Egypte: plus de 70 morts, le pouvoir ferme malgré les critiques

  • Des Egyptiens pleurent leurs proches tués lors de violences survenues le 27 juillet 2013 au Caire
    Des Egyptiens pleurent leurs proches tués lors de violences survenues le 27 juillet 2013 au Caire AFP - Florian Plaucheur
  • Identifictation des corps des victimes des violences le 27 juillet 2013 dans un hôpital de campagne des islamistes au Caire
    Identifictation des corps des victimes des violences le 27 juillet 2013 dans un hôpital de campagne des islamistes au Caire AFP - Florian Plaucheur
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AFP

Au moins 72 Egyptiens ont été tués samedi dans des affrontements au Caire, les plus meurtriers depuis la destitution du président Mohamed Morsi, suscitant une vague d'avertissements au nouveau pouvoir, déterminé à mettre fin à la contestation des islamistes.

Au nom des Etats-Unis, le secrétaire d'Etat John Kerry s'est dit "très inquiet" par cette dernière "explosion de violence", qui porte à plus de 300 le nombre de tués dans les troubles politiques en un mois, rappelant les autorités à leur "obligation morale et légale de respecter le droit de manifester de manière pacifique".

En Egypte même, des personnalités de premier plan qui ont soutenu le renversement de M. Morsi le 3 juillet ont laissé percer leur inquiétude face au risque d'escalade entre l'armée et les islamistes, qui s'accusent mutuellement de mener le pays à la guerre civile.

La plus haute autorité musulmane d'Egypte, l'imam d'Al-Azhar cheikh Ahmed Al-Tayeb, a demandé une "enquête urgente" sur ces violences, et le vice-président du pouvoir de transition, le Prix Nobel de la Paix Mohamed ElBaradei, a "condamné le recours excessif à la force".

Selon un dernier bilan du ministère de la Santé, 72 personnes ont été tuées et plus de 400 blessées dans les affrontements.

Des journalistes de l'AFP ont compté dans la matinée 37 morts dans un hôpital de campagne des islamistes, où les médecins ont précisé que tous avaient été touchés par balles.

La police a fait état d'une cinquantaine de blessés dans ses rangs.

Les affrontements, dont les deux camps se sont rejeté la responsabilité, ont éclaté quelques heures après la dispersion des manifestations massives rivales vendredi des partisans de l'armée et des Frères musulmans, la formation de M. Morsi.

Des pro-Morsi partis de leur campement à la mosquée Rabaa al-Adawiya (nord-est du Caire) ont tenté de bloquer la circulation à un pont routier et se sont heurtés à des habitants, selon le ministère de l'Intérieur.

La police est intervenue pour s'interposer et n'a "utilisé que du gaz lacrymogène", selon le ministère, laissant entendre que pro-Morsi tués l'avaient été par des habitants.

Les fidèles du président déchu ont en revanche incriminé des "policiers en uniforme agissant aux côtés d'hommes de main", tirant des balles réelles et de la chevrotine.

Les Frères musulmans ont condamné dans un communiqué un "massacre inhumain", assurant qu'il ne ferait "que renforcer (leur) détermination à refuser le coup d'Etat et exiger le retour de la légitimité incarnée par le président élu", tout en "affirmant pour la centième fois le caractère pacifique de (leurs) manifestations".

Samedi soir, les milliers de pro-Morsi qui campent à Rabaa al-Adawiya ont rompu le jeûne du ramadan dans le calme en s'apprêtant à y passer une nouvelle nuit. Ils ont déployé des banderoles avec le mot "pacifique".

"Moins de pertes possible"

Faisant redouter de nouveaux heurts sanglants, le ministre de l'Intérieur Mohamed Ibrahim a annoncé la dispersion "très prochaine" des deux campements au Caire où se sont installés des milliers de partisans de M. Morsi depuis son renversement.

Il a promis une intervention "dans le cadre de la loi" et "le moins de pertes possible", mais a appelé les protestataires à quitter les lieux d'eux-mêmes "pour éviter que le sang ne coule".

Pour le porte-parole de l'Intérieur, la réponse massive à l'appel du chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, à manifester vendredi pour lui donner "mandat d'en finir avec le terrorisme", démontre que le peuple "souhaite une stabilisation sous la protection de l'armée".

Mais les partisans de M. Morsi voient dans les violences "le résultat direct du prétendu mandat réclamé par Sissi", maître d'œuvre du renversement du premier président d'Egypte élu démocratiquement.

Le Front du salut national (FSN), principale coalition politique de gauche et libérale laïque, a exprimé sa "tristesse" après les violences meurtrières, mais a dénoncé "l'attitude provocatrice" des Frères musulmans.

"Le général Sissi est l’homme fort du nouveau régime" et "jouit du soutien d'une grande partie de la population en raison de son action contre les Frères musulmans", souligne Moustafa Kamel el-Sayyed, professeur de science politique à l'Université du Caire.

Par ailleurs, un civil a été tué et un policier a succombé à ses blessures dans la péninsule du Sinaï, selon des sources de sécurité.

La Turquie a condamné les violences, appelant à un transfert du pouvoir à une "direction démocratique", tout comme l'Union européenne.

La Grande-Bretagne a "condamné" l'usage de la force contre les manifestants et la France a appelé "à la plus grande retenue".

Arguant que M. Morsi ne pouvait régler la grave crise politique secouant le pays depuis son élection en juin 2012, l'armée l'a déposé le 3 juillet et a nommé un président civil intérimaire pour conduire la transition avant la tenue de législatives, en principe début 2014, puis d'une présidentielle.

Source : AFP

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