Roumanie: des ONG dénoncent la connivence des autorités avec une firme minière du Canada

  • Manifestation à Bucarest contre le projet minier de Rosia Montana Gold Corporation (RMGC), le 6 octobre 2013
    Manifestation à Bucarest contre le projet minier de Rosia Montana Gold Corporation (RMGC), le 6 octobre 2013 AFP/Archives - Daniel Mihailescu
  • Manifestation à Bucarest contre le projet minier de Rosia Montana Gold Corporation (RMGC), le 6 octobre 2013
    Manifestation à Bucarest contre le projet minier de Rosia Montana Gold Corporation (RMGC), le 6 octobre 2013 AFP/Archives - Daniel Mihailescu
  • Un manifestant avec un masque en or et un drapeau roumain sur les épaules, à Bucarest, le 3 novembre 2013
    Un manifestant avec un masque en or et un drapeau roumain sur les épaules, à Bucarest, le 3 novembre 2013 AFP/Archives - Daniel Mihailescu
  • Chaîne humaine devant le siège du Parlement roumain à Bucarest contre un projet minier de Rosia Montana Gold Corporation (RMGC), le 21 septembre 2013
    Chaîne humaine devant le siège du Parlement roumain à Bucarest contre un projet minier de Rosia Montana Gold Corporation (RMGC), le 21 septembre 2013 AFP/Archives - Daniel Mihailescu
Publié le
AFP

Rapports tenus secrets ou "falsifiés", scientifiques critiques limogés: en Roumanie, des ONG dénoncent la connivence des autorités avec une société canadienne qui veut ouvrir la plus grande mine d'or à ciel ouvert d'Europe.

Gabriel Resources, à travers sa filiale Rosia Montana Gold Corporation (RMGC), projette d'extraire 300 tonnes d'or dans le village de Rosia Montana (nord-ouest).

La société compte parmi ses actionnaires de grands noms mondiaux de l'or et le groupe BSG de Beny Steinmetz, un milliardaire franco-israélien accusé de corruption pour l'obtention d'une concession minière en Guinée.

Alors que le Parlement roumain doit se prononcer sur un projet de loi ouvrant la voie à cette mine, des scientifiques ont accusé la compagnie de tenter de passer sous silence des informations cruciales pour obtenir plus facilement les permis requis. Ils égratignent au passage certains responsables d'institutions publiques accusés de complaisance.

La polémique a éclaté autour des déchets miniers contenant des métaux lourds et du cyanure qui doivent être stockés dans un immense lac de décantation de 363 hectares dans une vallée avoisinante.

Plusieurs géologues accusent la compagnie d'utiliser des cartes dont "ont disparu" des failles, minimisant les risques.

En raisons de ces failles, "le risque d'infiltrations de substances toxiques dans la nappe phréatique est très grand", a souligné Stefan Marincea, ancien directeur de l'Institut national de géologie (IGR). Quelques jours après avoir fait état de cette "discordance" dans les cartes devant une commission parlementaire, il a été limogé par l'exécutif.

La compagnie rejette les accusations d'avoir "falsifié" des documents, assurant qu'aucune faille majeure n'a été détectée sur le site.

M. Marincea a également accusé l'ancien directeur de l'Institut national de géologie d'avoir "falsifié" les conclusions d'experts qui étaient allés sur le terrain en 2011, aidant RMGC pour l'obtention d'un permis.

La mise au placard d'un rapport concluant sans équivoque à l'importance mondiale du patrimoine de Rosia Montana et à la nécessité de le protéger face à l'exploitation minière a jeté le discrédit sur une autre institution, le ministère de la Culture.

Ecrite par deux éminents spécialistes britanniques d'archéologie romaine, Andrew Wilson de l'Université d'Oxford et David Mattingly de l'université de Leicester, cette étude dont l'AFP a obtenu une copie authentifiée par ses auteurs, indique que "le gouvernement roumain et la compagnie RMGC seront vulnérables à des accusations de vandalisme culturel si le projet minier est mis en œuvre".

"Les mines romaines souterraines à Rosia Montana sont les plus importantes et les plus étendues connues à ce jour" dans le monde, ajoutent-ils.

Remis en 2010, sur commande de l'ancien ministre de la Culture, ce rapport n'a jamais été rendu public par les autorités.

De prestigieuses ONG de défense du patrimoine dont Pro Patrimonio ont accusé le ministère d'avoir occulté ce rapport crucial et les avis de l'Académie roumaine pour ne pas déplaire à RMGC.

L'actuel ministre Daniel Barbu s'est prononcé en faveur du projet de mine d'or affirmant que du point de vue du patrimoine il "ne pose aucun problème".

Des dizaines d'archéologues, historiens et architectes ont demandé sa démission. Quatre d'entre eux ont été immédiatement démis de commissions nationales.

Interrogé sur le sujet par l'AFP depuis plus de deux semaines, le ministère a seulement "enregistré la demande sous le numéro 128/CCRP".

De son côté, l'ONG de défense de l'Etat de droit Active Watch a bataillé deux ans pour obtenir, après une décision de justice et l'intervention d'un huissier, le texte d'un accord de coopération entre la RMGC et l'Institut national du patrimoine, dépendant du ministère de la Culture.

Cet accord prévoyait que RMGC verserait à l'INP 70 millions d'euros pour restaurer des monuments si elle recevait les permis nécessaires à la mine.

"La politique de certains responsables publics et fonctionnaires est celle de la compagnie. Président, Premier ministre, ministres à la Culture et l'Environnement: aucun n'a fait de déclarations dérangeantes pour la compagnie", estime Mircea Toma président d'Active Watch.

Critiquant les limogeages de M. Marincea et des experts du ministère de la Culture, la Fondation Soros a qualifié de "très grave" le fait que "ces personnes puissent être remplacées du jour au lendemain (...), quand leurs déclarations professionnelles contrecarrent les intérêts des pouvoirs politiques".

"On demande aux fonctionnaires de choisir entre leur probité professionnelle et la pérennité de leur fonction", poursuit-elle.

M. Marincea dénonce lui des entraves à "la liberté d'exprimer des vérités scientifiques, comme du temps de l'Inquisition".

Source : AFP

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