Bruno Gares : sixièmes JO pour l'armurier et toujours la flamme

  • L’armurier ruthénois de l’équipe de France d’escrime est sans conteste l’Aveyronnais qui connaît le mieux les Jeux Olympiques. Avec Rio, il en est à sa sixième olympiade.
    L’armurier ruthénois de l’équipe de France d’escrime est sans conteste l’Aveyronnais qui connaît le mieux les Jeux Olympiques. Avec Rio, il en est à sa sixième olympiade. José A. Torres
Publié le
Aurélien Parayre

Le maître d’armes ruthénois, et armurier en équipe de France d’escrime depuis 94, fait partie de la délégation française présente aux Jeux olympiques de Rio. En charge de la logistique notamment, il côtoie l’olympisme depuis Atlanta en1996 un maillot tricolore sur le dos. 

Le fabuleux doublé en or, en individuel et par équipes, de Laura Flessel en 1996 à Atlanta: il avait œuvré à sa préparation. Quatre ans plus tard, les médailles de bronze de la Guêpe ou d’argent d’un certain Hugues Obry: il les a vues de très près, en Australie, en tant qu’observateur. Les trois breloques en or conquises à Athènes, la consécration des frères Jérôme et Fabrice Jeannet à Pékin ou encore la fracassante désillusion londonienne de 2012: il y était, officiant à chaque fois comme armurier. «Il», c’est Bruno Gares.

Le Ruthénois qui s’apprête à vivre sa sixième olympiade donc, en ce mois d’août à Rio. À 51 ans, il est toujours aussi excité de participer à ce qui reste «une fête du sport entre toutes les nations». Rencontré fin juillet avant qu’il ne parte en stage du 22 au 29 juillet puis qu’il ne file vers le Brésil dès le 31, il confiait «sa chance». Celle d’abord d’être libéré par la mairie de Rodez avec laquelle il œuvre dans le domaine sportif. Celle aussi de pouvoir vivre des instants historiques au goût davantage exquis qu’il a combattu la maladie de longs mois durant.

Pas d’inquiétude extra-sportive et toujours «sur la ligne»

Alors, peu lui importe le contexte contraire. Ce virus Zika faisant renoncer certains athlètes, la dangerosité d’un pays réputé violent ou encore les menaces d’attentat. «Je n’écoute pas trop les infos là-dessus», répond le Ruthénois, avec la malice qui le caractérise. Avant d’enchaîner: «Le danger existe. Bien sûr qu’il faut être vigilant. Mais lors de chaque olympiade, il y a toujours une grosse sécurité. On y va pour faire du sport et gagner, point.» Car s’il n’a pas le rôle d’entraîneur, comme à l’année avec le club de Rodez, Bruno Gares reste un maillon essentiel de la chaîne dans la performance sportive des Bleu(e)s. L’Équipe, la bible du sport français, l’avait d’ailleurs affublé du surnom de «Mac Gyver de l’équipe de France», à l’été 2015 lors de l’Euro et à l’occasion d’un papier éclairant son rôle d’armurier. Difficile d’ailleurs d’en cerner l’entièreté. Certes, qui dit armurier, dit arme. Les trois du reste: le sabre, l’épée et le fleuret.

Chez les hommes comme chez les dames. L’objectif est que chaque tireur en soit satisfait. «Certains veulent la lame dure et d’autres souple, explique-t-il. Et moi, mon but, c’est de parvenir à faire passer l’arme au contrôle.Il y a d’un côté, ce qui est interdit par le règlement; de l’autre, ce qui est toléré. Il faut être situé pile sur “la ligne” qui sépare les deux.» Les plus grands exploits sportifs se nichent dans des détails. Ça, ç’en est assurément un colossal. Celui qui fait basculer vers les honneurs ou les abysses. Celui qui crée du coup des liens intenses. La relation que Bruno Gares entretient avec «l’extraterrestre» Fabrice Jeannet est là pour en attester. Scellée par deux médailles du plus beau métal, obtenues, serait-on tenté d’écrire, ensemble, en 2004 et 2008.

Depuis, le Martiniquais porte la tunique de l’Escrime Rodez Aveyron. Et c’est tout sauf un hasard. Cette fois, au pied du Corcovado, il y a un autre épéiste qui risque de compter, inconsciemment, un tout petit peu plus que les autres aux yeux de Bruno Gares: Daniel Jérent. Car il le connaît par cœur. Aujourd’hui licencié en club à Levallois, et sous la houlette de l’entraîneur national Hugues Obry, il avait débarqué de ses Antilles natales alors qu’il n’avait pas 20 ans à l’ERA. Le maître d’armes aveyronnais et Rodez l’ont aidé à grandir, avant qu’ils ne puissent le retenir, il y a déjà plusieurs mois. Et bien qu’il soit devenu un des meilleurs «ennemis» de Rodez dans les compétitions de club, il n’en reste pas moins marquant. «Je serai énormément content qu’un Français gagne. Peut-être que ce sera un peu plus fort si c’est Daniel», a tout simplement lâché, très pudiquement, l’ancien mentor.

Roger Federer et le « très dangereux» village olympique

Lui qui sait l’importance d’un simple regard ou d’une mimique. Car sa fonction le place aussi aux avant-postes, lors de la traditionnelle chambre d’appel, juste avant que l’escrimeur n’entre en piste. Là, il est bien souvent le dernier contact avec l’athlète. «Je ne me mêle pas de la partie technique, précise-t-il. Mais parfois, un gars a besoin d’un ultime petit conseil, d’un dernier coup de motivation.» Et quand ça fonctionne, Bruno Gares le retrouve après le combat lors de la cérémonie protocolaire, étant préposé aussi au bon déroulement de celle-ci. Totalement à l’intérieur de la performance on vous disait. À l’intérieur aussi d’un village olympique que l’on sait tant fiévreux.

«C’est tellement dingue, abonde-t-il. C’est un endroit très dangereux. Certains y perdent la compétition. Car y évoluer engendre tant de pression. Tous les meilleurs athlètes de la planète y sont réunis et, indirectement, c’est déstabilisant. Le sportif peut paradoxalement s’y isoler, s’y perdre. Aux entraîneurs de gérer ça.» C’est aussi un catalyseur d’émotions fortes, voire uniques.

Le Ruthénois de se souvenir: «En 2008, Federer fait son entrée dans la tente restauration. Il y a 3 ou 4000 personnes, parmi lesquelles des champions olympiques, des athlètes hors nomes, des cadors de leurs disciplines. Tous se lèvent et applaudissent. Pas la performance puisqu’il n’avait pas encore joué. Mais juste l’homme. Quel respect ! Un moment puissant.»

Pour autant, l’Aveyronnais, fidèle à son caractère, reste pragmatique. Comme il le répète à l’envi, il va à Rio «pour gagner». Et il y va «en confiance». Pour lui, la Berezina qu’avait connue l’escrime française à Londres en 2012 est derrière elle. «On a appris du passé, changé certaines choses, commente-il, avant de livrer son ambition chiffrée. On doit ramener entre quaztre et six médailles.» Ses lames sont affûtées. Son âme aussi. 

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?