Les étoiles n’ont jamais ébloui Michel Bras

  • Quand on demande à Michel Bras de parler de sa cuisine, il répond « valeur », « respect de l’autre », « amour 
du territoire ».
    Quand on demande à Michel Bras de parler de sa cuisine, il répond « valeur », « respect de l’autre », « amour du territoire ». José A. Torres
Publié le , mis à jour
Philippe Routhe

Portrait . A 70 ans, Michel Bras vient de recevoir la reconnaissance mondiale de ses pairs. Les cuisiniers aveyronnais saluent un chef qui a toujours cru en sa bonne étoile.

Influent ? Michel Bras rit de bon cœur quand on lui pose la question. La meilleure cuisine du monde? « Je n’en suis pas sûr du tout» , sourit le chef qui brille sous trois étoiles depuis 1999. Et pourtant. Ses pairs, 528 chefs deux et trois étoiles installés à travers le monde, interrogés par le magazine professionnel  Le chef , l’ont classé numéro un mondial.

L’intéressé en est  «ému». Qui plus est parce qu’il a aujourd’hui plus souvent l’appareil photo en bandoulière, une véritable passion, que le tablier blanc sur les épaules. Parce c’est aujourd’hui son fils Sébastien qui fait briller les étoiles du Puech Suquet. Mais il suffit de glisser le bout de son nez dans les cuisines des six chefs étoilés du département pour comprendre un peu ce que représente Michel Bras. Les cuisiniers du monde ont salué cette semaine une façon d’être et d’avoir été.

Un «coup de pied à la cuisine classique haut de gamme»

«À un moment où la cuisine française était bloquée, il a conceptualisé sa cuisine, réalisé des tableaux»[/CIT], glisse Jean-Luc Fau.  «Il a mis un coup de pied à la cuisine classique haut de gamme, en faisant une cuisine sans caviar ni gants blancs, mais en modernisant les plats de mémé Bras», avance Guillaume Viala, qui a officié durant trois ans dans les cuisines de Bras. «Il a travaillé les légumes quand ils n’étaient pas du tout dans l’air du temps», rappelle Nicole Fagegaltier.

Et tout cela avec une cohérence jamais démentie. Quand l’intelligentsia gastronomique parisienne lui fait les yeux doux pour briller près des Champs-Élysées, Michel Bras bâtit son restaurant en forme de laguiole ouvert sur le plateau de l’Aubrac. Sur «sa» terre. La cuisine moléculaire entre sous les toques, il crée le gargouillou de jeunes légumes. La gastronomie française entre dans le petit écran, fait tinter les casseroles sur toutes les chaînes, il ne quitte pas les fourneaux de sa cuisine. Lors d’un rare reportage filmé dans les coulisses de la cuisine de Michel Bras, un journaliste s’étonne de ne pas entendre des «oui chef!» S’étonne du calme. Le chef étoilé répond qu’il ne se voit pas faire la cuisine autrement. Chez Bras, un poète pourrait rédiger ses vers sur la table de marbre de la cuisine, à l’heure de pointe.

Quand, à l’occasion de ce sacre mondial, on lui demande de parler de sa cuisine, il répond «valeur», «respect de l’autre», «amour du territoire». La sérénité et la stabilité du plateau de l’Aubrac, il les a voulues dans sa maison. C’est un bras droit, Régis Saint-Geniez, fidèle depuis plus de 30 ans, un sommelier, Sergio Calderon, qui a les clés de la cave depuis plus de 25ans, et surtout son fils, Sébastien, à qui il a transmis cette façon d’être. Ainsi, comme l’a glissé Nicole Fagegaltier: «Michel Bras appartient définitivement à l’histoire de la cuisine française. Il l’a marquée à jamais». Même s’il en rigole ou s’en défend, Michel Bras influence les cuisiniers du monde. Parce qu’il a trois étoiles pas tout à fait comme les autres.

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