Afghanistan: les rois de la récup' rêvent de jours meilleurs

  • Une boutique de surplus militaire dans le Bush market de Kaboul, le 1er avril 2014
    Une boutique de surplus militaire dans le Bush market de Kaboul, le 1er avril 2014 AFP - Shah Marai
  • Des vêtements américains vendus dans le Bush market de Kaboul, le 1er avril 2014
    Des vêtements américains vendus dans le Bush market de Kaboul, le 1er avril 2014 AFP - Shah Marai
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AFP

Haji Najimullah est furieux contre les Américains. Pas pour les opérations qu'ils mènent depuis plus de douze ans en Afghanistan, mais parce que leur prochain départ risque de réduire à néant le stock de surplus militaires qu'il écoule dans son échoppe de Kaboul.

Haji, 48 ans, fait grise mine: les clients se comptent sur les doigts de la main. A quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, samedi, la capitale afghane est sous haute tension, rien de tel pour faire fuir le chaland.

Barbichette, chapeau blanc et longue chemise traditionnelle, Haji officie au "Bush market", la bonne adresse à Kaboul pour qui cherche des bottes militaires ou un sac-à-dos estampillé "US Army". Ce dédale de boutiques du centre-ville doit son nom au président américain George Bush, à l'origine de l'intervention en Afghanistan lancée en 2001 dans la foulée du 11-Septembre.

Difficile de tenir à deux dans la boutique: des piles serrées de treillis, chaussures, couteaux de combat et autres fournitures militaires occupent l'essentiel de ces 4 mètres carrés.

Son stock, Haji le doit en grande partie à la Force internationale de l'Otan en Afghanistan (Isaf), vaste coalition militaire majoritairement composées de troupes américaines.

Marché noir, contrebande, vol, récupération... le Bush market s'est nourri de la présence étrangère, notamment grâce à Bagram, tentaculaire complexe militaire dirigé par les Américains à une soixante de kilomètres au nord de la capitale afghane.

Las, les années fastes sont un lointain souvenir et Haji se désole en pensant à cette année 2014, celle de toutes les incertitudes dans son pays avec, outre la présidentielle, le retrait de la cinquantaine de milliers de soldats de l'Otan.

"Je n'ai jamais vu rien de pire qu'un Américain", maugrée-t-il. "Ils se tirent du pays, mais ils ont cessé de donner aux Afghans les trucs dont ils n'avaient plus besoin. Maintenant, ils les brûlent!", enrage-t-il.

"Avec les Soviétiques, c'était mieux", assure-t-il en songeant à la précédente occupation du pays, de 1979 à 1989. "Au moins eux, ils laissaient tout derrière eux".

- "On a de l'espoir" -

Il n'y pas si longtemps, le Bush market était encore l'eldorado de la contrebande. On y trouvait de tout, des lunettes à vision nocturne aux accessoires pour fusils de précision, en passant par des produits formellement proscrits dans ce pays islamique comme le porc ou l'alcool.

Désormais les clients doivent se contenter de treillis, de rations militaires, quand il ne s'agit pas de vulgaires contrefaçons, chinoises notamment.

Quant aux allées autrefois grouillantes du marché, elles sont devenues beaucoup, beaucoup trop calmes au goût des commerçants.

"Je crois que c'est à cause de l'élection que le commerce va mal", avance Mostafa, 28 ans. "Les gens craignaient ce qui allait se passer en 2014, mais maintenant que l'année a commencé, et qu'il ne se passe grand chose, la seule inquiétude qui reste, c'est la présidentielle", dit-il.

Avant-même le premier tour de cette élection incertaine qui marquera une première transition démocratique en désignant le successeur de Hamid Karzaï, la campagne a été ensanglantée par les talibans, qui ont promis de "perturber" le scrutin par tous les moyens.

La capitale Kaboul en particulier a été marquée par plusieurs opérations visant la commission électorale mais aussi les étrangers, comme le meurtre d'un journaliste anglo-suédois ou l'attaque de l'hôtel Serena (neuf morts dont quatre étrangers).

Conséquence: les représentants de la communauté expatriée de Kaboul, une clientèle de choix pour le Bush market, ont déserté ses venelles étroites.

"Même les Afghans n'achètent plus beaucoup", se lamente Haji Tor Mohseni, 62 ans, un autre commerçant. "Quelques marchands ont dû fermer boutique, ils ne gagnaient plus assez pour payer le loyer".

Que se passera-t-il dans ces conditions après 2014, quand la plupart des forces étrangères auront quitté l'Afghanistan, et avec elles une partie des milliards de dollars qui maintiennent le pays à flot?

Pas question pour autant de céder à la sinistrose: l'Afghanistan en a vu d'autres, poursuit Haji.

"Le marché restera ouvert même si les étrangers partent. Nous ferons venir des produits similaires de l'étranger, même si les prix seront probablement plus élevés", dit-il. "On se dit que les choses iront mieux après l'élection. On a de l'espoir".

Source : AFP

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