Alstom: France se dote d'un droit de veto pour arbitrer

  • Manifestation au siège d'Alstom à Levallois-Perret, le 30 mai 2014
    Manifestation au siège d'Alstom à Levallois-Perret, le 30 mai 2014 AFP/Archives - François Guillot
  • Le ministre de l'Economie Arnaud Montebourg, le 9 mai 2014 à Berlin
    Le ministre de l'Economie Arnaud Montebourg, le 9 mai 2014 à Berlin AFP/Archives - Pierre Bedouelle
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AFP

Le gouvernement français brandit l'étendard du patriotisme économique en se dotant d'une nouvelle arme qui pourrait lui permettre de bloquer les visées étrangères sur Alstom, et notamment celles de General Electric qui veut racheter le pôle énergie du fleuron industriel français.

Un décret, publié jeudi dans le Journal officiel, étend notamment à l'énergie et aux transports le mécanisme de protection des entreprises stratégiques contre les appétits étrangers, faisant de l'Etat français l'arbitre des négociations entre Alstom et les prétendants à un rachat partiel du groupe.

"Le choix que nous avons fait, avec le Premier ministre, est un choix de patriotisme économique", a déclaré le ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg, dans un entretien à paraître dans Le Monde.

"Ces mesures de protection des intérêts stratégiques de la France sont une reconquête de notre puissance", ajoute-t-il.

Ce décret gouvernemental soumet à l'autorisation préalable du ministre de l'Economie les investissements par des groupes étrangers en France dans les domaines de l'énergie et des transports, mais aussi de l'eau, de la santé et des télécoms.

Il étend un dispositif de protection mis en place par un précédent décret de 2005, sous la droite, couvrant les secteurs de la défense nationale, des technologies de l'information et des jeux d'argent.

Plutôt que d'une interdiction, il s'agit d'une autorisation qui peut être accordée sous réserve que l'entreprise respecte certains engagements.

En outre, le texte, cosigné par le Premier ministre Manuel Valls et Arnaud Montebourg, permet de subordonner l'autorisation de rachat de groupes français à la revente par l'investisseur étranger, à une société indépendante, d'activités faisant partie des secteurs sensibles.

De quoi permettre au gouvernement de peser davantage dans le dossier Alstom, dont la branche énergie est convoitée par GE, mais aussi par l'allemand Siemens, qui a les faveurs de l'exécutif.

"Nous pouvons désormais bloquer des cessions, exiger des contreparties", assure le ministre de l'Economie.

- Pas interdit de s'installer en France -

A Bercy, on confirme qu'"on est (...) armés pour continuer les discussions et les négociations vis-à-vis des deux (...) sociétés qui ont exprimé leur intérêt par rapport aux activités d'Alstom", alors qu'une entrée de l'Etat au capital n'est "pas à l'ordre du jour".

Même si ce décret n'a "pas forcément" vocation à être utilisé, "il va nous permettre d'avoir un dialogue et une négociation plus sereine avec les compétiteurs, que ce soit GE ou Siemens puisqu'il s'applique à tous les investisseurs étrangers quelle que soit leur nationalité", précise-t-on.

GE a déclaré à l'AFP avoir "pris note" de ce décret et dit qu'il poursuivrait ses poursuivre ses "discussions constructives avec le gouvernement" français.

De son côté, Siemens n'a pas réagi officiellement. Une source du groupe a informé que "Siemens poursuit son travail sereinement comme il le fait depuis le début, au sein d'une concertation".

Le conseil d'administration d'Alstom s'est donné jusqu'à la fin mai pour étudier des offres de rachat de son pôle énergie. Il a déjà marqué sa préférence pour celle à 12,35 milliards d'euros déposée fin avril par GE, la seule formellement sur la table pour l'instant.

L'Etat met notamment la pression pour que GE renforce en contrepartie le pôle transports d'Alstom, sur lequel ce dernier entend se concentrer en cas de cession de sa branche énergie, et veut plus de garanties en matière d'emploi.

"A partir de demain, on rentre dans une phase de négociation active", a-t-on insisté de source proche de M. Montebourg. "Il faut discuter avec nous, il n'y a pas d'autre choix". Ajoutant que tout feu vert de Bercy devra intervenir "avant la conclusion définitive" d'un accord de reprise, indépendamment du calendrier que s'est fixé Alstom.

Ce dispositif s'apparente au CFIUS américain (Committee on Foreign Investment in the United States), qui examine les dossiers d'investissement à l'aune de leurs implications éventuelles pour la "sécurité nationale".

"Le pouvoir d'autorisation qu'il nous confère nous protège contre des formes indésirables de dépeçage et des risques de disparition", a déclaré Arnaud Montebourg au Monde.

"Avec ce décret, nous rééquilibrons le rapport de force entre les intérêts des entreprises multinationales et les intérêts des États, qui ne sont pas toujours alignés", ajoute-t-il.

Mais "cela ne veut pas dire qu'il est interdit de s'installer en France", veut-on rassurer à Bercy, où on assure rester dans les clous européens.

"Ce nouveau dispositif sera naturellement appliqué de manière sélective et proportionnée, en tenant compte de chaque situation", a assuré M. Montebourg dans un communiqué publié jeudi matin.

"Bien entendu, la France reste ouverte aux investissements étrangers, mais dans les cas sensibles, la puissance publique doit avoir son mot à dire et le dossier Alstom nous a fait prendre conscience qu'on avait besoin d'un dispositif de ce type", a fait valoir de son côté Matignon à l'AFP.

La dirigeante du FN Marine Le Pen a dénoncé sur France 2 une tentative d'"enfumage électoraliste", une semaine avant les européennes.

Source : AFP

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