de matières premières le plus souvent. De plus, l’attrait du viager est plombé « par des taux d’intérêt relativement bas actuellement qui rend plus intéressante une acquisition directe », poursuit Frédéric Vergnes, conscient que le viager « est plus profitable dans les grandes villes, ou encore les zones côtières où les prix de l’immobilier sont élevés, que dans les campagnes... »
Moralement et financièrement, le viager continue donc à imposer la réflexion...

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