Confucius aux fourneaux: quand les chefs chinois se toquent du Sage

  • Des plats inspirés de la cuisine de Confucius dans un restaurant de Jinan, dans la province du Shandong, le 24 juillet 2013
    Des plats inspirés de la cuisine de Confucius dans un restaurant de Jinan, dans la province du Shandong, le 24 juillet 2013 AFP/Archives - Mark Ralston
  • Des plats inspirés de la cuisine de Confucius présentés dans un restaurant de Jinan, dans la province du Shandong, le 24 juillet 2013
    Des plats inspirés de la cuisine de Confucius présentés dans un restaurant de Jinan, dans la province du Shandong, le 24 juillet 2013 AFP/Archives - Mark Ralston
  • Des chefs spécialistes de la cuisine de Confucius dans un restaurant de Jinan, dans la province du Shandong, le 24 juillet 2013
    Des chefs spécialistes de la cuisine de Confucius dans un restaurant de Jinan, dans la province du Shandong, le 24 juillet 2013 AFP/Archives - Mark Ralston
  • Un homme présente un kit de calligraphie comestible dans un restaurant de Jinan, dans la province du Shandong, le 24 juillet 2013
    Un homme présente un kit de calligraphie comestible dans un restaurant de Jinan, dans la province du Shandong, le 24 juillet 2013 AFP/Archives - Mark Ralston
Publié le
AFP

Vénéré en Chine durant des siècles, quoique cloué au pilori sous le maoïsme, le sage Confucius, fin gourmet en son temps, fait un retour inattendu au pays en passant par la cuisine, remis à l'honneur par des chefs curieux de revisiter la tradition.

Et c'est bien sûr à Qufu, la ville natale du philosophe où il est né en 551 avant Jésus-Christ et mort en 479, dans la province orientale du Shandong, que les restaurateurs installés dans les ruelles de la vieille ville se sont donné le mot.

Au menu: "Livre des Odes et livre des Rites gingkos". Deux des classiques de Confucius, tournés en un dessert plutôt dense, légèrement sucré, fait à partir d'une farine de pois jaunes et présenté en forme de livre, nappé de miel aux noisettes. Les noix de gingko --l'arbre réputé le plus vieux du monde-- donnent la touche "médicinale" que la cuisine chinoise aime parfois glisser dans ses plats.

Ou encore une composition de savoureux radis blanc géant d'Asie, si délicatement ciselés qu'ils imitent des arbres miniatures, en hommage sans doute à la parole du sage selon qui "les mets ne sont jamais trop fins ni la cuisine trop délicate".

Au luxueux hôtel Shangri-La --où un plat peut coûter jusqu'à 680 yuan (110 dollars)-- une autre version du "Livre des Odes et du livre des Rites gingkos" présente une "poire d'automne" ornée du caractère chinois de "poésie".

Le dessert est coiffé de dattes longuement mijotées, piquées de graines de lotus et de noix de ginkgo, le tout nappé d'une sauce au caramel et de miel d'osmanthe, une fleur au parfum de jasmin.

La soupe aux Huit Trésors du Manoir de Confucius présente, elle, un délicat mélange d'ormeaux, de concombres de mer et de caillettes de poisson.

Quant à ces gambas enveloppées de vermicelles grillés et montées comme une sculpture, c'est la "Collection cachée du mur de (l'empereur) Lu", celui qui avait retrouvé en 154 avant J.C. les fameux livres de Confucius disparus après un gigantesque autodafé impérial.

C'est que la "cuisine confucéenne" assure s'inspirer des plats préparés au cours des siècles à Qufu et confectionnés par des dizaines de générations de descendants de Confucius --les Kong, de Kong Zi, nom chinois du sage-- qui vivaient dans les quartiers résidentiels de l'immense palais érigé à sa gloire, jouissant de liens étroits avec les empereurs et de titres héréditaires.

A leurs tables s'est développée une cuisine de plus en plus raffinée pour honorer par de somptueux banquets les dignitaires en visite, assurent aujourd'hui les promoteurs de cette "nouvelle cuisine".

Mais pour les descendants du sage, tout s'est effondré au XXe siècle avec l'invasion japonaise, la guerre civile et la victoire communiste de 1949. Les familles Kong --à l'époque la 77e génération-- ont fui Qufu en masse et gagné Taïwan.

Sous Mao Tsé-toung, le confucianisme est devenu le symbole d'un passé à éradiquer. Pendant la révolution culturelle de 1966-76, les gardes rouges ont détruit les temples confucéens comme autant de "vieilleries", menant une chasse impitoyable aux chefs cuisiniers, dépositaires d'un savoir-faire "réactionnaire".

"La révolution culturelle a isolé près de quatre générations", déplore Mme Wang Xinglan, chargée en 1980 par le ministère du Commerce de redécouvrir la cuisine de Confucius et qui dirige aujourd'hui l'Association pour la recherche culinaire du Shandong.

Autant dire que la reconstitution de ce qu'était la "cuisine confucéenne" reste un défi, qui laisse une large place à sa libre interprétation.

"Certains s'approprient le label, mais ils ne connaissent rien aux plats, à la culture, à l'histoire. Le résultat, c'est qu'ils sont incapables de confectionner cette cuisine", prévient-elle.

Ainsi peut-être de cette gargote de Qufu où, sous l'enseigne "Cuisine confucéenne maison", un couple sert un "Tofu Résidence Confucius" pour 30 yuan (4,60 dollars) et une soupe aux oeufs pour 5 yuan (un dollar). Gras, froid et pas vraiment savoureux.

La version du "Livre des Odes et Livre des Rites gingkos" est ici des plus simplifiée: deux poignées de noix de gingkos cuites à la va-vite au fourneau, accompagnées de rondelles de tomates. Et le patron de regagner sa chaise et de ranger les baguettes dans leur étui. Au mur, la note C du bureau d'hygiène, soit un 8/20.

Les enseignements du philosophe --respect de la hiérarchie, de l'ordre et des Anciens-- ont eu une immense influence dans les sociétés asiatiques, et ce jusqu'au XXe siècle en Chine.

Pour Thomas Wilson, professeur au Hamilton College de New York, le pouvoir communiste "se sert de Confucius comme d'une marque". Histoire de cultiver le "soft power", cette volonté de conquérir une influence culturelle mondiale en s'appuyant au besoin sur les figures les plus traditionnelles de la civilisation chinoise.

A l'exemple des plus de 300 "Instituts Confucius" ouverts dans 90 pays ces dernières années pour diffuser la langue et la culture chinoises.

Source : AFP

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