Une Scop pour sauver la plus vieille fonderie de France à Albi

  • L’entreprise albigeoise a bien failli disparaître. Une partie des salariés a décidé de sauver son outil de travail en créant une coopérative de production. Et les débuts de la Scop sont prometteurs.
    L’entreprise albigeoise a bien failli disparaître. Une partie des salariés a décidé de sauver son outil de travail en créant une coopérative de production. Et les débuts de la Scop sont prometteurs. José A. Torres
  • Vingt-cinq salariés sur les 45 que comptait alors la fonderie Gillet ont décidé de sauver leur entreprise et leurs emplois en créant une Société coopérative de production (Scop). Vingt-cinq salariés sur les 45 que comptait alors la fonderie Gillet ont décidé de sauver leur entreprise et leurs emplois en créant une Société coopérative de production (Scop).
    Vingt-cinq salariés sur les 45 que comptait alors la fonderie Gillet ont décidé de sauver leur entreprise et leurs emplois en créant une Société coopérative de production (Scop). José A. Torres
  • La fonderie Gillet a été créée, sous Louis XIV, en 1687.
    La fonderie Gillet a été créée, sous Louis XIV, en 1687. José A. Torres
Publié le
Joël Born

Économie. En proie aux difficultés, la plus vieille fonderie de France, basée à Albi, a repris du poil de la bête. Une partie de ses salariés a mis la main à la poche et du cœur à l’ouvrage.

Dans les modestes bureaux de l’entreprise, sur les hauteurs des méandres de la rivière Tarn, une plaque est là pour rappeler que la fonderie Gillet a été créée, sous Louis XIV, en 1687. L’œuvre de Pierre Gillet, un maître épinglier. Plus tard, pendant la Révolution, cloches et canons sortirent des ateliers Gillet. Après bien des évolutions, la fonderie fut transférée, dans les années 30, du centre-ville albigeois à son emplacement actuel, rue de Gardès.

Cette longue et peu banale histoire industrielle a bien failli mettre un point final, en juillet dernier, lorsqu’après plusieurs dépôts de bilan, la fonderie Gillet fut placée en liquidation judiciaire. Mais il était dit que les fours à creusets de la plus ancienne fonderie de France (selon les érudits locaux, ce serait aussi la 6e plus ancienne fonderie au monde et la 4e plus ancienne entreprise de France) ne cesseraient pas encore de vomir le métal rougeoyant en fusion.

25 salariés sur 45

Vingt-cinq salariés sur les 45 que comptait alors la fonderie Gillet (à la fin des années 90, elle employait 80 salariés) ont décidé de sauver leur entreprise et leurs emplois en créant une Société coopérative de production (Scop). Leur offre, associée à celle de Jacques Bernardi, un cadre de Sabena Technics ayant occupé plusieurs postes de direction dans le secteur de la maintenance aéronautique, fut acceptée par le tribunal de commerce d’Albi, fin novembre 2014.

« Cela fait longtemps que je cherchais une entreprise à reprendre », explique ce Corse d’origine de 53 ans, qui s’est vu confier la fonction de directeur, chargé du développement commercial. Après plusieurs rencontres avec les salariés, il a été élu, pour un mandat de 5 ans, révocable à tout moment. Grâce à leurs apports personnels (avec une mise minimale de 5 000 euros), les salariés associés et le futur gérant ont réuni 400 000 euros pour relancer l’activité de l’entreprise.

Soutenus par la Région Midi-Pyrénées et le Département du Tarn, ils ont bénéficié d’un prêt remboursable et d’une subvention sur investissement. Cet investissement de 1,1 million d'euros porte principalement sur le renouvellement des machines, dont une partie des six fours (certains sont électriques, d’autres fonctionnent au fuel), et les mises aux normes environnementales.

Vingt-cinq salariés sur les 45 que comptait alors la fonderie Gillet ont décidé de sauver leur entreprise et leurs emplois en créant une Société coopérative de production (Scop).
Vingt-cinq salariés sur les 45 que comptait alors la fonderie Gillet ont décidé de sauver leur entreprise et leurs emplois en créant une Société coopérative de production (Scop). José A. Torres

De premiers résultats positifs

La fonderie Gillet fabrique, des pièces brutes ou usinées, à partir d’aluminium, de bronze, de cupro-aluminium ou de laiton. De petites et moyennes séries, de moins de 1 500 pièces, à destination du matériel ferroviaire, de l’aéronautique, des secteurs maritime, médical, ou bien encore des services d’incendie, l’entreprise fabriquant les corps de pompes qui équipent les camions de sapeurs-pompiers.

La Nouvelle fonderie Gillet s’est fixée un objectif de 2,4 millions d'euros de chiffre d’affaires. Fin février, elle a bouclé son premier trimestre d’activité avec un bénéfice de 22 000 euros pour un chiffre d’affaires de 620 000 euros. « 3 %, c’est très honorable », commente Jacques Bernardi. D’autant plus honorable que de nombreuses pannes ont affecté l’activité de la fonderie, avec un taux de disponibilité des machines de seulement 70 % en janvier. « L’outil est ancien et a souffert d’un manque de maintenance », poursuit le gérant de la Scop, dont les salariés associés ont déjà rectifié le tir.

« Il n’y a pas photo. Quand on voit d’où l’on vient, c’est le jour et la nuit. Les salariés sont plus imaginatifs, plus impliqués dans le fonctionnement de l’entreprise. Il y a un véritable attachement à l’outil de travail. C’est leur bébé et tout le monde est motivé pour que ça dure le plus longtemps possible. »

Déjà quatre embauches

Après avoir redémarré à 26, la Scop a procédé, en très peu de temps, à quatre embauches : un tourneur-fraiseur, deux fondeurs et une personne chargée de renforcer le service qualité.
Un ancien salarié, jeune retraité, a également été rappelé pour assurer de la formation continue et faire profiter les plus jeunes de son savoir-faire de fondeur.
« Nous devons tendre vers une meilleure réactivité et une meilleure qualité de services », précise Jacques Bernardi, l’un des objectifs avoués étant de ramener le taux de rebus, qui atteignait parfois jusqu’à 30 %, à 3 %. « Nous devrons livrer nos clients à l’heure, avec très peu de défauts. C’était le point faible de l’entreprise. Il faut que cela devienne le point fort. Et on y arrivera. En trois mois, nous avons déjà enregistré des résultats spectaculaires. »

Dans tous les cas, et cela se ressent dans les ateliers, chacun y met du sien pour que la fonderie historique albigeoise retrouve la vitalité nécessaire. « Au début, tout le monde a travaillé comme des mules. Maintenant, les gens viennent avec des idées. »

La fonderie Gillet a été créée, sous Louis XIV, en 1687.
La fonderie Gillet a été créée, sous Louis XIV, en 1687. José A. Torres

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?