Au Guatemala, les enfants, proies faciles du crime organisé

  • Des policiers guatémaltèques se tiennent près du corps d'un adolescent de 16 ans abattu par un gang, près de la capitale, le 13 juin 2013
    Des policiers guatémaltèques se tiennent près du corps d'un adolescent de 16 ans abattu par un gang, près de la capitale, le 13 juin 2013 AFP/Archives - Johan Ordonez
  • De jeunes délinquants condamnés suivent un programme dans leur centre de détention à Guatemala, le 20 juin 2013
    De jeunes délinquants condamnés suivent un programme dans leur centre de détention à Guatemala, le 20 juin 2013 AFP - Johan Ordonez
  • Un garçonnet joue dans un parc à Valle del Sol, près de la capitale guatémaltèque, le 23 juin 2013
    Un garçonnet joue dans un parc à Valle del Sol, près de la capitale guatémaltèque, le 23 juin 2013 AFP - Johan Ordonez
  • Des enfants font du vélo à Valle del Sol, un quartier près de la capitale du Guatemala, le 23 juin 2013
    Des enfants font du vélo à Valle del Sol, un quartier près de la capitale du Guatemala, le 23 juin 2013 AFP - Johan Ordonez
Publié le
AFP

A 14 ans, Andrea n'allait pas à l'école, ne rêvait pas à ce qu'elle ferait quand elle serait grande: elle manipulait des milliers de dollars, trafiquait de la cocaïne et des fusils AK-47, recrutée, comme de nombreux autres enfants ou adolescents, par l'une des violentes bandes criminelles du Guatemala.

Il y a peu que cette jeune femme d'à peine 20 ans, aux yeux marrons et aux cheveux de jais, a terminé de purger sa peine de trois ans de prison pour extorsion de fonds. Son histoire, c'est celle de milliers de mineurs de son pays, enrôlés volontairement ou pas dans ces gangs qui ravagent le nord de l'Amérique centrale.

"Quand j'étais dans la Barrio-18 (une de ces bandes, NDLR), je n'avais pas de rêves, je n'avais pas de futur, je vivais dans l'instant, parce que là-bas, tu ne sais pas si le jour va se lever demain", raconte-t-elle à l'AFP.

Elle avait 17 ans lorsqu'elle a été arrêté en train d'extorquer un commerçant en le menaçant de mort. "S'ils ne m'avaient pas attrapée, je serais toujours dans la bande ou je serais morte", assure la jeune femme, identifiée sous un prénom d'emprunt.

Les extorsions systématiques de commerçants, contraints de verser une rente hebdomadaire ou mensuelle à des groupes criminels sont monnaie courante dans cette zone (Guatemala, Honduras, Salvador, pays parmi les plus violents au monde). "S'il n'acceptent pas, ne répondent pas (aux menaces) ou ne paient pas, ils les tuent. Parfois, même quand ils paient", explique-t-elle.

"Les samedis, je faisais les comptes. On manipulait jusqu'à 90.000 quetzales (8.900 euros) par semaine. Je distribuais de la cocaïne et de la marihuana. J'achetais et je cachais des 9 mm, des mini Uzis, beaucoup d'AK-47", poursuit-elle.

Andrea a grandi dans la périphérie du sud de la capitale, territoire de la Barrio-18, qui se dispute le terrain avec la Mara Salvatrucha. Sa mère était une concierge travailleuse, son père, un mécanicien alcoolique.

"La jeunesse guatémaltèque est une proie facile pour les criminels. 95% des mineurs délinquants sont pauvres, sans éducation et issus de familles désunies. Les gangs en ont fait le bras de la criminalité organisée", détaille un responsable de la présidence, Enrique Leal, en charge du Bien-être social.

Environ 820 enfants et adolescents - une alarmante augmentation de presque 150% depuis 2008 - sont détenus dans quatre centres pour mineurs, dont 17% d'entre eux pour meurtres, ajoute-t-il.

"Pour 10 euros, ils font n'importe quoi"

"Les prisons sont pleines. Certains sortent, comme moi, mais il y en a plus qui entrent. Il y a beaucoup d'enfants faciles à manipuler et qui ont de gros besoins. Pour 100 quetzales (10 euros), ils font n'importe quoi", regrette Andrea.

Le représentant de l'Unicef au Guatemala, le Suédois Christian Skoog, souligne qu'"il est plus facile pour les bandes de convaincre des enfants pauvres, qui ne vont pas à l'école ou n'ont pas de débouché", dans un pays où 50% des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique et où deux adolescents sur trois ne vont pas au collège.

En février, un enfant de 12 a été filmé par une caméra de surveillance en train d'abattre un chauffeur de taxi de deux balles dans la tête. Il y a un mois, un adolescent de 14 ans a tué par balles deux femmes et un bébé dans l'ouest de la capitale.

Pour M. Leal, le défi est d'éduquer ces jeunes incarcérés. Andrea a terminé son cycle secondaire durant sa détention, mais comme pour beaucoup, elle a dû faire face à l'hostilité de la société à sa sortie.

A la différence de nombreux "pandilleros" (membres de ces gangs), elle n'est pas couverte de tatouages, mais reste malgré tout marquée: "les nouveaux du gang me regardent, les voisins, les chauffeurs de bus. Ceux qui ne me connaissent pas, je leur cache mon passé", confie-t-elle.

Environ 50 homicides par an sont attribués à des mineurs dans ce pays de 14 millions d'habitants, qui affichait en 2011 un taux de 38,5 meurtres pour 100.000 habitants. De janvier à juin de cette année, 889 recrues mineures du crime organisé ont été arrêtées, selon le ministre de l'Intérieur, Mauricio Lopez.

Certains, qui accusent les chefs de bandes de recruter des mineurs car ils risquent au maximum six ans de prison, proposent ainsi de les juger comme des adultes.

Mais "cela viole les conventions internationales de protection de l'enfance. La solution n'est pas de sanctionner pénalement mais de les réhabiliter, de créer des opportunités pour ces jeunes", plaide M. Skoog.

Source : AFP

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