Allemagne: Un acteur bosnien, Ours d'argent à Berlin en 2013, en voie d'expulsion

  • L'acteur Rom Bosnien Nazif Mujic tenant son Ours d'argent obtenu au festival berlinal le 16 février 2013 à Berlin, obtenu pour avoir interprété son propre rôle dans un long métrage décrivant les discrimnations à l'encontre des Roms
    L'acteur Rom Bosnien Nazif Mujic tenant son Ours d'argent obtenu au festival berlinal le 16 février 2013 à Berlin, obtenu pour avoir interprété son propre rôle dans un long métrage décrivant les discrimnations à l'encontre des Roms AFP/Archives - Johannes Eisele
  • Photo prise le 20 février 2013 montrant l'acteur Bosnien Nazif Mujic tenant son ours d'argent remporté au festival de cinéma de Berlin, devant sa maison dans le village de Svatovac
    Photo prise le 20 février 2013 montrant l'acteur Bosnien Nazif Mujic tenant son ours d'argent remporté au festival de cinéma de Berlin, devant sa maison dans le village de Svatovac AFP - Elvis Barukcic
  • L'acteur Bosnien d'origine Rom, Nazif Mujic, qui a gagné l'Ours d'argent en 2013 à Berlin, devant un centre de réfugiés à Berlin le 24 janvier 2014
    L'acteur Bosnien d'origine Rom, Nazif Mujic, qui a gagné l'Ours d'argent en 2013 à Berlin, devant un centre de réfugiés à Berlin le 24 janvier 2014 AFP - John MacDougall
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AFP

Il y a un an, le Bosnien Nazif Mujic recevait l'Ours d'argent du meilleur acteur de la Berlinale. Aujourd'hui, il croupit avec sa femme et leurs trois enfants dans un foyer de demandeurs d'asile aux confins de Berlin, en attendant une expulsion d'Allemagne.

De son index jauni par le tabac, Nazif Mujic caresse les lettres de son nom gravées dans le pied de la statuette en forme d'ours et affiche, brièvement, un large sourire édenté. Sa femme, les bras tatoués, avachie sur un canapé fatigué, sourit à son tour à la vue du trophée.

A leurs pieds, deux enfants allongés sur un tapis élimé interrompent leur exploration d'un camion en plastique pour admirer, eux aussi, la statuette argentée.

Le 16 février 2013, c'est cet Ours d'argent que Nazif Mujic, originaire de la minorité rom de Bosnie-Herzégovine, a soulevé pour la première fois devant des stars d'Hollywood et des caméras du monde entier.

Sacré pour avoir interprété son propre rôle dans un long métrage décrivant les discriminations à l'encontre des Roms, Nazif Mujic, la cravate élégante sous un visage émacié, voyait tout à coup le tapis rouge se dérouler sous ses pieds. Il découvrait les flûtes à champagne, les canapés de saumon et les palaces 5 étoiles.

Aujourd'hui, cet acteur amateur partage son quotidien avec d'autres Roms et des réfugiés de pays en guerre, dans une ancienne maison de retraite reconvertie à la va-vite en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. A une vingtaine de kilomètres de la futuriste Potsdamerplatz où débutera début février la prochaine édition du festival du cinéma de Berlin.

Débouté

Nazif Mujic explique qu'il devra quitter l'Allemagne d'ici au 25 février, après avoir été débouté de sa demande d'asile.

En attendant "c'est toujours mieux d'être ici que d'être en Bosnie", assure à l'AFP sa femme, Senada Alimanovic, 33 ans, vedette du film de Danis Tanovic, "An Episode in the Life of an Iron Picker" ("Un épisode dans la vie d'un ramasseur de féraille").

Oscarisé en 2002 pour "No man's land", Tanovic y raconte la vie désespérée de Nazif et Senada, privés d'assistance médicale au moment où Senada avait besoin de soins d'urgence à la suite d'une fausse couche. Outre le prix du meilleur acteur, le film a décroché le Grand prix du jury à la Berlinale 2013.

Un grand lit, deux gros canapés, un poste de télévision, un lavabo et deux plaques de cuisson: Nazif Mujic et sa famille se serrent aujourd'hui dans un studio de 30 m2, dans un foyer surchauffé où les enfants de réfugiés s'ennuient dans les escaliers.

"Je ne veux plus jamais retourner en Bosnie-Herzégovine. Là-bas, on a à peine de quoi manger et rien pour élever nos enfants", raconte cet homme de 43 ans, qui ramassait auparavant de la ferraille dans une bourgade perdue du nord de la Bosnie.

Accueilli dans son village en héros à son retour de la Berlinale, l'acteur amateur retrouve sa maison délabrée et le fléau de la pauvreté qui touche tout particulièrement les Roms de son pays.

Plus de 22.000 Roms vivent dans des bidonvilles à travers la Bosnie, selon l'OSCE.

Nazif Mujic espère alors que sa récompense cinématographique va lui offrir un horizon plus dégagé que son bourg sordide. Mais les propositions de travail n'affluent guère, affirme-t-il tout en précisant souffrir de graves problèmes de dos et de diabète.

Alors en novembre dernier, il décide de revenir dans la ville où il a connu la gloire. Deux cent cinquante euros déboursés pour les billets, 24 heures de bus depuis Tuzla et au terminus, une nouvelle déception.

Accueilli à Berlin par son frère et son fils de 19 ans --né d'un premier mariage--, il voit sa demande d'asile refusée.

La Berlinale tente aujourd'hui de lui venir en aide en lui offrant les services d'une avocate pour étudier son dossier, selon une porte-parole du festival contactée par l'AFP.

Depuis son foyer avec vue sur la forêt enneigée, Nazif Mujic n'a qu'une idée en tête: fouler de nouveau le tapis rouge. "Je vais aller à la Berlinale cette année, avec toute ma famille, on est invité, vous savez!".

Source : AFP

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