Clap de fin chez Heuliez : les salariés en pleurs

  • Un salarié d'Heuliez, le 31 octobre 2013, dans le site Cerizay (Deux-Sèvres), désormais désert
    Un salarié d'Heuliez, le 31 octobre 2013, dans le site Cerizay (Deux-Sèvres), désormais désert AFP - Alain Jocard
  • Les salariés ont déposé leurs tenues de travail grises sur les grillages de l'usine, le 31 octobre 2013
    Les salariés ont déposé leurs tenues de travail grises sur les grillages de l'usine, le 31 octobre 2013 AFP - Alain Jocard
  • Un ouvrier d'Heuliez presse symboliquement une dernière pièce de carrosserie devant ses collègues, le 31 octobre 2013, jour de la fin des activités de l'équipementier automobile
    Un ouvrier d'Heuliez presse symboliquement une dernière pièce de carrosserie devant ses collègues, le 31 octobre 2013, jour de la fin des activités de l'équipementier automobile AFP Photo - Alain Jocard
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AFP

Gorge nouée et larmes au coin de l'oeil, les désormais 283 ex-salariés d'Heuliez SAS à Cerizay (Deux-Sèvres), l'équipementier automobile placé en liquidation judiciaire, ont effectué leur dernier jour de travail dans l'usine presque centenaire, fleuron de l'automobile française qui a compté jusqu'à 3.000 ouvriers.

"Nous avons symboliquement bandé les yeux de la statue représentant Louis Heuliez, le créateur de cette entreprise en 1920, pour ne pas qu'il voie ce gâchis", lance Serge, la gorge serrée, "fier" de dire qu'il a "31 ans et neuf mois d'ancienneté".

Depuis six mois, il avoue qu'il n'y croyait plus. "Ça ne sentait plus l'huile, mais la mort", confesse-t-il avec des sanglots dans la voix. "J'ai 55 ans, je ne sais pas comment je vais rebondir. Il faut que je me bouge les fesses. J'espère faire une formation grâce à Pôle-Emploi", avance-t-il.

Daniel, qui a été embauché la même année, ne retient pas non plus ses larmes. "Dans les années 80, on tournait 24 heures sur 24, à plein régime. On était près de 3.000 à bosser. Jamais je n'aurais imaginé finir comme ça", se désole-t-il.

Les salariés ont symboliquement assisté au dernier coup de presse sur un élément de carrosserie, jeudi, et beaucoup ont immortalisé le moment avec leurs appareils photo.

Richard a souhaité venir avec son fils. "Je voulais qu'il voie pourquoi je partais tôt le matin et rentrais parfois épuisé le soir", dit-il.

Les 283 salariés sont ensuite allés déposer leurs tenues de travail grises sur les grillages ceinturant l'usine. "On veut montrer que c'est vraiment fini" mais "personne n'est intéressé", regrette amèrement Claude Point, délégué CFDT qui a mis cette veste pour la première fois en 1971.

Sur des banderoles, tendues de part et d'autre du site, et visibles depuis la route, on peut lire "Adieu Heuliez". Symboliquement, un cercueil et des chrysanthèmes ont été déposés sur la pelouse, près du parking.

Dans un discours très émouvant, Xavier Cailloux, délégué CFDT, a rappelé qu'en un siècle d'existence, près de 15.000 hommes et femmes ont travaillé chez Heuliez.

Un ultime espoir

Plus de 460.000 véhicules sont sortis des chaines depuis 1985, et Heuliez comptait encore 2.400 salariés en 2004, grâce notamment à la fabrication de l'Opel Tigra.

Claude Point et son homologue de la CFE-CGC, Jean-Emmanuel Vallade, ont salué "le courage" de la présidente de la région Poitou-Charentes, Ségolène Royal, qui disent-ils, les a "toujours soutenus".

Cette dernière a dit à l'AFP qu'elle "partage leur grande tristesse" de voir "la fin d'une épopée industrielle". Mais, avec la décision jeudi du tribunal de commerce de Niort de céder les actifs d'Heuliez SAS à une société d'économie mixte (SEM) dont la région Poitou-Charentes est actionnaire majoritaire, Mme Royal s'est dite "en même temps contente car beaucoup sont soulagés de savoir que l'usine dans laquelle ils ont tant donné ne sera pas dispersée et qu'il y a un petit espoir".

Avec cette SEM, la région espère relancer l'activité dans l'usine avec un hypothétique repreneur. Une quinzaine de salariés seront conservés et assureront l'entretien des machines. "On s'est fixé jusqu’à la fin du mois de janvier en espérant de bonnes choses", a dit Mme Royal, estimant que les contacts noués avec l'entreprise espagnole Cosmos XXI sont en "bonne voie", même si ce repreneur potentiel a conditionné sa reprise à l'ouverture du carnet de commandes.

"Une SEM, portée par une collectivité territoriale et propriétaire de l'outil de travail, c'est une grande première", a souligné Mme Royal, indiquant que les frais engagés par la région "seraient remboursés par le repreneur". Et qu'en cas d'absence de repreneur, la SEM pourra "revendre ses actifs".

Cette fermeture intervient six mois après le placement d'Heuliez en redressement judiciaire. Elle arrive aussi après des années de difficultés, le premier dépôt de bilan de l'équipementier remontant à 2007.

Heuliez était considéré comme un précurseur et un fleuron français de la carrosserie automobile. La 604 limousine du Pape Jean-Paul II, les bus doubles articulés ou la Renault 5 turbo sont sortis des ateliers deux-sévriens.

Source : AFP

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