Goutrens: des dégradations... Mais pas d'apologie du terrorisme

  • Un jeune homme de 19 ans était appelé à la barre du tribunal correctionnel, ce jeudi à Rodez.
    Un jeune homme de 19 ans était appelé à la barre du tribunal correctionnel, ce jeudi à Rodez. Archives José A. Torres
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J.B.

Il avait dessiné, sur deux mètres de haut, un tag pour déclarer son amour à Daesh. Le jeune prévenu comparaissait hier après-midi au tribunal de Rodez. 

« La leçon est désormais bien ancrée en lui, il n’y a pas besoin de condamnation.Il faut rendre les choses à sa juste valeur.C’est une bêtise. » Cette conclusion de l’avocate de la défense, Maître Régine Barthélémy, du barreau de Montpellier, résume assez bien l’affaire qui était jugée, ce jeudi après-midi à la barre du tribunal de Rodez. Après avoir été reportée, une première fois, à la demande du jeune prévenu, afin de préparer sa défense. Ce dernier, J.G, un apprenti charpentier de 19 ans, domicilié à Villefranche-de-Rouergue, présenté selon le rapport d’expertise du médecin psychiatre comme « quelqu’un d’intelligent, d’intégré » et non pas comme « quelqu’un ayant une fascination pour Daesh », risquait gros. Jugé pour dégradation de bien public et apologie d’un acte de terrorisme, il a été interpellé début décembre.Trahi par des traces d’Adn retrouvées sur le bouchon d’une bombe de peinture, avec laquelle un tag de 2 mètres de hauteur avait été dessiné, dans la nuit du 29 au 30 août, sur l’un de murs de la salle communale du village de Goutrens. Jusque-là rien de très grave si ce n’est que sur ce tag était mentionnée l’inscription «Daesh.I love you», entourée de cœurs et de deux symboles de paix.

« Un gamin, un peu trop naïf »

Après avoir choisi, dans un premier temps de garder le silence lors de sa garde à vue, le jeune prévenu a finalement reconnu les faits.Hier après-midi , à la barre, il a timidement expliqué avoir trop bu, ce soir-là, et voulu exprimer, au contraire, sa haine du terrorisme. Ce qui n’a pas vraiment convaincu la présidente du tribunal, Sylvie Rouanne. « Dans le contexte actuel, on ne choisit pas ce mot au hasard.Votre geste peut être perçu autrement.Il est étrange d’avoir une expression artistique avec ce mot », a-t-elle insisté, se demandant ce qui avait bien pu le pousser à faire ça. « C’est un gamin qui est un peu naïf, qui a besoin de se ressaisir », a tempéré le maire de Goutrens, Alain Laporte. L’apprenti s’étant excusé en mairie et s’étant engagé à rembourser les 1 198 € de frais occasionnés, l’élu considère que « l’incident est clos. »

Se refusant à faire de ce procès une « exemplarité », et « même s’il n’y a pas volonté de faire l’apologie du terrorisme », le substitut du procureur Frédéric Coulomb a tenu à resituer les faits dans un contexte de violence, marqué par des tueries de masse et des assassinats ciblés. « Quand on évoque Daesh, on ne pense pas à l’amour », a-t-il lâché avec une certaine fermeté.Considérant que l’élément moral était constitué, le représentant du Ministère public a réclamé une peine de 210 heures de travaux d’intérêt général et une amende de 1 200 €, sans toutefois privation du droit civique. « Il est dans un état d’esprit d’adolescent, il est en train de se construire.Pendant sa garde à vue, il ne savait pas où il était, ce qu’il faisait », a martelé l’avocate de la défense, avant de citer plusieurs témoignages, dont celui de son employeur, en faveur du jeune prévenu. Relaxé pour l’infraction d’apologie du terrorisme, le tageur irraisonné, qui avait déjà fait l’objet d’un rappel à la loi pour avoir tagué une maison en construction, a finalement été reconnu coupable de dégradation et condamné à 50 heures de travaux d‘intérêt général dans un délai de 18 mois. Nul doute qu’il ne touchera plus une bombe de peinture de sitôt…

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