Benoît Bougerol à la Maison du Livre de Rodez : « Notre rayon livre d’art a quadruplé »

  • Benoît Bougerol :« Nous sommes face à une crise de la lecture ».
    Benoît Bougerol :« Nous sommes face à une crise de la lecture ». José A. Torres
Publié le
Philippe Routhe

Entretien. Benoît Bougerol, le patron de la Maison du livre, revient sur un été marqué notamment par l’ouverture du musée Soulages. Avec une volonté intacte de se battre pour l’accès à la culture.

Cette rentrée littéraire vous rassure-t-elle sur le fait que les gens lisent toujours...
La tendance lourde reste la baisse du nombre de lecteurs. Plusieurs indicateurs le montrent, jusqu’à la fréquentation des bibliothèques. En fait, le temps consacré à la lecture baisse. Tous les autres loisirs sont en augmentation, sauf la lecture. Nous sommes là devant une question de société. C’est pourtant un moyen de connaissances qui procure du plaisir. Mais on est loin de l’immédiateté, du zapping. Notamment chez les jeunes. Les enquêtes montrent cependant que si l’on créé un rapport rituel au livre, l’enfant dispose de plus de vocabulaire, d’imagination, de culture... Et ce temps de la lecture est essentiel.

Mais paradoxalement, jamais l’offre n’a été aussi importante!
Oui, c’est vrai. Elle est de plus en plus large. On compte 60 000 nouveaux livres par an. Pour une maison comme la nôtre, cela représente 300 nouveaux titres par jour en moyenne. Je répète, 300 nouveaux titres par jour. La rentrée littéraire, elle, c’est 800 livres. Mais si les productions sont florissantes, le tirage de base, lui, diminue. Il est passé de 3000 exemplaires à 2000. Et l’on trouve moins de best-sellers.

Le livre doit-il donc faire face à une nouvelle concurrence?
Je ne sais pas si c’est le mot. Car si le temps de loisirs augmente régulièrement de manière assez nette pour tous les loisirs, ce n’est pas le cas pour la lecture. Cela signifie bien que nous sommes face à une crise de la lecture.

Vous avez des idées pour la résoudre?
Nous sommes sur un marché de l’offre. Pas sur du besoin immédiat, comme se loger, se nourrir, etc. Or, ce que l’on constate, c’est que cet effort de la lecture existe de moins en moins. On peut craindre qu’il y en ait toujours qui se cultivent et d’autres pas... créant une société à deux vitesses. Or, l’apprentissage des connaissances passe par le livre. C’est le grand enjeu, qui justifie la bataille des libraires indépendants et la loi sur le prix unique, faite pour défendre l’accès à la culture pour tous. Une enseigne comme Amazon est un prédateur qui cherche à déstabiliser le marché pour s’en emparer.
Cela n’empêche pas d’user d’un site Internet. À la Maison du livre, on a fait du drive avant le drive. Depuis 2003 les clients peuvent commander les livres chez nous via Internet. Mais il faut que les gens prennent le temps de venir en librairie. De vagabonder dans le magasin.

Ce qui semble le cas...
Oui. mais on y a travaillé. Il faut être accueillant, travailler la mise en scène des livres. Et donner des conseils. Et l’on ne dit pas à un libraire quel livre il doit vendre à tout prix. C’est le drame de Virgin ou Chapitre qui mettaient en place de grandes opérations commerciales payées par les éditeurs. Nos libraires sont des passionnés, et sont passionnants auprès des lecteurs.

Vous évoquiez la culture. L’ouverture du musée Soulages a dû vous ravir.
Son impact chez nous est aisément quantifiable. La ville a changé. Tous les jours on voit des clients qui la découvrent et viennent à la maison du livre en fin de journée. Le chiffre d’affaires de notre rayon livre d’art a quadruplé sur les quatre derniers mois. Et ce ne sont pas que les livres sur Soulages, même si nous les avons tous, qui ont eu du succès. Cet impact a été également ressenti au rayon littérature, avec plus 30%. Les livres sur la région et l’Aveyron ont également bien marché.

Vous pressentiez ce succès?
J’en étais intimement convaincu. Suffisamment de confrères avaient témoigné d’un flux très fort autour de Soulages. Le chiffre de 100000 visiteurs n’était pas démesuré à mes yeux. En tout cas, ici, à la Maison du livre, nous n’avons pas été pris au dépourvu. En revanche, nous fournissons également la boutique du musée, mais elle a été sous équipée. Au niveau national, nous avons pour habitude de dire que, dans un musée, un visiteur c’est un euro d’achat. Aujourd’hui, la boutique de Soulages n’a fait que 70000 euros environ. À Rouen, l’exposition sur les impressionnistes a drainé 300000 visiteurs, la boutique a réalisé, elle, un million de chiffre d’affaires...

De bon augure pour votre entreprise.
Nous sommes dans une progression de l’ordre de 10% sur les trois derniers mois. Alors que le mois d’août, avec celui de décembre est le plus important pour la Maison du livre. Certes, le soufflet va sans doute retomber un petit peu, mais un travail remarquable a d’ores et déjà été fait. On revient cependant à ce que l’on disait au début, nous sommes là dans le domaine culturel. Il fait parti des acquis, pas de l’inné. Il y a un nécessaire besoin d’apprentissage. Il faut aller encore plus loin dans ce sens.

 

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?