Accident meurtrier jugé au tribunal : une "maladresse" ?

  • Il y avait une audience correctionnelle, hier, au tribunal de Rodez.
    Il y avait une audience correctionnelle, hier, au tribunal de Rodez. Archives Centre Presse
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Charles Leduc

Le conducteur impliqué dans l’accident qui a coûté la vie à une jeune fille de 17 ans, cet été, sur l’A75, a été jugé hier.

Prévenu d’homicide involontaire, un Lozérien de 19 ans était jugé, hier, devant le tribunal correctionnel de Rodez, pour son implication dans un accident de la route qui, le 21 juillet, avait coûté la vie à sa petite amie âgée alors de 17 ans. Ce jour-là, à 18 heures, le couple revient du Var et rentre à Mende par l’A75. Huit kilomètres après le péage de Millau, près de Verrières, le jeune homme tente d’attraper une bouteille d’eau qui se trouve aux pieds de son amie, tandis que celle-ci dort. La voiture se déporte, mord le bas-côté et part en tonneaux. La jeune femme est éjectée. Évacuée à l’hôpital de Millau, elle décède peu après 21 heures.
Dans la salle d’audience, les parents et amis de la victime sont effondrés. Le prévenu revient sur cette dramatique journée. "Je ne roulais pas très vite", dit-il. Effectivement, la vitesse estimée par les gendarmes est de 90 km/h. Il n’avait ni bu d’alcool, ni consommé de drogue. Sa petite amie n’était pas attachée, ce qui n’était visiblement pas dans ses habitudes. "Elle s’est détachée pour m’aider à récupérer la bouteille d’eau", suppose-t-il.

"Il n'a pas pris une vie, il en a pris quatre"

Il reste à savoir si le prévenu était d’ordinaire un conducteur prudent. Représentant les parties civiles, Me François-Xavier Berger se penche sur le passé du jeune homme et relève qu’avant le 21 juillet, il avait perdu 11 points sur son permis de conduire, en trois mois. Le père de la victime, quant à lui, relate ce qui lui a été dit: que le jeune Lozérien avait tendance à rouler vite. Et qu’il continue de rouler vite. "Des rumeurs de Mende", se défend le prévenu. Le papa de cette apprentie-coiffeuse (qui avait un petit frère) livre avec dignité la souffrance d’une famille détruite : "Il n’a pas pris une vie; il en a pris quatre". Des larmes coulent inlassablement sur les joues de la maman. "Je n’arrive pas à parler", pleure-t-elle, ne pouvant retenir sa douleur.
Me Berger prend leur relais. "Les conséquences (de cet accident) ne sont pas mesurables", dit-il. Pour lui, "ce n’est pas la fatalité. Ce n’est pas la faute à “pas de chance”. À l’origine, il y a une faute de conduite"  qui "a causé la disparition" de la jeune fille.

Prison avec sursis requise

Lors d’un réquisitoire qu’il place sous le signe de l’"objectivité", le vice-procureur de la République, Bernard Salvador, pointe "une faute d’inattention et d’imprudence, sans violation d’une obligation de sécurité". Relevant néanmoins que le prévenu a donné "un coup de pouce" à "un mauvais coup du sort" en tentant d’attraper cette bouteille d’eau, il requiert 18 mois de prison avec sursis contre le conducteur. Et laisse le tribunal apprécier l’opportunité de suspendre ou annuler le permis de ce jeune dont le métier l’oblige à conduire.
"La peine ne doit pas se dessiner à l’aune de la souffrance des victimes, mais au regard des faits", plaide Me Cédric Galandrin, pour la défense. Il juge le réquisitoire du ministère public "excessif". Espérant que "la justice passera sereinement", il incrimine la "maladresse" du conducteur et émet un vœu : que le prévenu "aura les épaules assez larges pour porter cette culpabilité". Car, "il va devoir vivre avec ce drame".
Le tribunal met sa décision en délibéré; il la rendra le 5 mars.
 

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