Lioujas, grandeur et décadence d'un club de foot féminin

Dimanche 14 mai 2006. Lioujas dit au revoir à la Division 2 sur un triste 0-0 à Tours. Après quatre saisons à cet échelon, le petit village s’est fait un nom dans tout l’Hexagone grâce à son équipe de football. Les filles du Causse démocratisent le foot féminin dans le département et leurs adversaires des «métropoles» (Saint-Étienne, Marseille, Nancy...) ont bien du mal à comprendre comment une bourgade de quelque 500 âmes peut leur tenir tête !

Les filles se dégoûtent

Sept ans plus tard, l’aventure paraît bien loin. Depuis le début de saison, Lioujas évolue au plus bas niveau départemental, en Honneur. Comment le club a bien pu en arriver là ? Une question mais des avis divergents. Cet été, devant le refus des joueuses d'effecteur les déplacements, le président du club, Francis Guibert a demandé sa rétrogradation au niveau départemental. Le seul regret du président est d’avoir été reversé en Honneur et non en Excellence car "les filles se dégoûtent et dégoûtent celles d’en face". 

La gardienne joue avant-centre

Lioujas a en effet gagné son premier match 10-0 et vient de passer 14 buts (contre deux) à Rieupeyroux ce week-end. "Le règlement c’est le règlement mais c’est dommage car les filles ne jouent plus au foot. La gardienne joue avant-centre, etc. En Excellence, cela aurait été bien plus intéressant", regrette l’homme fort d’un club qui attire pourtant toujours de nombreuses filles, notamment grâce au travail de l’inévitable Nadine Costes, dans son école de foot.

La Division 2,"un miracle permanent"

Aujourd’hui, voir Lioujas à ce niveau est un pincement au cœur pour tous les amoureux du football. Et notamment les acteurs de l’épopée Division 2. L’ex-entraîneur du groupe, Rodrigue Poaty, ne cache d’ailleurs pas son émotion : "Ça fait mal de les voir à ce niveau aujourd’hui. Lioujas, je pourrais en parler des heures. Je suis très ému car on ne peut pas imaginer l’effort fourni par les filles à l’époque. La D2, c’était un miracle permanent ! Les joueuses étaient en or. Je repartirai de suite avec ce groupe. Elles travaillaient, prenaient des jours de congés pour jouer ou s’entraîner, se remémore-t-il. On faisait plus de 15 heures de bus et personne ne rechignait alors qu’en face de nous, il y avait déjà des filles qui gagnaient leur vie grâce au foot. Nous, on n’avait pas un “rond” à offrir et pourtant on se maintenait. Moi, j’avais l’équivalent de 300€ par mois. C’était extraordinaire. Mais malheureusement, ça ne pouvait pas durer. Il aurait fallu un mécène pour survivre. Et encore, on aurait perdu notre identité et nos valeurs... "

Pour Rodrigue Poaty, "le bénévolat, c'est mort !"

Pour celui qui est désormais président du club de foot d’Espalion, "il n’existera plus jamais de Lioujas. Car aujourd’hui, tout le monde se regarde le nombril et sans argent, c’est impossible de gravir les échelons. Le bénévolat, c’est mort !" Pour le président Francis Guibert, une partie de l’explication de l’inexorable chute de l’équipe féminine se trouve également à seulement quelques kilomètres du village. À Rodez. Car le plongeon des filles de Lioujas concorde avec l’explosion de celles du Raf, aujourd’hui en Division 1. "Rodez nous a fait mal. Il nous a pris pas mal de joueuses. Nous, on n’avait rien à leur offrir en retour. Il n’y a pas de place pour deux équipes. On a tenté de faire une entente mais la rivalité était trop forte." Bref, si l’histoire de Lioujas restera à jamais l’une des plus belles du sport aveyronnais, la chute est bien difficile à avaler...