Flavin a dit au revoir aux Vidal, les boulangers du village

  • Jacques et Nadine à l’heure de la cérémonie de départ, à la salle des fêtes.
    Jacques et Nadine à l’heure de la cérémonie de départ, à la salle des fêtes.
  • Voilà plus de quarante ans que ce gaillard moustachu se lève à trois heures du matin pour descendre au fournil.
    Voilà plus de quarante ans que ce gaillard moustachu se lève à trois heures du matin pour descendre au fournil. Philippe Routhe
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Philippe Routhe

Portrait. Jacques et Nadine Vidal ont cédé leur affaire à Aurélien Dauny. C’est une page de l’histoire de Flavin qui se tourne. C’est le grand-père Vidal qui avait en effet créé la première boulangerie, en 1929.

A Flavin, on ne dit pas «va chercher le pain à la boulangerie». On dit, «va chez Jacques». Ou «va chez Vidal». Que voulez-vous : voilà plus de quarante ans que ce gaillard moustachu se lève à trois heures du matin pour descendre au fournil. Comme le fit avant lui son grand-père, qui créa la boulangerie en 1929, à quelques mètres de là où elle se situe aujourd’hui, puis son père André en suivant. Et le boulanger du village, quand il en reste un, on le connaît. Surtout si son pain est bon.

Et encore plus quand il fait office de café du village ! Alors c’est comme ça à Flavin. On dit, on va chez Jacques. Enfin, on disait. Car depuis quelques jours, avec sa femme Nadine, incontournable, ils ont remisé leur tablier. Depuis le 1er décembre, c’est en effet Aurélien Dauny, un Luco-Primaubois, qui est désormais le boulanger du village. À l’approche de la retraite, contents d’avoir trouvé un repreneur dans la mesure où leurs enfants Maxime et Julie se sont tournés vers d’autres horizons, ils ont avancé l’heure de leur départ. Non sans un petit pincement au cœur. Pourtant, quand il était au collège, Jacques Vidal rêvait de tout sauf de reprendre la boulangerie.

«Un mec super. C’est lui qui m’a tout appris de ce métier.»

«Le four, je ne m’en approchais pas!» se souvient-il. Passionné de foot, il se dirigeait vers des études classiques, «peut-être de la comptabilité». Mais il y eut le drame. Le 12 mars 1973, du côté de Saint-Juliette, son père, qui effectuait aussi le ramassage du lait, s’est tué au volant de son camion. Jacques avait quinze ans. «Ma mère ne voulait pas que j’arrête mes études. Il y avait bien ma sœur, mais moi, je ne voulais pas laisser la boulangerie comme ça. Pas possible...»

Il a lâché le cartable, ses crampons aussi, enfilé le tablier blanc, et a mis les mains dans le pétrin. À cette époque-là, son père venait d’embaucher un salarié, qui ne devait commencer qu’au mois d’avril. Yves Astoul. «Un mec super. C’est lui qui m’a tout appris de ce métier. Et même plus ! Car c’est devenu un copain, et l’on faisait quelques virées ensemble» raconte Jacques.

«Il aurait très bien pu profiter de la situation vu le contexte, mais cela n’a pas été le cas. On est d’ailleurs resté amis». Le temps passant, Yves Astoul a monté sa propre affaire du côté de Martiel, Jacques poursuivant son métier avec à ses côtés son épouse. Jacques à la boulangerie, Nadine à la pâtisserie, la maman Paulette au volant du camion pour les tournées dans les patelins voisins: au début des années quatre-vingt, la maison Vidal avait déjà repris de belles couleurs. Au fil des ans, la boulangerie est devenue une belle petite entreprise avec aujourd’hui près de douze salariés.

Jacques et Nadine à l’heure de la cérémonie de départ, à la salle des fêtes.
Jacques et Nadine à l’heure de la cérémonie de départ, à la salle des fêtes.

Ambassadeur du Régalou

«Je dois saluer pour cela Francis Viargues, qui fut président du syndicat départemental des boulangers. Parce qu’il nous a obligés à nous bouger. À nous impliquer dans la profession», lance Jacques Vidal. Homme de contact, pas du genre à s’affaler dans son canapé, à part peut-être pour regarder un match de rugby, Jacques s’est impliqué auprès de la chambre de métiers, fut même prof de boulangerie à mi-temps. Il fait surtout partie des mousquetaires qui ont lancé le Régalou, le pain 100% aveyronnais comme on dit. «Là, aussi c’est Francis Viargues qu’il faut remercier. C’est le premier qui a noué les contacts avec le monde agricole. Avec Raymond Lacombe en particulier. L’idée était de créer un produit régional. Puis c’est tombé un peu dans l’oubli, jusqu’à ce qu’à la fin des années quatre-vingt-dix, les agriculteurs reviennent vers nous pour que cela se concrétise».

Et Jacques est de la partie. Avec le succès que l’on sait, le Régalou est lancé en 2000 avec du blé cultivé dans le Lévezou. «Mais tout cela est une histoire contacts, de relations, d’échanges» lance le boulanger de Flavin. Peut-être ce qui manquera le plus à Nadine et Jacques dans leur nouvelle vie. «Mais je suis toujours président du club de quilles et je m’occupe des jeunes» sourit le bonhomme, qui a toujours été très impliqué dans le village. Et à regarder l’émotion qui a gagné les habitants du village dans la salle des fêtes lors du pot de départ «des Vidal», on se dit qu’il faudra du temps avant que l’on ne dise plus que l’on va chercher le pain «chez Jacques». Ou chez Vidal. 

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