Mödlareuth, le "petit Berlin", se remémore "sa" chute du Mur

  • Un morceau de l'ancien mur de béton dans la bourgade de Mödlareuth (sud de l'Allemagne), le 26 septembre 2014,  qui séparait il y a 25 ans en deux cette bourgade entre Allemagne de l'est et de l'ouest
    Un morceau de l'ancien mur de béton dans la bourgade de Mödlareuth (sud de l'Allemagne), le 26 septembre 2014, qui séparait il y a 25 ans en deux cette bourgade entre Allemagne de l'est et de l'ouest AFP - Christof Stache
  • L'ancien maire de Mödlareuth, Arnold Friedrich entre dans le musée de la ville, le 26 septembre 2014, qui rappelle le sort de cette ville partagée entre l'Allemagne de l'est et de l'ouest jusqu'en décembre 1989
    L'ancien maire de Mödlareuth, Arnold Friedrich entre dans le musée de la ville, le 26 septembre 2014, qui rappelle le sort de cette ville partagée entre l'Allemagne de l'est et de l'ouest jusqu'en décembre 1989 AFP - Christof Stache
  • Un ancien mirador photographié le 26 septembre 2014 dans le village de Mödlareuth et qui était installé dans la partie allemande de l'est de cette bourgade
    Un ancien mirador photographié le 26 septembre 2014 dans le village de Mödlareuth et qui était installé dans la partie allemande de l'est de cette bourgade AFP - Christof Stache
Publié le
Centre Presse Aveyron

Allemagne, 1989. Sous une averse de neige, une foule émue pénètre dans la brèche percée dans un pan de mur pour aller à la rencontre d'êtres chers dont ils vivent séparés depuis 37 ans.

Cette scène n'a pas eu lieu à Berlin, symbole de la partition des deux Allemagne du temps de la Guerre froide, mais dans une tranquille bourgade à flanc de colline, dans le sud du pays, Mödlareuth.

Le 9 décembre, il y a 25 ans, un mois jour pour jour après la chute du mur qui scindait en deux l'actuelle capitale allemande, une autre frontière de béton tombait à son tour dans ce hameau rural d'environ 50 âmes, à cheval entre la Thuringe et la Bavière.

Mödlareuth était déjà depuis le XIXe siècle une étrangeté : une seule communauté, partageant une école, une caserne de pompiers, une auberge, et célébrant unie les fêtes du village, mais dépendant administrativement de deux Etats régionaux distincts, avec différents codes postaux ou indicatifs téléphoniques. On se saluait même différemment de part et d'autre !

En 1949, la limite géographique formée par un modeste ruisseau passant au milieu du bourg se transforme en coupure nette entre la République Fédérale d’Allemagne (RFA) et sa voisine communiste, la République démocratique allemande (RDA).

- Hameau coupé en deux -

Les premières années, les habitants sont encore autorisés à circuler des deux côtés de la rivière. Mais en 1952, la RDA durcit le ton et dresse au coeur de Mödlareuth une palissade en bois, remplacée en 1966 par un mur de béton de 700 mètres de long et de plus de 3 mètres de haut se voulant infranchissable, garni de miradors et gardé jour et nuit. De part et d'autre s'étiraient les barbelés de la frontière inter-allemande, moins spectaculaires mais tout aussi difficiles à franchir.

Quelques familles sont expropriées, beaucoup sont déchirées.

"Du jour au lendemain, les enfants de la partie bavaroise ne pouvaient plus aller à l'école, située côté thuringeois, les agriculteurs ne pouvaient plus accéder à leurs champs, la communauté était brisée", raconte Robert Lebegern, directeur du musée germano-allemand fondé à Mödlareuth en 1990.

"Au début, on saluait les gens de l'autre côté du mur, mais ils ne réagissaient pas. Ce n'est qu'ensuite qu'on a appris qu'ils n'avaient pas le droit de nous faire signe", se souvient Karin Mergner, agricultrice venue s'installer à Mödlareuth en 1966 pour suivre son mari. Son exploitation, située côté ouest-allemand, jouxte une portion de mur longue de 100 mètres conservée par le musée, un vestige qui attire chaque année 70.000 visiteurs.

Cette balafre dans le paysage, matérialisation du rideau de fer entre blocs occidental et soviétique, demeurera intacte à Mödlareuth jusqu'au 9 décembre 1989 et vaudra au village le surnom de "Little Berlin", le petit Berlin.

Malgré l'interdiction pour les ressortissants de RDA de se rendre en Allemagne de l'Ouest, hormis pour les retraités et les personnes munies d'un visa spécial, les villageois tentaient de garder le contact.

En grimpant sur la colline, ils pouvaient s'apercevoir. "Quand des vêtements bleus de bébé étaient suspendus à une corde à linge, on savait qu'un garçon était né, et c'est comme ça que les gens suivaient ce qui se passait de l'autre côté", explique Arnold Friedrich, maire dans les années 80 et 90 de la partie bavaroise, en RFA.

- 'Sentiment de communauté intact' -

Les citoyens ouest-allemands étaient autorisés, sous conditions, à aller de temps à autre en RDA, ce que faisait parfois Karin Mergner pour apporter à ses voisins des bananes et du café, denrées rares en Allemagne de l'Est. Pour atteindre l'autre côté du village, situé à quelques dizaines de mètres à vol d'oiseau, il lui fallait faire un détour en voiture de deux heures ponctué de fastidieux contrôles policiers.

"Je n'avais jamais imaginé que je verrais le jour où le mur tomberait", confie la sexagénaire. En voyant à la télévision l'ouverture de celui de Berlin le 9 novembre, elle espère un phénomène identique à côté de chez elle.

Mais il faudra quatre semaines pour que le poste-frontière de Mödlareuth mette un terme à des décennies d'imperméabilité. "On s'est tous embrassé, on a bu du mousseux ensemble... C'était fantastique", se souvient Mme Mergner.

"Je disais toujours que j'aimerais un jour pouvoir aller prendre une bière de l'autre côté du mur", se remémore aussi l'ancien maire, les yeux embués. "Le 9 décembre 1989, c'est devenu réalité. Le sentiment de communauté qui existait avant le mur était intact, les gens sont tombés dans les bras les uns des autres et c'était comme si le village n'avait jamais été divisé."

Source : AFP

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?