Musée Soulages : qui est Aldo Crommelynck ?

"Aldo, c'était la Rolls Royce des imprimeurs, confiait l'an dernier l'éditeur Yves Lebouc, qui travailla avec lui, à partir des années 1980. Il avait une manière inimitable de donner du relief. C'est pour cela qu'il a travaillé avec les plus grands".

De 1948 à 1955, Aldo Crommelynck effectue son apprentissage du métier dans le studio de Roger Lacourière, un imprimeur renommé et ami de la famille. C'est finalement en 1959 qu'avec ses deux frères, Piero et Milan, ils ouvrent leur propre studio dans le 14e arrondissement de Paris avant de déménager rue de Grenelle. Dans l'atelier, sont passées trois générations d'artistes, "c'est assez extraordinaire" comme le soulignait sa fille, Corinne Buchet-Crommelynck.

Picasso, Braque, Miro, Matisse, Le Corbusier...

Le premier artiste, Pablo Picasso, le repère alors qu'il n'était qu'un jeune apprenti de 17 ans auprès de Roger Lacourière. C'est lui qui projete Crommelynck dans la lumière. Le peintre et le maître imprimeur collaborent pendant vingt ans. Ensemble, ils réalisent plus de 700 gravures. Aldo Crommelynck travaille aussi à l'œuvre gravée de bien d'autres artistes de renom : Georges Braque, Joan Miro, Matisse, André Masson, Fernand Léger, Giacometti, Jacques Villon, Le Corbusier ou encore Jean-Michel Basquiat. Ensuite, de nouveaux artistes américains de la scène pop art américaine collaborent avec l'imprimeur, notamment Richard Hamilton, Jasper Johns et Jim Dine. "Aldo m'a tout appris à propos de la gravure" déclarera ce dernier.

Quand il s'agit de définir le talent et la marque de fabrique d'Aldo Crommelynck, tous les professionnels du milieu s'accordent sur son style effacé et sa maîtrise parfaite des techniques traditionnelles, qui lui ont permis de tirer le meilleur des artistes européens et, plus tard, d'aider les jeunes artistes américains à s'exprimer sur le papier. "Sa technique donne du relief à l'impression, continue Yves Lebouc. Aldo utilisait toutes les techniques de gravure existantes : de la pointe sèche à l'eau forte, en passant par la manière noire."

Un "lien intime" entre Soulages et Crommelynck

Dépeint comme un homme extrêmement perfectionniste par ses proches, Aldo Crommelynck n'en était pas moins discret. Rien ne filtrait de son atelier parisien, où nul n'était autorité à entrer quand travaillait un artiste. "Il ne révélait à personne sa façon de réaliser les gravure", confie encore l'expert. Le graveur s'éteint à l'hiver 2008 à Paris, à l'âge de 77 ans. Méconnu du grand public, il reste l'un des plus grands maîtres imprimeurs du XXe siècle dans l'histoire de l'art contemporain.

Intarissable sur les travaux de l’atelier d’Aldo Crommelynck, le conservateur du musée Soulages, Benoît Decron, rappelle que le maître imprimeur "a fait une donation intégrale de son œuvre (des estampes) à la BNF", un établissement parisien qui est "la référence absolue" concernant ce genre de travaux. Et, rappelle-t-il, "le musée Soulages compte un grand nombre d’estampes". Le "lien intime" entre les deux espaces culturels est, de fait, tout trouvé. D’autant plus que le musée ruthénois, rappelle Jean-Michel Cosson, adjoint à la culture au Grand Rodez, est également très lié au "métier d’artisan". Et le conservateur de rappeler : ""il est intéressant d’observer comment un maître imprimeur travaille avec les artistes", d'autant que la gravure et l'eau forte sont deux techniques chères à Pierre Soulages.

Reportage vidéo réalisé par Le Figaro, à l'occasion d'une vente aux enchères inédite des oeuvres d'Aldo Crommelynck, organisée le 25 février 2013 chez Sotheby's, à Paris.