Jour J: Dans son char sur Omaha Beach, la peur de rouler sur les camarades

  • Un casque américain sur la plage de Saint-laurent sur mer, dite Omaha Beach, en Normandie où ont débarqué les troupes alliées le 6 juin 1944, photographié le 6 juin 2011 lors d'une cérémonie marquant le 67e anniversaire du débar
    Un casque américain sur la plage de Saint-laurent sur mer, dite Omaha Beach, en Normandie où ont débarqué les troupes alliées le 6 juin 1944, photographié le 6 juin 2011 lors d'une cérémonie marquant le 67e anniversaire du débar AFP/Archives - Kenzo Tribouillard
  • Image d'archives du 6 juin 1944 montrant le débarquement des soldats américains sur la plage Omaha beach en France, et les chars sur la plage. Image diffusée par les archives nationales
    Image d'archives du 6 juin 1944 montrant le débarquement des soldats américains sur la plage Omaha beach en France, et les chars sur la plage. Image diffusée par les archives nationales National archives/AFP - Ho
  • Vue aérienne de la plage du débarquement en Normandie baptisée Omaha Beach, le 7 mai 2014
    Vue aérienne de la plage du débarquement en Normandie baptisée Omaha Beach, le 7 mai 2014 AFP/Archives - Charly Triballeau
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AFP

Aux commandes de son char, il ne voyait "pratiquement rien" une fois débarqué sur la plage. Soixante-dix ans plus tard, William Gast, vétéran américain, craint toujours d'avoir roulé sur les corps de ses camarades cloués par les tirs allemands sur Omaha "la sanglante".

William Gast, petit gamin de Pennsylvanie (est), avait 19 ans ce matin du 6 juin 1944 lorsqu'il débarqua à 06H20 sur Omaha Beach, à "H-10, dix minutes avant l'heure prévue".

Il était en avance pour la guerre, mais ne sait plus pourquoi. "Je ne savais même pas ce que je faisais là", sourit-il. A 89 ans, si certains souvenirs s'étiolent, d'autres restent bien vivaces.

Comme ces entraînements répétés en Angleterre à charger de nuit son char Sherman sur une péniche de débarquement et de partir en mer quelques heures avant de revenir au port. "Jusqu'au soir où on est parti et on n'est pas revenu. On y était".

Il se souvient bien aussi du capitaine de la péniche de débarquement qui lui avait promis de les approcher suffisamment du rivage afin que les trois chars qu'elle transportait ne soient pas submergés, comme tant d'autres ce matin-là.

L'autre unité de chars à débarquer sur Omaha aura moins de chances: 27 des 32 chars amphibies lancés en mer à plus de cinq kilomètres des côtes ont coulé avant d'atteindre le rivage en raison d'une météo capricieuse.

"On nous a donné l'ordre d'y aller, on a allumé les moteurs, la rampe s'est abaissée". Le jeune conducteur de char élance son engin au milieu des gerbes d'eau et de sable provoquées par les obus allemands. Il "sent les chenilles patiner" avant de finalement prendre prise sur le fond sablonneux et de prendre position sur la plage.

- Comme des pavés contre une voiture -

Dans le siège du conducteur, William Gast tente d'orienter son char à l'aide d'un petit périscope. "Vous imaginez ce qu'on peut voir: pratiquement rien". Le commandant du char doit lui dire d'aller à gauche ou à droite en le frappant sur l'épaule correspondante.

Cette incapacité à distinguer son chemin lui fait craindre d'avoir roulé sur le corps de camarades qui s'entassent et se font massacrer sur la plage à mesure que les vagues de débarquement se succèdent sans réussir à percer les défenses allemandes.

"Le plus triste, c'est que j'ai pu rouler sur les miens. Et si je l'ai fait, je ne le sais même pas et je ne peux pas m'empêcher d'y penser".

De l'autre côté du blindage, la fureur. Le caporal Gast entend "les balles de mitrailleuses frapper le char comme si on avait jeté des pavés sur une voiture".

"Je ne peux pas vraiment dire ce qu'il s'est passé, on ne réfléchissait pas trop. J'avais une peur bleue", avoue le vieil homme, tout en disant avoir agi avec "automatisme". "On faisait ce qu'on devait faire, ce qu'on nous ordonnait de faire".

A la mi-journée, près de 19.000 soldats américains ont débarqué à Omaha mais restent cloués sur la plage. Plus tard dans l'après-midi, des soldats du génie réussissent à ouvrir une brèche à l'explosif dans un mur de béton construit par les Allemands.

Les Américains laisseront 2.000 morts, blessés et disparus sur la plage d'Omaha, désormais surnommée la "sanglante". Sur les 15 chars de la compagnie de William Gast, cinq en sont sortis indemnes.

Le vieil homme, décoré au printemps de la Légion d'honneur lors d'une cérémonie à l'ambassade de France à Washington, ne compte pas retourner en Normandie. Pour "ne pas remuer" les souvenirs, selon son fils.

Source : AFP

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