La préhistoire trace un nouveau chemin sur l'Aubrac

  • Un chemin qui traverse le nord de l’Aveyron et le village d’Aubrac. La conférence donne des pistes clefs, point de départ de toutes les hypothèses…
    Un chemin qui traverse le nord de l’Aveyron et le village d’Aubrac. La conférence donne des pistes clefs, point de départ de toutes les hypothèses… José A. Torres
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Centre Presse Aveyron

Bernard Pouye, historien et archéologue,  a évoqué à Saint-Rémy-de- Montpeyroux, un chemin historique comme une piste  à suivre, la promesse d’une nouvelle randonnée à réaliser.

Bernard Pouye, âgé de 88 ans, historien et archéologue, a tenu dernièrement une conférence à Saint-Rémy-de-Montpeyroux, en mémoire de l’abbé Calmels, sur invitation de l’association des Trois tours, pour évoquer l’existence d’un chemin qu’il qualifie «de protohistorique reliant en ligne droite la Méditerranée à la Bretagne soit le golfe du Lion au golfe du Morbihan». Cet itinéraire très ancien remontant sans doute au néolithique final (environ 3000 ans avant J.C) que d’autres ont pu qualifier de chemin des dolmens et des menhirs fut aussi en partie celui des premiers éleveurs transhumants du Languedoc vers l’Aubrac. Il sera mis à profit par les Grecs installés sur les côtes méditerranéennes vers le VIe siècle avant notre ère pour se rendre directement sur le grand centre d’extraction de cassitérite et de production de lingots d’étain contrôlé par les Celtes des embouchures de la Loire. Ils échappaient ainsi à la mainmise des Phéniciens sur le transport et le négoce de ce précieux métal, Phéniciens qui, contrôlant le détroit de Gibraltar à partir de Cadix, empêchaient le passage des Grecs en bateau vers l’Atlantique et l’embouchure de la Loire. Or, l’étain était indispensable pour obtenir par amalgame avec le cuivre, en proportion de 15%, outils et armes de bronze et assurer la défense des peuples de civilisation grecque.

De l'Atlantique à la Méditerranée

L’intuition d’un croisement possible de chemins aux environs d’Ad Silanum vint à l’esprit de Bernard Pouye alors qu’il avait entrepris des recherches en compagnie d’un autre archéologue Jacques Paul sur le site Ad Silanum, site dont l’existence avait déjà été révélée au début du siècle dernier par les docteurs Prunières et Erignac ainsi que par l’abbé Calmels. Ce site était connu comme un relais de poste sur la voie romaine allant de Lyon à Toulouse aménagée sous Agrippa, gendre de l’empereur Auguste, au premier siècle de notre ère. Cette voie romaine épousait un itinéraire gaulois préexistant reliant Vellaves, Gabales et Ruthènes à Lyon devenu capitale romaine des Gaules à l’instar des grandes routes nationales qui ramènent vers Paris. Se souvenant d’un texte du géographe Grec Diodore de Sicile indiquant que les Grecs ramenaient les lingots d’étain des extrémités de la Gaule soit de Bretagne en 30 jours avec des chevaux qu’ils accompagnaient à pied, le professeur Pouye eut l’intuition d’un carrefour de voie antique précisément aux environs d’Ad Silanum relativement à l’abri des vents. Il s’en ouvrit dès 1964 dans un congrès d’archéologie intitulé «Celticum IX».

A la croisée des chemins

Depuis cette idée a fait son chemin si l’on peut dire. Les études et recherches entreprises, les découvertes effectuées, l’importance des exploitations de cassitérite dès l’Antiquité dans la région de Nantes ainsi que la présence d’amphores et de monnaies d’origine grecques sur ce parcours confirmerait véritablement l’existence de cette piste. Cet itinéraire traverse le territoire du Nord-Aveyron: celui du futur parc naturel régional (PNR) Aubrac de part en part, du sud est au nord ouest, de Banassac au col de Bonnecombe, de la croix de la Rode au gué du Coulet sur la Truyère en amont du pont actuel de la Cadène. Il passe nécessairement par Aubrac croise à angle droit le chemin de Saint-Jacques, passe à la croix des Trois évêques, sur le flanc nord du roc de Cayla et à la Violette (Vialette sur le cadastre), suit exactement le chemin de crête et de séparation des eaux («l’aigovers») entre les deux Argence, passe par Alpuech, le Couderc de Bouges, Mourmentres, Durbec, les tours du Mas, Peyregrosse, les Pradeaux Mels… Après la conversion des Gaules, sous les Carolingiens, ce même itinéraire deviendra un des chemins de pèlerinage de Saint-Gilles: celui partant de Poitiers et d’Aurillac (abbaye de Saint-Géraud) antérieur à celui de Saint-Jacques et se couvrira de croix. Affaire à suivre par tous les amoureux de l’Aubrac, de la Viadène et du Barrez. N’y a-t-il pas là, à terme, une promesse de chemin de Grande randonnée (GR) reliant l’Atlantique à la Méditerranée, susceptible comme Saint-Jacques-de-Compostelle de retombées économiques, culturelles et de rencontres intéressantes pour le territoire du Nord-Aveyron?

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