Dans le Sud-Aveyron, entre Roquefort et Cornus, une équipe d'archéologues a mis au jour un sanctuaire de stèles dressés à la gloire de guerriers de l'âge de fer et de l'âge de bronze. Reportage.
Recueillis, quasi cérémoniaux, brosses et pinceaux en main, les apprentis archéologues effleurent, sondent et grattent minutieusement la croûte craquelée d’une terre riche en vestiges et faits d’armes. Un souffle épique souffle en effet sur ce plateau des Touriès, en surplomb de la ferme de Vialaret, à égale distance du cirque naturel de Saint-Paul des Fonts et de la vallée de l’Annou. À cet emplacement stratégique, se dressait quelques siècles avant Jésus-Christ un sanctuaire de stèles à la gloire des guerriers de l’âge du fer et de l’âge du bronze. En témoignent les 35 000 fragments de stèles exhumés puis étudiés. Découvert incidemment par la famille Verlaguet, propriétaire et exploitante de la ferme en contrebas, le gisement est sans équivalence en Europe celtique. Objet depuis 2008 de fouilles archéologiques financées par le conseil général et la Drac, le site archéologique des Touriès est un levier exceptionnel et emblématique sur la période protohistorique, à la jonction de la Préhistoire et l’histoire. Les sommités archéologiques, les directeurs de muséum, les spécialistes des amphores ou de l’antiquité y font étape.
Découvertes déterminantes
Campagne après campagne, ce site reste le rêve le plus fou d’archéologue de Philippe Gruat, le chef du service départemental d’archéologie de l’Aveyron qui encadre les fouilles annuelles et souhaite "restituer aux gens leurs patrimoines". Campagne après campagne, il reste le point de ralliement de la vingtaine d’archéologues, étudiants ou amateurs, passionnés, qui se retrouvent ici depuis cinq ans et se penchent au coude à coude, et grattent, et brossent, dans un recueillement unanime.
Des sculptures de facture "bizarre"
Isabelle, 52 ans, enseignante dans le Lot-et-Garonne, ne conçoit pas autrement depuis une dizaine d’années ses vacances, gagnée par le "plaisir d’être toujours dehors, le travail physique varié et la vie de groupe". Florent, militaire parisien, 31 ans, est tombé lui aussi dans le chaudron des fouilles archéologiques il y a dix ans. L’été dernier, c’est lui qui a trouvé la pièce de l’année, un fragment de roue gravé dans le grès charrié par la Sorgues, infime pièce préservée du puzzle d’une antique statue de héros sur son char. Toujours en fin de campagne 2012, un fragment de stèle nettoyé dans un laboratoire de restauration et d’analyse a révélé des traces d’oxyde de fer et de graisse animale, synonymes de pigments et de liant et d’une statuaire évoluée. Des ossements retrouvés, quatre squelettes ont pu être reconstitués, deux adultes, un adolescent et un enfant.
Entre deux couches géologiques, des empreintes d’animaux ont été figées et parlent d’une poursuite ou d’un galop à l’orée du temps. La semaine dernière, des éléments de sculpture de facture "bizarre" ont refait surface. À l’unisson, les yeux des archéologues, qu’ils soient professionnels, étudiants ou amateurs, brillent à l’évocation de ces Saint-Graal du VIe siècle av. J-C. Le mois d’août venu, un souffle d’exaltation souffle sur les Touriès.
J'ai déjà un compte
Je me connecteSouhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?