"Adieu au langage": Cannes tente de décrypter le dernier Godard

  • Le réalisateur suisse Jean-Luc Godard Godard le  30 novembre 2010 à Zurich
    Le réalisateur suisse Jean-Luc Godard Godard le 30 novembre 2010 à Zurich AFP/Archives - Fabrice Coffrini
  • L'acteur Kamel Abdelli, les actrices Héloïse Godet, Zoé Bruneau, l'acteur Richard Chevallier et l'actrice américaine Jessica Erickson, posent avant la projecyion du film de Jean-Luc Godard "Adieu au Language" au 67e Festival de Cannes le 21 ma
    L'acteur Kamel Abdelli, les actrices Héloïse Godet, Zoé Bruneau, l'acteur Richard Chevallier et l'actrice américaine Jessica Erickson, posent avant la projecyion du film de Jean-Luc Godard "Adieu au Language" au 67e Festival de Cannes le 21 ma AFP - Alberto Pizzoli
Publié le
AFP

Le Festival de Cannes a tenté mercredi de décrypter le dernier opus de Jean-Luc Godard, "Adieu au langage", une œuvre inclassable, en 3D, patchwork frénétique de scénettes et citations philosophiques qui en met plein les rétines.

Les applaudissements respectueux ont éclaté dans la plus grande salle du Palais des festival, bondée, à l'issue d'1h10 d'un film "qui va prendre le temps de faire son impact", a prévenu l'un des acteurs Kamel Abdelli.

On était loin en tout cas des huées qui avaient accueilli "Sauve qui peut (la Vie)" ou "Détective". A 83 ans, la légende de la Nouvelle Vague est vénérée à Cannes, lui qui avait, avec d'autres, demandé la fermeture du festival pendant la révolution de 1968.

Le maître, qui n'a jamais obtenu de récompenses à Cannes, n'avait cette fois-ci pas fait le voyage et le festival a été privé d'une de ses légendaires conférences de presse.

"Je ne fais plus depuis longtemps partie de la distribution... Je suis d'autres pistes", explique-t-il dans une vidéo postée mercredi sur le site officiel du Festival. Godard y signale au passage que ce film est son "meilleur".

"Le propos est simple, assure le livre officiel du Festival. Une femme mariée et un homme libre se rencontrent. Ils s'aiment, ils se disputent..."

Que ceux qui souhaitent sortir leur mouchoir devant une belle histoire d'amour passent cependant leur chemin.

Parfois coupées brusquement, les scènes se succèdent sur un rythme endiablé, certaines reviennent encore et encore: un bateau qui accoste sur le lac Léman, une baignoire ensanglantée, des feuilles d'automne, des extraits de vieux films noir et blanc de Hollywood.

- Des aphorismes et le chien Roxy -

En voix off, les aphorismes abondent:

"L'expérience intérieure est désormais interdite par la société en général...", "Une femme ne peut pas faire de mal, elle peut gêner, elle peut tuer c'est tout", "La pensée retrouve sa place dans le caca"; "La Russie ne fera jamais partie de l'Europe", "La société est-elle prête à accepter le meurtre pour faire reculer le chômage?", etc.

Complètement nus, un couple échange lui aussi philosophiquement. "Il n'y a pas de nudité dans la nature", explique une voix off.

Oreilles tombantes, yeux noisettes alertes et queue battante, un chien occupe régulièrement l'écran, très naturel. C'est Roxy, le meilleur ami du maître. Le chien, avait-il expliqué le matin sur la radio France Inter, c'est le "lien", celui qui va aider le couple.

Pour autant, Godard montre qu'il aime manier la caméra, sature les images de couleurs et joue allégrement avec la 3D, notamment dans des scènes intérieures où il pose en premier plan une lampe, un bouquet de tulipes ou une brosse qui semblent bondir au visage.

Pourquoi "Adieu au langage"? Sur France Inter, Godard a expliqué qu'il était d'abord parti de ce titre. "Cela veut dire adieu à ce que les gens appellent le langage, qui ne l'est pas. On pourrait dire aujourd'hui de la conversation, du talk show... Ce qui est la langue, le langage, c'est bien plus au fond, c'est bien plus loin, c'est une espèce d'alliance de la parole et de l'image que peut-être l'enfant qui naît connaît un bref moment parce que, à la fois, il est ébloui et il crie".

"Imbitable purge", "Méditation merveilleuse", "chaotique, excentrique, exaspérant et fou", "le rêve opiacé d'un chien dyslexique"...: les premières réactions des critiques sur Twitter étaient partagées.

"On va bientôt tous avoir besoin d'interprètes, ne serait-ce que pour se comprendre soi-même", est-il dit dans le film, qui termine, signe d'espoir - et de langage -, sur un cri de bébé.

Source : AFP

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