Raphaël Poulain : "Moi, j’ai tout pris par la tronche !"

  • Raphaël Poulain (ici au Stade Français) est rapidement passé de la lumière des terrains à l’ombre de la retraite sportive. Aujourd’hui, "je renais" dit-il.
    Raphaël Poulain (ici au Stade Français) est rapidement passé de la lumière des terrains à l’ombre de la retraite sportive. Aujourd’hui, "je renais" dit-il. Repro CO
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Mathieu Roualdés

Au sommet de son art au début des années 2000, le joueur du Stade Français a tout perdu en raison d'excès et de blessures à répétitions. Rencontre avec Raphaël Poulain, le l'ex-rugbyman auteur du livre "Quand j'étais Superman" qui sera ce soir à la Strada à Decazeville pour raconter son histoire. 

Il était surnommé le "Lomu blanc". Il était le "bébé" de Max Guazzini au Stade Français du début des années 2000. L’ailier Raphaël Poulain était promis à une magnifique carrière. Mais son histoire avec le rugby s’est terminée précocement en raison d’excès et d’innombrables blessures.

Plus de trois ans après la sortie de son livre "Quand j’étais Superman" qui raconte l’envers du décor des Dieux du stade et la descente aux enfers du Picard passé du "bling-bling" au RSA, il tient une conférence ce soir à La Strada à Decazeville. Retour avec lui sur ses souffrances qui "doivent servir aux futures générations". 

Quelle est la raison de votre venue à Decazeville ? On m’a contacté et ce sera ma première intervention dans le monde du rugby amateur. C’est très intéressant car il y a des valeurs qui n’existent plus trop dans le monde pro. Puis, j’ai envie de partager mon expérience dans un milieu authentique, avec des gens authentiques.

Êtes-vous toujours en contact avec le monde du rugby ? Oui, j’ai coupé pendant un moment et j’y reviens. Désormais, j’interviens dans les pôles espoirs pour désacraliser le métier de rugbyman professionnel. J’essaie de dire aux jeunes ce qu’ils ne voient pas à la télévision, l’envers du décor.

Justement, votre livre évoque votre fulgurante ascension sportive et votre descente aux enfers. Qu’est-ce qui vous a le plus appris ? Tout d’abord, la fulgurante ascension, c’est ce que les gens voient. Moi, je n’en étais pas conscient à l’âge que j’avais. J’ai autant appris en haut de l’affiche à 20 ans qu’au fond de mon canapé à 30 ans. Après, on nous vend le fantasme de devenir professionnel. Moi, j’ai tout pris par la tronche ! Ça fait mal.

Votre carrière a été une succession de blessures. Avez-vous trouvé une explication à cela ? Quand on est jeune et qu’on devient pro, on veut montrer à tout le monde qu’on est le plus fort, le plus costaud, le meilleur. Je soulevais 160 kg au développé couché. C’est énorme pour un ailier. Le souci, c’est que ma tête ne suivait pas. En France, on laisse toujours de côté le mental, l’humain. On se fiche de ce qu’il se passe dans la tête du joueur et on recherche seulement la performance. C’est ce qui est dangereux. Il faut s’y pencher sérieusement et c’est dans ce sens-là que j’interviens. C’est essentiel car aujourd’hui, on flingue les mecs. L’enjeu physique est en train de tuer le jeu.

Votre train de vie et, notamment, ce goût pour la fête que vous décrivez dans le livre n’a-t-il pas joué en votre défaveur ? C’est vrai, on a souvent dit que j’aurais été meilleur sans cela. J’ai été excessif. Et vu que j’étais souvent blessé, j’organisais souvent des soirées. On tombe dans une spirale car à 20 ans, on a tout. Aujourd’hui, je renais et il faut aider les jeunes à s’épanouir en dehors du rugby également.

Vous décrivez des excès qui sont très souvent montrés du doigt dans le monde du foot. Finalement, le rugby n’est pas à l’abri comme on peut souvent l’entendre... Dès qu’il y a professionnalisation, il y a le revers de la médaille. Après, je ne suis pas un contre-exemple, j’ai juste pris la parole alors que d’autres non. On ne sait pas ce qu’il y a derrière, car on a l’habitude de dire que ce qui se passe dans le rugby reste dans la famille rugby. Mais il ne faut pas rêver, après la carrière on se retrouve seul. Il n’y a plus de famille. Demandez à Marc Cécillon(1)!

Malgré tout cela, vous ne regrettez pas cette époque «Dieu du Stade» dont vous étiez un acteur principal... Non du tout, car j’ai eu beaucoup de reconnaissance et surtout, on était une super bande d’amis au Stade Français. De plus, l’équipe gagnait des titres. Je ne regrette rien. Après, je dis juste que cela fait un électrochoc quand on arrive à Paris dans ce monde en venant de Picardie comme moi. C’était à vivre mais la chute a été douloureuse.

Avec le recul, la professionnalisation du rugby a-t-elle été une bonne chose selon vous ? Oui, mais après on ne voit que le bon côté des choses. Le rugby évolue, il change. Il y a encore des valeurs mais certaines s’effritent de plus en plus. Et dans tout cela, ce sont les joueurs qui en pâtissent. Car on ne les prend pas assez en compte. Chacun défend ses intérêts tout en haut et les joueurs subissent. Ils jouent de plus en plus, il faut qu’ils soient de plus en plus performants sur la pelouse, etc. Il faut vraiment qu’on garde de l’humain dans ce sport. Car le résultat du terrain, c’est souvent ce qu’il y a en dehors.

Votre ancien président Max Guazzini a fait passer le rugby dans une nouvelle ère quelque peu « bling-bling » avec son Stade Français. Le côtoyez-vous toujours aujourd’hui ? Non, je n’ai plus de nouvelle mais je pense qu’il a fait du très bon boulot avec le Stade Français. Certes, il a fait des erreurs mais il a vulgarisé et démocratisé le rugby.

Devenir entraîneur ne vous tente pas aujourd’hui ? Pas du tout ! Mon rôle n’est plus sur le terrain. Moi, je veux apporter à l’individu. J’ai assez donné sur le terrain. 

(1) Ancien rugbyman international de Bourgoin, Marc Cécillon avait été condamné en 2008 à 14 ans de prison pour le meurtre de sa femme, commis en août 2004. En juin 2011, il a été placé en liberté conditionnelle.

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