Couteaux : la bataille entre Laguiole et Thiers ne fait que commencer...

  • Bagarre de clochers entre Thiers et Laguiole, et à Laguiole même aussi… 
Si Thiers veut bien de Laguiole pour continuer à surfer sur la renommée de l’abeille,
Laguiole veut sa propre indication géographique.
    Bagarre de clochers entre Thiers et Laguiole, et à Laguiole même aussi… Si Thiers veut bien de Laguiole pour continuer à surfer sur la renommée de l’abeille, Laguiole veut sa propre indication géographique. Archives Centre Presse Aveyron
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Olivier Courtil

Économie. Les produits manufacturés disposent enfin de la loi (Hamon) pour mettre en vigueur l’Indication géographique (IG), avec le décret officialisé début juin. Reste à s’entendre entre professionnels. À Laguiole, la situation reste tendue avec les couteliers de Thiers mais aussi avec le collectif dissident de… Laguiole. De là pourraient bien naître deux IG.

On ne pourra bientôt plus mélanger les torchons et les serviettes. Émanant de la loi Hamon, le décret sur l’indication géographique (IG) a été officialisé il y a peu (notre édition du 6 mai, NDLR), afin de donner de la transparence aux produits manufacturés et rassurer ainsi le consommateur.

Mais aussi pour préserver des savoir-faire ancestraux. Le politique a donc (enfin) fait son travail. Ce qui fait dire à Vincent Alazard, maire de Laguiole : «Je suis content et satisfait que cette étape, qui est une suite logique de la loi Hamon, soit aboutie. Mais rien n’est acquis. Les professionnels doivent s’approprier le projet pour le porter. À Laguiole, où la situation est toujours particulière, je souhaite que l’unité soit de mise, il en va de la responsabilité de chacun, c’est un moment stratégique avec l’enjeu des générations futures.»

L’édile ne pense pas si bien dire. Sa commune fut, ces dernières années, sous les feux des projecteurs médiatiques. Les élus se battant pour avoir une reconnaissance et gain de cause contre les nombreuses marques laguiole déposées par Gilbert Szajner.

Territorialité et qualité

Et un autre caillou - ou plutôt couteau - dans la chaussure s’est ajouté ces derniers mois où savoir-faire rime avec bras de fer. Ainsi, les couteliers de Thiers sont sur le point de présenter à l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi), en charge d’octroyer le nouveau label indication géographique, un cahier des charges dénommé «Le couteau laguiole Aubrac Auvergne». De quoi faire grincer des dents le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau laguiole présidé par Thiery Moysset -ce dernier se refuse à tout commentaire- et aussi gérant de la Forge de Laguiole.

Ce qui fait dire à Gilles Steinberg, à la tête de la coutellerie Fontenille Pataud à Thiers, président de la commission laguiole à la fédération française de coutellerie (FFC) et membre actif du cahier des charges réalisé par les couteliers Thiernois : «L’IG ne s’arrête pas à la porte de l’usine de Thierry Moysset. L’histoire, depuis 150 ans, implique Laguiole et Thiers, c’est le bassin historique et la loi permet plusieurs sites de production. Nous sommes dans une démarche de rassemblement et de qualité et non pas un instrument de concurrence. On attend beaucoup avec l’IG en terme de transparence, sur le plan de la territorialité et de la qualité avec du haut de gamme. Or cela coince avec le syndicat de Thierry Moysset sur la territorialité.»

Légitimité et réalité

Et ça coince à Laguiole même depuis quelque temps (notre édition du 29 mars dernier) entre couteliers avec l’émergence d’un collectif qui veut faire entendre sa voix et donc un autre son de cloche. «Notre collectif compte six couteliers. Notre démarche est d’adhérer au syndicat mais en demandant à modifier le statut, à savoir qu’une coutellerie compte pour une voix et non au prorata du nombre de salariés car nous ne pouvons pas participer au cahier des charges. On s’estime légitimes. Nous en sommes aux échanges de courrier mais pour l’heure, rien n’a changé», dit Nicolas Julvé, membre de la coutellerie D’Albrac.

Et d’ajouter : «Nous ne cherchons pas la polémique mais nous fédérer à Laguiole. Trois couteliers du collectif se sont engagés à quitter l’association de Thiers pour entrer au syndicat de Laguiole. Nous demandons un fonctionnement démocratique pour participer et contribuer au débat avec un discours en rapport à la réalité.» Se fédérer, prôner l’unité, mais derrière ces mots se cachent des désaccords. Des mésententes. Voire un malaise. «Quand l’Inpi recevra les cahiers des charges, nous aurons la possibilité de dénoncer celui de Laguiole que nous considérons illégitime», conclut Nicolas Julvé. Un malaise plus que palpable puisque deux couteliers Meilleurs ouvriers de France (Mof) viennent de quitter l’une des coutelleries phare de Laguiole. Ambiance… 

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