30 juillet 1914: le tsar signe l'ordre de mobilisation générale

  • Carte de l'Historial de Péronne montrant le tsar Nicolas II pendant la Première guerre mondiale
    Carte de l'Historial de Péronne montrant le tsar Nicolas II pendant la Première guerre mondiale Historial de Péronne/AFP/Archives
  • Carte de l'Historial de Péronne montrant des soldats russes sur le front en Prusse orientale lors de la Première guerre mondiale
    Carte de l'Historial de Péronne montrant des soldats russes sur le front en Prusse orientale lors de la Première guerre mondiale Historial de Péronne/AFP/Archives - -
  • Carte de l'Historial de Péronne montrant le tsar Nicolas II en train de passer les troupes en revue pendant la Première guerre mondiale
    Carte de l'Historial de Péronne montrant le tsar Nicolas II en train de passer les troupes en revue pendant la Première guerre mondiale Historial de Péronne/AFP/Archives - -
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Centre Presse Aveyron

Le 30 juillet 1914, après huit jours de doutes et de tergiversations, le tsar Nicolas II pressé par son entourage décrète la mobilisation générale en Russie, précipitant le basculement de l'Europe dans la Première Guerre mondiale.

Le texte de l'ordre de mobilisation est diffusé par télégraphe en fin de journée, à 18H00, dans tout le pays. Les affiches rouges appelant les Russes sous les drapeaux apparaissent partout dans les heures qui suivent, suscitant souvent des scènes de liesse.

"Les manifestations dans les rues sont majestueuses!", écrit dans son journal intime le journaliste libéral de l'époque Mikhaïl Lemké, ajoutant: "seul le tsar, avec ses origines allemandes, est contre la guerre".

L'enthousiasme - au moins dans les villes - est à nouveau au rendez-vous deux jours plus tard, lorsque le Kaiser Guillaume II déclare la guerre à son cousin Nicolas II faute d'avoir obtenu l'annulation de l'ordre de mobilisation russe qui est considéré comme un casus belli par les stratèges militaires et politiques à Berlin.

"A 6H30 (18H30, ndlr) sommes allés à la messe. Au retour, avons appris que l'Allemagne nous a déclaré la guerre", note simplement Nicolas II dans son journal à la page du 1er août.

- Cloches et bénédiction -

Le 2, le tsar bénit son armée à Saint-Pétersbourg, reprenant les mots qu'avait adressés Alexandre 1er aux soldats partant se battre contre Napoléon en 1812.

La guerre est aussitôt baptisée en Russie "Seconde guerre nationale".

"Les cloches sonnent toute la journée, des foules de croyants emplissent les églises, l'ambiance est festive", note Lemké.

A Saint-Pétersbourg, dont le nom germanisant est aussitôt transformé en Petrograd, l'ambassade d'Allemagne est vandalisée. L'emploi de la langue allemande est interdit, alors que la communauté germanophone est très importante dans la capitale des tsars depuis Pierre-le-Grand.

"La guerre contre l'Allemagne est populaire chez les militaires, les fonctionnaires, l'intelligentsia et les industriels influents", écrit le ministre de la Défense de l'époque Vladimir Soukhomlinov dans ses mémoires.

Tout a commencé dix jours auparavant. Nicolas II donne une réception grandiose en l'honneur du Président de la République française Raymond Poincaré, dans son Palais d'été près de Saint-Pétersbourg.

Ce sera la dernière réception majestueuse des Romanov: trois ans plus tard, le conflit mondial et la révolution abattront une dynastie vieille de trois siècles.

- Nicolas II sous pression de l'état-major -

Juste après le départ de Poincaré, le soir du 23 juillet, l'Autriche-Hongrie lance son ultimatum à la Serbie.

"C'est la guerre européenne!", s'exclame le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Sazonov en apprenant la nouvelle qu'il annonce aussitôt au tsar par téléphone.

"C'est révoltant!", prononce Nicolas II.

Le lendemain, la Serbie demande l'aide de son allié russe.

Dès le 25, les services secrets russes rapportent que Vienne et Berlin ont commencé de discrets préparatifs militaires, sans les afficher.

Le tsar, sous pression de son état-major, lance à son tour une pré-mobilisation dès le 26.

Le 28, Vienne déclare la guerre à Belgrade. Militaires et diplomates russes insistent sur la nécessité d'une mobilisation générale.

Nicolas II va alors tenter de désamorcer le conflit dans un échange direct de télégrammes avec son cousin Guillaume II. Echange sans suites et parfois surréaliste, où les deux souverains qui savent qu'ils seront bientôt en guerre protestent de leur affection réciproque et signent de leurs diminutifs "Nicky" et "Willy".

"Je prévois que très prochainement je ne pourrai plus longtemps résister à la pression qui est exercée sur moi et que je serai forcé de prendre des mesures qui conduiront à la guerre", écrit pathétiquement Nicolas à Guillaume le 29 juillet, le suppliant de tout faire pour "éviter le malheur d'une guerre européenne".

Il propose surtout à son cousin de recourir à l’arbitrage de la Cour de La Haye pour résoudre le conflit austro-serbe. La proposition sera rejetée.

- "La guerre nous achèvera tous" -

Le même jour l'influent confident de la famille impériale Grigori Raspoutine lui demande de ne pas "déclarer une guerre" qui "nous achèvera tous".

Mais la pression de son entourage civil et militaire est trop forte: le tsar signe un décret de mobilisation générale le 29, puis le retire dans une ultime hésitation, avant de le confirmer le 30, définitivement.

Tous croient que la guerre désormais inévitable sera brève. Mais elle durera près de quatre ans et fera au moins deux millions de morts russes.

Pour des raisons idéologiques, le conflit qualifié de "guerre impérialiste" sera immédiatement relégué aux oubliettes par le nouveau régime bolchévique, qui ne peut guère se glorifier d'avoir accepté la paix de Brest-Litovsk amputant la Russie d'une grande partie de ses territoires européens.

De plus, la mémoire du conflit va être effacée par les pertes beaucoup plus importantes causées par la révolution de 1917 et la guerre civile qui suivra, et surtout par les 25 millions de morts de l'URSS tombés face à l'Allemagne nazie lors de la Seconde guerre mondiale, rappelle à l'AFP l'historien Piotr Moultatouli.

- Retour à l'idée nationale -

La situation va changer avec l'arrivée au Kremlin en 2000 de Vladimir Poutine, qui souhaite tirer ce conflit de l'oubli.

"Le rappel d'une guerre qui a précipité l'effondrement de l'empire russe doit aider le pouvoir à formuler une idée nationale", disparue avec l'éclatement de l'URSS fin 1991, explique M. Moultatouli.

L'anniversaire du conflit est l'occasion pour la Russie nouvelle d'"évoquer le patriotisme de l'époque" au travers de monuments,d'expositions ou de films, selon la Société militaire et historique de Russie, chargée du programme de commémorations de ce centenaire.

"La Première Guerre mondiale doit souder les Russes", résume Artiom Savinov, du musée de l'Armée russe à Moscou, qui consacre cet été une exposition au conflit pour la première fois depuis sa création en 1921.

Source : AFP

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