Aux Emirats, Damas renaît en studio pour les besoins des feuilletons syriens

  • Des acteurs syriens attendent entre deux prises sur le tournage d'une série télévisée sur un plateau à Abu Dhabi, le 30 mai 2013
    Des acteurs syriens attendent entre deux prises sur le tournage d'une série télévisée sur un plateau à Abu Dhabi, le 30 mai 2013 AFP - Marwan Naamani
  • L'actrice syrienne Waha al-Raheb danse une danse traditionnelle lors du tournage d'une série télévisée à Abu Dhabi, le 3 juin 2013
    L'actrice syrienne Waha al-Raheb danse une danse traditionnelle lors du tournage d'une série télévisée à Abu Dhabi, le 3 juin 2013 AFP - Marwan Naamani
  • L'acteur syrien Salim Sabri et d'autres acteurs tournent une série télévisée dans un studio d'Abu Dhabi, le 30 mai 2013
    L'acteur syrien Salim Sabri et d'autres acteurs tournent une série télévisée dans un studio d'Abu Dhabi, le 30 mai 2013 AFP - Marwan Naamani
Publié le
AFP

Des femmes en robe traditionnelle font claquer leurs soques dans le hammam, une autre nettoie les sols en marbre à l'eau parfumée: la scène semble se passer dans le vieux Damas. Mais elle a lieu dans une zone désertique d'Abou Dhabi.

C'est ici qu'ont été recréés les décors d'un vieux quartier de la capitale syrienne, avec son bain turc, pour tourner un des feuilletons pour lesquels se passionne le public arabe pendant le mois du Ramadan, qui commence en juillet.

"Voici l'eau parfumée à la rose, à la cannelle, au gingembre et au citron", dit une actrice portant une longue robe crème et un foulard rouge, à Oum Sakher, l'épouse du propriétaire du hammam, lors de la répétition d'une scène.

"Je n'ai pas pu retenir mes larmes en voyant ce vieux hammam recréé ici dans ses moindres détails. J'ai tellement de nostalgie pour mon pays, tellement de peine pour ce qui se passe", confie la Syrienne Waha Al-Raheb, la principale actrice du feuilleton, "Hammam Chami" (Hammam de Damas).

Les séries télévisées syriennes retraçant la vie des vieux quartiers de Damas --encore bien conservés-- ou Alep ont connu un succès phénoménal ces dernières années dans tout le monde arabe. Mais c'est la première fois que ce genre de feuilleton est tourné hors de Syrie, le conflit sanglant ayant poussé à l'exil beaucoup d'acteurs et réalisateurs.

De nombreux artistes ont fui la Syrie, d'autres, opposés au régime, ont été arrêtés ou tués.

Le mois dernier, les forces du régime ont brièvement arrêté l'actrice de renom May Skaf, pour la deuxième fois depuis qu'elle a participé en 2012 à une manifestation d'intellectuels à Damas.

En février, l'acteur Yassine Bakkouch, célèbre pour ses rôles comiques depuis des décennies, a été tué par un obus qui s'est abattu sur sa voiture dans les environs de Damas.

La production de feuilletons syriens a drastiquement baissé depuis le début du soulèvement contre le régime du président Bachar al-Assad, passant d'environ quarante séries télévisées produites pour le Ramadan en 2010 à moins de la moitié aujourd'hui.

Beaucoup de feuilletons sont aujourd'hui tournés hors de Syrie, au Liban, en Egypte ou aux Emirats.

A Abou Dhabi, le Hammam a été reconstitué avec minutie, des sols en marbre et en mosaïque aux anciennes bouilloires en cuivre, en passant par les chandeliers ottomans et les tabourets en paille.

"Les décors étaient tellement réussis que nous avons senti à certains moments que nous étions revenus en Syrie et que nos soucis étaient finis, ils nous ont transportés dans une douce illusion", ajoute Waha Al-Raheb, une brunette.

Il a fallu quatre mois de préparatifs et tous les accessoires ont été transportés depuis Damas.

"Si seulement ces décors avaient pu être installés dans leur environnement naturel, à Damas", soupire le décorateur, Mouhannad Abou Chanab. "Nous avons travaillé sur ce projet les larmes aux yeux", ajoute-t-il.

Quelque 45 techniciens ont dû être amenés de Syrie, ainsi que les acteurs principaux, alors que les rôles secondaires ont été joués surtout par des acteurs syriens vivant aux Emirats.

Waha Al-Raheb elle-même indique s'être installée aux Emirats depuis un an, "après avoir reçu sur Facebook des menaces de chabbihas", les milices du régime du président Bachar Al-Assad qui terrorisent tous ceux qui ne le soutiennent pas.

Elle indique que le feuilleton, une comédie légère, "vise à ramener le sourire aux gens et leur faire oublier leurs soucis, tout en gardant la Syrie présente" dans leur coeur.

Il retrace la vie d'un quartier traditionnel des années cinquante, lorsque le bain turc constituait encore le coeur de la vie sociale du quartier, hommes et femmes s'y retrouvant à tour de rôle.

Le hammam était le lieu où les hommes concluaient les transactions commerciales et les femmes cherchaient des épouses pour leurs fils, explique Sahar Fawzi, qui joue le rôle d'Oum Mouwaffaq, la deuxième épouse d'un habitant du quartier.

Le directeur de production, Issam Al-Awwa, basé aux Emirats, indique que les coûts de tournage ont doublé depuis que les producteurs ne veulent plus tourner en Syrie, où la guerre a fait quelque 94.000 morts.

Mais pour Waha Al-Raheb, malgré le drame que vit la Syrie, "l'art ne doit pas s'arrêter".

Source : AFP

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