Rencontre avec Bachir, jeune irakien tout juste arrivé à Rodez

  • Le périple de Bashir s’est achevé il y a près de trois mois, à Rodez. «La première chose que j’ai faite en arrivant ici, c’est de dormir. Jamais je n’ai eu l’occasion de me reposer durant toutes ces semaines.»
    Le périple de Bashir s’est achevé il y a près de trois mois, à Rodez. «La première chose que j’ai faite en arrivant ici, c’est de dormir. Jamais je n’ai eu l’occasion de me reposer durant toutes ces semaines.» Philippe Henry / Centre Presse
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Philippe Henry

Bachir, un jeune irakien de 23 ans, a quitté son pays d’origine comme des milliers de ses compatriotes. Arrivé il y a trois mois à Rodez, il n’aspire plus désormais qu’à «vivre en paix».

Bachir (1) fume nerveusement sa cigarette. Tandis qu’elle finit de se consumer dans le cendrier, il en tire une nouvelle du paquet. Assis à la terrasse d’un bistrot, il savoure son café, baigné par la pâle lumière d’un soleil d’hiver.

«En Irak, je ne me risquais même plus à rester en terrasse. Là-bas, les attentats sont quotidiens. On risque sa vie tous les jours», confie le jeune homme de 23 ans dans un anglais approximatif, mélangé à quelques bribes de français.

Comme des milliers de ses compatriotes, il a fui la violence, la guerre, cette vie rythmée par «les bombes qui explosent tous les jours». «À Bagdad, je tenais un magasin de vêtements pour femme, la vie n’était pas facile mais nous ne vivions pas trop mal», se rappelle-t-il. Jusqu’au jour où l’un de ses frères est tué dans un attentat. 

«Jamais je ne pensais avoir aussi froid »

Pendant ce temps, des milliers de réfugiés ont pris la route de l’exil. «J’ai vu ces images à la télévision, c’est probablement à ce moment que j’ai pris la décision de partir. Mes parents étaient d’accord, ma femme aussi.» «Il n’y a pas d’avenir possible en Irak», répète-t-il à de nombreuses reprises.

Calé au fond de son siège, Bachir cherche ses mots, se grille en attendant une autre cigarette. Une fois quitté l’Irak par avion pour rejoindre la Turquie, il embarque sur un bateau gonflable conçu pour quelques passagers. «Nous étions une soixantaine à embarquer, nous avons dû écoper l’eau sur toute la traversée. Les hommes ramaient, les femmes et les enfants évitaient de bouger pour ne pas chavirer. Mais cela n’a pas suffi et certains sont tombés à l’eau. Nous étions frigorifiés.»

«Un flot de réfugiés qui s’étirait jusqu’à l’horizon» 

Trois heures plus tard, l’embarcation de fortune échoue sur les côtes de la Bulgarie. Puis, vient la longue et pénible traversée des Balkans. Son premier souvenir reste la sensation de froid qui paralysait ses membres. «J’avais été prévenu par des amis qui avaient émigré avant moi que cela allait être difficile, jamais je ne pensais avoir aussi froid.» Macédoine, Serbie, Hongrie, Autriche. Sa marche aura duré près de trois mois. Trois mois durant lesquels il «aura été accompagné par des milliers de personnes. J’ai sympathisé avec certains, d’autres n’ont pas dit un mot de tout le voyage».

«Mais il était facile de trouver son chemin, poursuit-il. Il n’y avait qu’à suivre le flot de réfugiés qui s’étirait jusqu’à l’horizon.» L’accueil des locaux «a été formidable, certains nous ont distribué de la nourriture, des vêtements chauds». Mais, en Hongrie, notamment, lors du passage des réfugiés, certains ont crié: «Dehors! Rentrez chez vous, se souvient Bachir, dans un sourire gêné.

En Hongrie, justement, le jeune réfugié raconte avoir été détenu durant plusieurs jours par les forces de police locales. Motif de l’arrestation : «Je n’avais tout simplement pas de visa! Mais j’étais comme des centaines d’autres personnes.Personne n’avait de papiers en règle.»

Une autre vie possible

Lorsque la frontière allemande se dessine enfin, c’est la délivrance. Après quelques semaines de repos au sein d’un camp regroupant plusieurs centaines de réfugiés, Bachir grimpe dans un bus direction Paris, dispatché aux quatre coins de l’Europe comme des milliers de ses compagnons de voyage. Dans la capitale, le jeune Irakien découvre qu’une autre vie est possible.«Ici, on peut sortir avec des amis, boire un café sans risquer d’être tué par une bombe. Les gens sont plus souriants. Ceux qui vivent en France, et en Europe, ont vraiment de la chance.» 

La boxe pour «décompresser»

Son périple s’est achevé il y a près de trois mois, à Rodez. «La première chose que j’ai faite en arrivant ici, c’est de dormir, plaisante-t-il. Jamais je n’ai eu l’occasion de me reposer durant toutes ces semaines. Et j’ai pu enfin reprendre contact avec ma famille restée en Irak.» Désormais, la vie de Bachir se partage entre ses cours de français, quelques leçons de boxe, une manière de «décompresser». Le jeune homme n’aspire plus qu’à une chose:  «Vivre en paix et que ma famille me rejoigne enfin». 

(1) Le prénom a été changé.

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