Aveyron : pourquoi les artisans sont en colère

  • Laure Soulié-Deltel est à la tête de l’UPA, l’organisation professionnelle des artisans.
    Laure Soulié-Deltel est à la tête de l’UPA, l’organisation professionnelle des artisans. JAT/CP
Publié le , mis à jour
Pascal Laversenne

Économie. Présidente en Aveyron de l’UPA, qui est l’organisation professionnelle de l’ensemble des artisans, Laure Soulié-Deltel détaille les difficultés auxquelles ils font face, dont une partie (le bâtiment) appelle à une manifestation vendredi à Rodez.

Hausse des charges, contexte économique, concurrence... Les artisans aveyronnais peinent à garder la tête hors de l'eau et le font savoir. A l'appel de la Capeb, ils manifesteront vendredi à Rodez. Rencontre avec la présidente de l'Union professionnelle de l'artisanat (UPA) qui détaille les préoccupations de ses adhérents.  

  • La hausse des charges

"C’est indéniable que nos cotisations sociales ont fortement augmenté, même si je ne peux pas donner de chiffres. L’assiette du RSI a augmenté, et le Gouvernement parle de poursuivre la hausse, notamment sur la part maladie. Nous avons un échéancier sur dix mois. Au moment de la régularisation, on voit bien que l’on paye toujours plus alors que le chiffre d’affaires n’augmente pas".

Le RSI, ou Régime social des indépendants, regroupe en fait l’ensemble des cotisations sociales des indépendants (retraite, maladie, indemnités journalières...). Il s’agit d’un système complexe, décrié, qui a augmenté pour beaucoup notamment pour ce qui concerne l’assurance-maladie, déplafonnée, alors que certains abattements pour frais professionnels ont été supprimés, et que les dividendes sont désormais taxables. Les cotisations sont basées sur les bénéfices à N-2, ce qui a pour effet d’acculer les petites entreprises en difficulté. Le mouvement des «moutons», dans le sillage de celui des "pigeons", a traduit le mal-être des indépendants, bien qu’éphémère. 

  • La baisse du chiffre

"Je ne sais pas s’il y a une baisse de la clientèle. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une baisse du panier, très marquée. Les restaurateurs vous le diront, alors que le même nombre de clients passe leur porte. Les gens font attention à la note finale. C’est difficile de dire de combien à chuter le chiffre, mais pour beaucoup d’entre nous, c’est de l’ordre de 20%, au moins. La crise certainement, le marasme en tout cas, c’est certain. Même si les gens ne sont pas directement touchés, ils font attention, reportent certains projets." 

  • Les autoentrepreneurs

"Je ne suis pas contre le principe, dès lors qu’il est limité dans le temps, deux ans par exemple. Que des gens se servent de ce régime comme d’un tremplin, pourquoi pas. Le problème, c’est que ce n’est pas le cas et qu’ils représentent pour nous une concurrence déloyale, puisque les cotisations et la fiscalité sont plus avantageuses."

  • Une nouvelle donne

"La société a changé. Avant, pour venir chez l’esthéticienne, il fallait prendre rendez-vous longtemps à l’avance, ce n’est plus le cas. Nous devons nous adapter. Dans le bâtiment, certaines entreprises avaient une visibilité à deux ans. Aujourd’hui, c’est plutôt deux mois. Il faut réadapter nos fonctionnements." 

  • L’action de la Capeb

"Je comprends leur souci, je comprends ce qu’ils défendent: la TVA réduite, la menace de l’écotaxe, les autoentrepreneurs. Je les comprends sur le fond, mais je n’adhère pas à la forme de leur action que je trouve trop violente." Rappelons que depuis quelques jours, les artisans du bâtiment affiliés à la Capeb "tagguent" sur les routes du département ce message: "Attention, un jour ça va péter". "Si je serai à leurs côtés vendredi ? Je ne sais pas. En tout cas, je n’y ai pas été invitée. À l’UPA au niveau national, nous avions pensé un temps nous associer à cette manifestation, nous souhaitions qu’il s’agisse d’un mouvement UPA, mais la Capeb a refusé. Pour revenir à leur action, c’est peut-être eux qui ont raison puisqu’ils ont fait le “buzz”. Mais la tournure qu’elle a prise me dérange."

  • Le niveau de vie

"Vous savez, il ne faut pas croire que l’on roule sur l’or. Dans les petites entreprises, les salariés gagnent parfois plus que l’artisan. C’est des heures à n’en plus finir, et souvent, heureusement que le conjoint permet d’amortir le coup.Les gens ne s’en rendent pas compte. Les clients ne le voient pas et c’est bien comme ça." 

  • L’avenir

"Oui nous sommes inquiets, mais oui aussi nous pensons qu’il y aura des jours meilleurs. C’est pour cela que l’on s’accroche, sinon on arrêterait de se battre. Mais il ne faut pas que ça tarde, car nous avons fait le dos rond notamment pour sauver nos salariés, pour protéger nos clients."

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