Frais d'enquête: Guéant a touché 10.000 euros par mois entre 2002 et 2004

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AFP

Quelque 10.000 euros mensuels, puisés dans les "frais d'enquête" des policiers, ont été "remis" entre 2002 et 2004 à Claude Guéant, alors directeur du cabinet du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, selon un rapport d'inspection rendu public lundi et remis à la justice.

Contacté par l'AFP, Claude Guéant n'avait pas réagi lundi après-midi alors que le ministre de l'Intérieur Manuel Valls annonçait avoir transmis ce rapport à la justice.

Mais dans l'entourage de M. Guéant, on relevait que ces sommes ne lui étaient pas destinées, mais étaient utilisées pour un système de "gratifications", notamment pour les policiers en charge de la protection du ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy.

Une enquête administrative avait été demandée le 2 mai par M. Valls: M. Guéant avait affirmé avoir bénéficié de ces primes lorsqu'il était place Beauvau pour expliquer plusieurs factures réglées en liquide découvertes lors d'une perquisition le visant.

Les conclusions de cette enquête des Inspections générales de l'administration (IGA) et de la police nationale (IGPN, la "police des polices") montrent que la pratique des primes aux cabinets, qui n'avait plus lieu d'être, avait "été rétablie" entre 2002 et 2004 à l'Intérieur.

Les deux inspections avaient une "mission de vérification sur l'usage des frais d'enquête et de surveillance" des policiers destinés par exemple à rémunérer les informateurs et assurer la couverture des frais engagés lors des enquêtes.

Elles devaient particulièrement s'attacher à déterminer si depuis le 1er janvier 2002, date d'entrée en vigueur d'une réforme des primes de cabinets ministériels, une partie des frais d'enquête aurait été utilisée "à d'autres fins".

"Il semble que la pratique antérieure au 1er janvier 2002", écrivent les rapporteurs IGA/IGPN "ait été rétablie de mai 2002 à l'été 2004" place Beauvau.

"Pendant deux ans", selon eux, la dotation attribuée au ministère pour les personnels de cabinet a "été complétée par des versements en provenance des frais d'enquête et de surveillance", à "hauteur de 10.000 euros par mois remis au directeur de cabinet du ministre", M. Guéant à cette époque.

Opacité des frais de police

M. Guéant avait expliqué la découverte en février, lors de perquisitions le visant dans le financement libyen présumé de la campagne de M. Sarkozy en 2007, de factures payées en liquide d'un montant, selon lui, de 20 à 25.000 euros.

Selon lui, elles avaient été payées par des primes "non déclarées de toute éternité" et "avec la tolérance des services fiscaux".

Le rapport donne donc du crédit à ces affirmations mais pose implicitement la question de l'opacité des frais de police dont il estime, toujours implicitement, que l'ancien ministre de l'Intérieur - et proche - de M. Sarkozy a fait un usage qui n'était pas initialement le leur.

M. Valls a annoncé qu'il transmettait "dès à présent l'intégralité du rapport au procureur de la République de Paris".

"Sans remettre en cause l'utilité" des "fonds qui sont indispensables aux activités d'investigation", écrit l'Intérieur dans son communiqué, M. Valls "retient la nécessité de mettre un terme à certaines pratiques indemnitaires".

Il demande en conséquence que la direction générale de la police nationale (DGPN) traduise "dans les faits" les préconisations du rapport.

"Ainsi, écrit encore Beauvau, l'usage des frais d'enquête et de surveillance sera strictement limité aux seuls besoins opérationnels" et les "gratifications versées aux fonctionnaires de police" le seront "à partir des crédits prévus à cet effet".

Le ministre reprend le constat de la mission pour qui "les instructions" visant à les contrôler et les encadrer "ont eu un effet trop limité sur la pratique des services de police".

Sous-entendant que des abus existent encore, elle réclame un "recadrage rapide" pour que l'usage des frais soit "restreint aux seuls besoins opérationnels liés aux enquêtes", ce que M. Valls demande aussi, évoquant leur "traçabilité" et un "contrôle interne" qui "doivent être mis en oeuvre".

Les frais de police figurent sur une ligne budgétaire du ministère de l'Intérieur de près de dix millions d'euros en 2013. Cet argent liquide est géré par la DGPN et réparti entre les différents services de police pour gratifier des enquêteurs par exemple.

Ces fonds ont souvent fait l'objet d'âpres débats parmi les forces de l'ordre et ont souvent été réformés après des abus. En 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait instauré une prime de résultats exceptionnels (PRE) pour tenter de régulariser les gratifications.

Source : AFP

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