Ukraine: le Premier ministre dans l'Est, guerre des mots relancée

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AFP

Le Premier ministre ukrainien tentait vendredi de désamorcer le face-à-face avec les séparatistes pro-russes que Kiev a menacé de déloger par la force, alors que le ton est encore monté entre Occidentaux et Russes.

Arseni Iatseniouk s'est rendu à Donetsk pour tenter de trouver une issue à l'insurrection de quelques milliers d'activistes pro-russes qui se sont emparés de bâtiments publics dans deux grandes villes de l'Est russophone du pays et faire retomber un peu la pression.

Le président russe Vladimir Poutine, qui s'est engagé à protéger "à tout prix" les populations russes de l'ex-URSS, a en effet massé des troupes, jusqu'à 40.000 hommes selon l'Otan, à la frontière des deux pays, faisant craindre une invasion.

Des pro-russes, pour certains armés, occupent depuis dimanche le bâtiment de l'administration régionale à Donetsk et celui des Services de sécurité (SBU) à Lougansk, villes situées à plusieurs dizaines de kilomètres de la frontière russe.

Le ministre de l'Intérieur, Arsen Avakov, avait menacé les séparatistes qui ne déposeraient pas les armes de recourir à la force, mais M. Iatseniouk est venu vendredi tendre un rameau d'olivier. Il a offert des garanties aux contestataires, qui risquent toutefois de ne pas satisfaire les plus radicaux des pro-russes. Jeudi, le gouvernement avait déjà promis l'amnistie à ceux qui déposeraient les armes.

Le Premier ministre s'est engagé à "équilibrer les pouvoirs entre le pouvoir central et les régions" avant la présidentelle anticipée du 25 mai et à ne toucher "sous aucun prétexte" aux lois garantissant le statut des langues autres que l'ukrainien.

Mais les séparatistes, soutenus par la Russie, exigent une "fédéralisation" de la Constitution ukrainienne. Ce que refuse le pouvoir pro-européen de Kiev, non reconnu par Moscou, qui y voit la porte ouverte à un éclatement du pays et refuse d'aller plus loin qu'une "décentralisation".

Aucun contact direct avec les insurgés n'était prévu, toutefois Rinat Akhmetov, oligarque et homme le plus riche du pays, qui fut longtemps l'un des principaux soutiens de l'ancien pouvoir pro-russe et exerce une grande influence dans la région, participait aux discussions. Il a assuré que "la seule issue était la voie de la négociation".

Devant l'administration occupée à Donetsk une petite foule se pressait. "Pas de négociations, l'indépendance sinon rien", criait une femme, devant les barricades protégeant le bâtiment.

- 'Sentiments antirusses' -

Kiev et Washington ont accusé les services spéciaux russes d'être derrière ces troubles, mais le ministre russe des Affaires étrangères a assuré vendredi que Moscou n'avait "ni agent ni militaire" dans la région. Et, relançant la guerre des mots entre les deux camps, Sergueï Lavrov a dénoncé "l'incitation à des sentiments antirusses" qui "menace de manière évidente la stabilité européenne".

Une lueur d'espoir diplomatique était pourtant née de l'annonce jeudi de discussions à quatre - Etats-Unis, Russie, Ukraine, Union européenne - la semaine prochaine sur cette crise, la pire entre l'Est et l'Ouest depuis la fin de la guerre froide.

Mais le président américain Barack Obama, dont les collaborateurs ont dit ne pas attendre grand-chose de ces pourparlers, a ensuite averti qu'il fallait s'attendre à une "escalade" russe, qui conduirait à de nouvelles sanctions contre Moscou. Et le patron de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a quant à lui estimé que l'Alliance devait prendre des mesures supplémentaires.

Les troubles dans l'Est ukrainien font en effet craindre un scénario analogue à celui de la Crimée, péninsule ukrainienne de la mer Noire rattachée à la Russie en mars après un référendum non reconnu par Kiev et l'Occident.

Kiev accuse Moscou de vouloir "démembrer" le pays ou torpiller l'élection présidentielle. Les favoris de ce scrutin sont en effet des pro-européens, décidés à arrimer à l'Ouest une Ukraine de 46 millions d'habitants frontalière de plusieurs pays de l'UE.

La question très sensible des livraisons de gaz russe est également revenue dans le débat. Vladimir Poutine a mis en demeure jeudi les Européens d'assurer le paiement des milliards de dette de l'Ukraine faute de quoi leur approvisionnement serait menacé, comme pendant les "guerres du gaz" de 2006 et 2009.

Mais l'UE a rappelé son fournisseur russe au "respect de ses engagements" et souligné que les achats gaziers européens "contribuaient pour à peu près 50% des recettes du budget fédéral russe".

Et le président russe a baissé d'un ton vendredi, assurant que les engagements russes seraient tenus.

La Russie subit déjà de plein fouet cette crise, avec une croissance en berne et des fuites de capitaux massives. Les répercussions pourraient s'étendre à l'économie mondiale, selon le FMI, et qui seront au coeur des discussions entre pays développés et émergents du G20, rassemblés vendredi à Washington.

Source : AFP

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