Rhinocéros: inquiétude pour des spécimens d'Afrique introduits en Chine

  • Prise de cornes de rhinocéros le 15 novembre 2011 par le service des douanes de Hong Kong
    Prise de cornes de rhinocéros le 15 novembre 2011 par le service des douanes de Hong Kong AFP/Archives - Aaron Tam
  • Un rhinocéros africain arrive le 1er avril 2013 dans son nouvel enclos dans le parc national de la forêt de Pu'er, dans le Yunnan, au sud-ouest de la Chine
    Un rhinocéros africain arrive le 1er avril 2013 dans son nouvel enclos dans le parc national de la forêt de Pu'er, dans le Yunnan, au sud-ouest de la Chine AFP - -
  • Un rhinocéros africain dans son nouvel enclos dans le parc  national de la forêt de Pu'er, dans le Yunnan, au sud-ouest de la Chine
    Un rhinocéros africain dans son nouvel enclos dans le parc national de la forêt de Pu'er, dans le Yunnan, au sud-ouest de la Chine AFP - -
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AFP

Au cœur d’une forêt tropicale chinoise, sept rhinocéros tirés de leur savane africaine attendent d’être remis en liberté, une démarche qui suscite bien des doutes dans le pays où la corne de ces mammifères menacés est la plus demandée, à l’origine d’une explosion de leur braconnage en Afrique.

Les animaux étaient arrivés en fanfare en mars dernier dans le Parc national de la forêt de Pu'er, au milieu des collines humides de la province du Yunnan (sud-ouest), sous les caméras de télévision montrant ces bêtes imposantes déposées à l'aide de grues dans leurs enclos.

Mais les critiques s'interrogent sur les véritables motifs de l'opération et avertissent que les rhinocéros d'Afrique, dont plus de 150 ont été installés en Chine ces dernières années, auront fort à faire pour survivre dans leur nouvel environnement forestier.

Dans un des bureaux du parc, un des employés chargés de veiller sur les bêtes, Qian Fuchun, vêtu d'un ensemble en camouflage, prévient: "Les rhinocéros ne peuvent pas être vus par le public, vous ne pouvez pas aller les voir".

Son employeur, le Mekong Group, est en train de transformer les 23.800 hectares de forêt du parc, jusque là inviolée, en une destination touristique, agrémentée de centaines d'espèces d'oiseaux rares et de lézards.

Dans les parcs d'Afrique du sud, d'où les rhinocéros sont originaires, les touristes ne sont généralement pas autorisés à descendre de leur véhicule et doivent être accompagnés d'un "ranger" en arme quand ils font quelques pas, en restant sous le vent et à distance respectable des rhinocéros.

Villas en construction

Mais sur les murs du bureau de M. Qian, des croquis décrivent la "zone de visite des rhinocéros" avec des visiteurs à quelques mètres de rhinocéros gris couchés sous les arbres.

L'AFP a pu voir des ouvriers en train d'ouvrir des routes à travers la forêt, où des villas de vacances étaient en cours de construction.

"On espère que les rhinocéros vont pouvoir se reproduire ici, c'est notre objectif principal. On les relâchera ensuite dans la nature", a déclaré M. Qian. "Le projet relève de la recherche scientifique", a-t-il assuré.

L'opération intervient au moment où le braconnage des rhinocéros blancs en Afrique est en croissance exponentielle du fait de la demande des consommateurs asiatiques de médecine traditionnelle à base de poudre de corne de rhinocéros, pourtant exclusivement composée de kératine, la même matière que les ongles humains.

Des chatouilles

L'espèce est désormais classée comme "près d'être menacée", avec environ 20.000 rhinocéros blancs restant dans la nature. Mais le gouvernement d'Afrique du sud, pays qui compte le plus de ces animaux, souligne que le braconnage est passé de 13 animaux tués en 2007 à 668 l'an dernier. Et depuis le mois de janvier, 242 rhinocéros ont été abattus dans le seul parc Kruger.

L'espèce cousine des rhinocéros d'Asie a disparu au début du siècle dernier, victime de la chasse.

La Chine a importé plus de 150 rhinocéros blancs d'Afrique du sud entre 2007 et 2012, selon les chiffres de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), qui autorise l'exportation de ces animaux vivants "vers des destinations appropriées et acceptables".

Mais le secret qui a entouré le projet chinois a suscité de nombreuses inquiétudes. Le parc du Yunnan abrite des animaux âgés de six à huit ans, tous importés d'Afrique du sud en 2010, selon le quotidien officiel China Daily.

Le journal avait cité un employé chargés des animaux qui assurait que les rhinocéros "aiment qu'on les chatouille".

Ces informations "ont tiré toutes sortes de sonnettes d'alarme", a déclaré Tom Milliken, expert des rhinocéros de l'organisation environnementale Traffic, jugeant que le parc constituait "un environnement totalement inapproprié" pour ces animaux.

"Tout simplement, ils ne pourront pas survivre dans un environnement de type forêt tropicale", a-t-il assuré. "Nous sommes inquiets à propos de leur nourriture et de leur capacité générale à s'adapter. S'ils n'ont pas d'alimentation supplémentaire, ils peuvent mourir de faim. Ca n'est pas exactement de la préservation" de l'environnement.

Des experts chinois lui ont fait écho: "Il s'agit d'un projet de nature commerciale d'élevage de rhinocéros, plutôt que d'une démarche scientifique", a déclaré le professeur Zhang Li, chargé d'écologie à l'Ecole normale de Pékin, cité dans la presse locale.

Mekong Group a décliné plusieurs demandes de commentaires de l'AFP. Les autorités provinciales ont assuré que le parc avait été lancé "avec les autorisations" mais se sont refusées à tout autre commentaire.

Des parallèles ont été dressés avec des tentatives précédentes d'importer en Chine des rhinocéros d'Afrique du sud sous le prétexte d'ouvrir une réserve, avant que des révélations de presse ne démontrent qu'il s'agissait en réalité d'un projet secret de plusieurs millions de dollars destiné à obtenir de la corne de rhinocéros.

Plus de 60 animaux avaient été transportés dans un parc de l'île-province de Hainan (sud) par une filiale d'un fabriquant d'armes chinois, avait révélé le magazine américain Time en 2011. Et le parc en question prévoyait de produire 500.000 "pilules à base de corne de rhinocéros", selon son site internet.

A la suite de ces révélations, l'Afrique du sud avait resserré ses contrôles.

L'introduction des rhinocéros au Yunnan "pourrait être étroitement liée au programme de Hainan", écrivait le mois dernier le magazine China Newsweek, citant une source anonyme.

Source : AFP

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