Diagana: « Sans Bolt, on doit repenser l’athlé »

Né à Saint-Affrique, le champion du monde 1997 du 400 m haies n’a pas passé ses vacances en Aveyron cet été comme il en a l’habitude avec sa femme, Odile Lesage, également originaire du département. Consultant pour France Télévisions, il a commenté toutes les épreuves d’athlétisme à Rio lors des Jeux olympiques. Une aventure qu’il partage avec nous sans éluder aucun sujet : les six médailles françaises, les stades vides, le cas Renaud Lavillenie mais également le dopage. Entretien.

Comme de nombreux spécialistes, ces Jeux olympiques de Rio vous ont-ils quelque peu laissé sur votre faim? Oui car sur le plan sportif, les athlètes étaient au rendez-vous et le niveau était très bon. Mais voir autant de stades vides, notamment celui de l’athlétisme dans lequel j’étais, c’est dommage. Mais c’est normal car les places étaient bien trop chères alors que tout le monde connaît la situation économique du Brésil. C’est une erreur du comité d’organisation et du CIO car s’ils avaient baissé les tarifs, les stades auraient été remplis et les recettes égales! Mais j’ai senti les Brésiliens hors de ces JO, ils n’étaient pas passionnés. Et je ne parle pas du cas Lavillenie...

Justement, les sifflets du public à l’encontre de Renaud Lavillenie lors du concours de saut à la perche et du podium vous ont-ils attristés? Malheureusement, oui. Les basketteurs m’ont dit qu’ils ne comprenaient pas pourquoi cela avait fait autant de bruit, que l’athlète devait s’attendre à ce genre de réactions, rester concentré, etc. Mais ils n’ont pas compris qu’en athlétisme, cela n’arrive jamais et encore moins dans le saut à la perche où les concurrents s’applaudissent entre eux! Maintenant, je ne pense pas que c’était de la méchanceté de la part du public brésilien mais plutôt de la méconnaissance du sport. C’est la culture foot...

Comment auriez-vous réagi si cela vous était arrivé lors de votre carrière? Je ne sais vraiment pas comment je l’aurais pris. Mais ce qui est certain, c’est que je comprends les larmes de Renaud tout comme ses propos maladroits après le concours.

Outre cela, l’athlétisme français a brillé durant ces JO avec six médailles. Est-ce une surprise? Non car c’était une éventualité. Dans nos rêves les plus fous, on aurait pu avoir 10 médailles. Je m’attendais à ce qu’on en est quatre, finalement cela nous a davantage souri. Ce qui est positif, c’est que la France a brillé dans plusieurs disciplines avec de l’or au disque, des médailles au sprint, en haies, etc.

Laquelle vous a le plus touché? Sans hésitation, l’argent de Kévin Mayer au décathlon. Ce qu’il a fait est énorme! Il a explosé le record de France et surtout, il est désormais le sixième meilleur «performeur» mondial. À son âge (24 ans), c’est extraordinaire. Il fait déjà parti des plus grands mais il va devoir bien gérer la suite, les sollicitations et autres. J’espère qu’il gardera la tête sur les épaules.

Comment ne pas évoquer la foudre Usain Bolt qui, une nouvelle fois, a frappé avec trois médailles d’or! Ce n’est plus le Bolt d’avant, il n’est pas aussi impressionnant et ne peut plus battre des records. Mais ce qu’il a encore réalisé est incroyable. Respect.

En revanche, c’était ses dernières olympiades. Cela ne va-t-il pas nuire à l’athlétisme? C’est une bonne question car il a énormément apporté à notre sport avec son côté showman. Mais il faut voir cela comme une formidable opportunité. On doit totalement repenser l’athlétisme avec la création d’un véritable circuit mondial. Aujourd’hui, il y a la Diamond League mais le grand public n’y comprend rien et les athlètes, pas plus. Pourquoi ne pas faire comme la Formule 1 avec un meeting tous les 15 jours ou mois par exemple et dans lequel sont inscrits tous les meilleurs mondiaux? Car là, on ne sait jamais qui sera présent, qui ne le sera pas. Usain Bolt n’a jamais gagné la Diamond League alors qu’il est le plus grand athlète de tous les temps, ça veut tout dire...

Retrouvez l'intégralité de cette interview dans Centre Presse aujourd'hui mardi 30 août.