Irak: pendant le ramadan, le jeu de "l'anneau caché" passionne

  • Des Irakiens célèbrent leur victoire au jeu de "l'anneau caché", à Bagdad, le 6 août 2013
    Des Irakiens célèbrent leur victoire au jeu de "l'anneau caché", à Bagdad, le 6 août 2013 AFP - Sabah Arar
  • Des Irakiens prennent part au jeu de "l'anneau caché", à Bagdad, le 6 août 2013
    Des Irakiens prennent part au jeu de "l'anneau caché", à Bagdad, le 6 août 2013 AFP - Sabah Arar
  • Un Irakien brandissant le drapeau national participe au jeu de "l'anneau caché", à Badgad, le 6 août 2013
    Un Irakien brandissant le drapeau national participe au jeu de "l'anneau caché", à Badgad, le 6 août 2013 AFP - Sabah Arar
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AFP

"C'est qui le meilleur? C'est qui le héros de l'Irak?". Tel un catcheur sur un ring, Muhanned al-Hindi crie victoire face à des supporters déchaînés qui le hissent sur leurs épaules.

Mais le combat gagné n'a rien de physique. Muhanned vient juste de trouver un anneau, caché dans la main d'un joueur de l'équipe adverse.

Le traditionnel jeu "Mheibes" est probablement l'un des plus populaires en Irak, même s'il se pratique seulement pendant le mois de ramadan.

Le soir venu, après la rupture du jeûne, les joueurs s'affrontent des heures durant pour découvrir qui, au sein de l'équipe adverse, détient une bague ou un anneau, dissimulé au creux de la main.

"Je peux savoir qui a l'anneau juste en lisant sur son visage", affirme Muhanned, 30 ans, capitaine de l'équipe d'Husseiniyah, un quartier de Bagdad prenant part à la compétition nationale.

"Il s'agit de déstabiliser l'adversaire, de lui faire peur en criant, pour qu'il révèle quelque chose, par un mouvement ou une expression corporelle", explique cet amateur du jeu où la gestuelle et le bluff sont les seules armes pour défier l'adversaire.

"Je mémorise chaque visage et je peux détecter le moindre changement de physionomie", ajoute ce policier affirmant pouvoir déjouer ceux qui chercheraient à le tromper.

De fait, en quelques minutes, il découvre au sein des 35 membres de l'équipe adverse qui détient l'anneau, entraînant un déferlement de joie dans son propre camp qui remporte ainsi un point.

Les premiers à marquer 13 points l'emportent.

"Avant, on jouait le soir dans les rues, mais du fait des attentats, la compétition nationale a lieu cette année dans un hôtel" pendant la journée, regrette son adversaire Amir al-Kurdi qui mène l'équipe d'Habibiyah.

"Un kamikaze a récemment tué cinq membres de l'équipe de Hurriyah (ouest de Bagdad) juste avant un match", assure-t-il.

Les joueurs des deux équipes, vêtus de la traditionnelle dishdasha blanche, se regroupent d'abord derrière une large couverture où l'un se voit discrètement remettre l'anneau, avant de prendre place sur trois rangées, assis ou à genoux, face à l'équipe adverse.

"Il faut être très concentré et avoir une excellente mémoire", analyse le meneur Amir al-Kurdi.

Ce quadragénaire scrute un à un les joueurs d'Husseiniyah qui, sans bouger, se tiennent yeux baissés, les bras croisés sur la poitrine.

"Montre tes mains", crie-t-il à l'un d'entre eux qui tend brièvement les bras, en gardant les poings bien fermés.

"Regarde-moi", lance-t-il. L'homme relève la tête une fraction de seconde, sans dire un mot.

Il répète l'opération, sautant d'une rangée à l'autre, se penchant sur l'un, dévisageant l'autre, semblant interroger au hasard, puis revenant soudain sur ses pas pour obliger un joueur à refaire trois fois de suite les mêmes gestes.

Puis, sous les acclamations de la foule, il élimine plusieurs joueurs qui ouvrent les mains pour confirmer qu'elles sont bien vides.

En cinq minutes, Amir al-Kurdi élimine ainsi 33 des 35 joueurs. Mais, alors qu'il ne reste plus que deux adversaires en lice, il se penche avec un grand sourire sur l'un d'eux et le désigne. A tort. C'est l'autre qui a l'anneau.

"Il y a des signes. Parfois le bout du nez rougit. Ou bien la façon d'être assis, la façon dont il montre ses mains", décrypte ce connaisseur du jeu irakien, très peu pratiqué en dehors du pays.

Une chaîne de télévision locale, Diyar, diffuse tout au long du mois les compétitions, la finale étant programmée pour coïncider avec les fêtes de fin de ramadan.

"Nous avons un taux d'audience très élevé", assure le présentateur de Diyar, Fouad al-Bagdadi.

Dans la foule, un jeune homme agite le drapeau national au son des tambours tandis que d'autres supporters se livrent à une danse endiablée.

"C'est une façon de retrouver la vraie atmosphère du ramadan, de pouvoir sortir de chez nous, de nous retrouver entre amis, d'encourager l'équipe et de nous sentir bien, loin des bombes", estime Emir Qais, un ouvrier du bâtiment qui soutient Habibiyah.

Source : AFP

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