Aveyron : Christian-Pierre Bedel, passeur d'occitan

  • Christian-Pierre Bedel a créé la collection Al canton, véhicule de la culture occitane.
    Christian-Pierre Bedel a créé la collection Al canton, véhicule de la culture occitane. Xavier Rousseau/Centre Presse
Publié le , mis à jour
Xavier Rousseau

PORTRAIT.  Père de la série Al canton et directeur de l’Institut occitan de l’Aveyron (IOA) de 2005 au 1er septembre dernier, le Najacois de bientôt 66 ans a toujours gardé en lui la "fibre au pays" qui l’a vu naître, et au nom duquel il continue de porter et de transmettre la langue.
 

Franchir la porte d’entrée du 5, avenue Vincent-Cibiel à Villefranche-de-Rouergue, monter à l’étage et prendre le couloir de droite. Dans la pénombre des murs, on pénètre dans ce qui fut jusqu’au 1er septembre dernier, l’antre de Christian-Pierre Bedel, le directeur de l’Institut occitan de l’Aveyron (IOA), service du conseil général créé en 2004 et opérationnel un an plus tard.

Contributeur infatiguable

Aujourd’hui retraité, l’homme, moustache poivre et sel à la Georges Clemenceau, en est devenu à la fois le "directeur et conseiller technique bénévole". "On m’a demandé d’accompagner la structure pour finaliser les projets pour l’année en cours", explique Christian-Pierre Bedel. D’autant qu’une réflexion est menée au sein du conseil général pour regrouper courant 2014 les différentes structures départementales de l’occitan à Rodez. Avec cette réorganisation présagée, c’est une page de l’occitan aveyronnais qui se tournera, et à laquelle Christian-Pierre Bedel a contribué durant plus d’un quart de siècle.

Enfance bercée par la langue occitane

La première rencontre de Christian- Pierre Bedel avec l’occitan a lieu dès sa naissance en 1947 à Najac, dans la ferme familiale de ses parents. Il est l’aîné de trois enfants. Son père qui a pour première langue l’occitan y est agriculteur et artisan ; sa mère, fille de meunier, l’accompagne dans ses tâches.

À l’âge de 3 ans, Christian-Pierre Bedel déménage à Toulouse avec toute sa famille, dans le quartier Croix-Daurade, où son père qui a dû changer de métier après un accident devient commerçant en fruits et légumes. Il y passe son enfance et son adolescence, terminant sa scolarité aux lycées Fermat et Raymond-Naves. Même si "à l’époque je l’avais dans l’oreille mais je n’y prête pas attention", il continue de côtoyer la langue d’Oc le temps des vacances scolaires, chez ses grands-parents.

Apprentissage à 21 ans

Ce n’est qu’à l’âge de 21 ans qu’il décide d’apprendre l’occitan. "À 18 ans, comme j’étais dans une situation scolaire et affective pas brillante, je me suis engagé dans l’armée pour cinq ans (il y passe son baccalauréat, NDLR), affecté dans la cavalerie en Allemagne. J’avais besoin de structuration et d’aventure. En disponibilité à partir de 21 ans, je me suis mis à m’intéresser de près à la langue occitane."

"Première génération francisée"

On est en 1968, et la problématique régionaliste est mise sur la place publique. "Nous étions la première génération à être francisé. À partir de là, cela a été l’immersion totale dans la langue occitane », se souvient celui qui a « toujours intéressé par ses racines".

Deux tours du monde 

En fac de droit, Christian-Pierre Bedel crée sa première revue tout en travaillant de manière saisonnière avec son père sur les marchés dans la banlieue toulousaine et en Tarn-et-Garonne, au "contact de la ruralité". En 1970-71, il crée des associations de valorisation de la culture occitane, comme les Cercles d’Oc qu’il étend à Najac en 1973, année où il rachète la maison natale tarn-et-garonnaise de son arrière-grand-père à Castanet, tout à côté de Najac. Entre 1976 et 1978, Christian-Pierre Bedel effectue deux fois le tour du monde -"J’ai visité une trentaine de pays sur les cinq continents"-, avant d’intégrer l’Éducation nationale par l’Institut régional d’administration de Nantes pour devenir cadre A de la fonction publique.

L’éclosion d’Al canton

En 1979, il crée le Centre culturel occitan du Rouergue et anime un conte, Montanha negra de Jean Boudou, avec le Caler, présidé par Marc Censi, sur tout le département. Le concept d’Al canton est en train de naître. "Il s’agissait au départ d’une animation du territoire autour du patrimoine avec les acteurs de ce territoire. Conserver et transmettre, telle en était la philosophie."

Fini le "négationnisme culturel"

"On a sauvegardé assez de choses pour transmettre les outils avec des moyens modernes (expositions, diaporamas, DVD, livres...). De nouveaux supports pour confronter la population à la culture occitane. On n’était plus dans une période de négationnisme culturel." En 1989, le concept est finalisé et proposé à Jean Monteillet (aujourd’hui décédé) alors en charge de la culture au conseil général.

Collecter et transmettre

En 1990, une exposition a lieu dans le cadre de la création de la Mission départementale de la culture, et en 2001 Al canton devient un objectif du Département. Cette même année tous les cantons ruraux sont réalisés et dans les années 2000, débute le travail sur les cantons urbains. En 2004, l’Institut occitan de l’Aveyron (IOA) est créé et devient opérationnel en 2005 avec son installation à Villefranche- de-Rouergue.

Collecter et transmettre la langue occitane aura été au cœur de toute la vie professionnelle, et bien au-delà même, de Christian-Pierre Bedel, qui aura su transmettre sa passion à ses trois fils. Aujourd’hui, à l’heure d’une retraite bien méritée qu’il prend à petits pas pour rendre service, Christian-Pierre Bedel pense déjà à tourner la page. "Après mon départ définitif je pense m’investir localement sur Najac et Peyralès", confesse-t-il, avant de conclure sur une métaphore. "Jusqu’à 90 ans, mon père voyait sa parcelle de jardin diminuer, Moi, je vois ça un peu comme cela..."

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