Irak: les jihadistes s'emparent de la plus grande ville chrétienne et provoquent un exode

  • Le graffiti inscrit sur les maisons des Chrétiens à Mossoul depuis l'arrivée des jihadistes: "Propriété immobilière appartenant à l'Etat islamique" (EI), et la première lettre de "Nasara", qui désigne les chrétiens dans le Coran. Photo du 26 juillet 2014 tirée d'une vidéo
    Le graffiti inscrit sur les maisons des Chrétiens à Mossoul depuis l'arrivée des jihadistes: "Propriété immobilière appartenant à l'Etat islamique" (EI), et la première lettre de "Nasara", qui désigne les chrétiens dans le Coran. Photo du 26 juillet 2014 tirée d'une vidéo Transterra Media/AFP - -
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Centre Presse Aveyron

Des jihadistes se sont emparés jeudi de Qaraqosh, la plus grande ville chrétienne d'Irak, poussant des dizaines de milliers de personnes à fuir et le clergé chaldéen à appeler la communauté internationale à l'aide.

Les combattants de l'Etat islamique (EI) ont pris position dans la nuit, après le retrait des forces kurdes, ont expliqué des habitants de cette ville entièrement chrétienne.

Selon le patriarche chaldéen Louis Sako, 100.000 chrétiens ont été poussés sur les routes "avec rien d'autre que leurs vêtements sur eux".

"C'est un désastre humanitaire. Les églises sont occupées (par les jihadistes), leurs croix ont été enlevées", a-t-il dit à l'AFP. Plus de 1.500 manuscrits sont également partis en fumée.

"Aujourd'hui, nous lançons un appel avec beaucoup de douleur et de tristesse, au conseil de sécurité de l'ONU, à l'Union européenne et aux organisations humanitaires, pour qu'ils aident ces gens en danger de mort", a insisté le patriarche, en redoutant un "génocide".

Qaraqosh est située entre Mossoul, la deuxième ville du pays tenue par l'EI, et Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan. Elle compte en général 50.000 habitants, mais avait également accueilli nombre de chrétiens chassés de Mossoul.

- "Une catastrophe, tragique " -

"Les villes de Qaraqosh, Tal Kayf, Bartella et Karamlesh ont été vidées de leurs habitants et sont maintenant sous le contrôle des insurgés", a déclaré à l'AFP Mgr Joseph Thomas, archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleimaniyeh.

"C'est une catastrophe, une situation tragique", a-t-il ajouté.

Au nord de Mossoul, Tal Kayf, où vivaient également de nombreux chrétiens mais aussi des membres de la minorité chiite Chabak, s'est vidée dans la nuit.

"Tal Kayf est entre les mains de l'Etat islamique. Ils n'ont rencontré aucune résistance et sont arrivés juste après minuit", a expliqué Boutros Sargon, un habitant ayant fui la ville, joint par téléphone à Erbil.

"J'ai entendu des tirs dans la nuit et quand j'ai regardé dehors, j'ai vu un convoi militaire de l'Etat islamique. Ils criaient 'Dieu est grand'", a-t-il ajouté.

Ce nouvel exode dépasse largement par son ampleur celui des chrétiens chassés de Mossoul en juillet.

"C'est une des plus grandes tragédies pour les chrétiens d'Irak depuis 2003", a déclaré à l'AFP Faraj Benoit Camurat, président de Fraternité Irak, une association basée à Paris défendant les chrétiens et d'autres minorités en Irak.

La communauté chrétienne d'Irak est estimée à 400.000 personnes.

- Les Kurdes reculent -

Un porte-parole des forces kurdes a assuré qu'elles se battaient toujours contre les jihadistes de l'EI à Qaraqosh et à Al-Qosh, au nord de Tal Kayf, mais aucun témoin n'a pu confirmer ces affirmations.

Le porte-parole a aussi affirmé que les peshmergas kurdes se battaient à Gwer, une localité kurde au sud de Qaraqosh.

Cette poussée de l'EI met les jihadistes à portée de tir, parfois à tout juste 20 km, des frontières officielles du Kurdistan irakien. Et ils ne sont plus qu'à 40 km d'Erbil.

Menés par l'EI, qui était déjà bien implanté en Syrie, des insurgés sunnites ont lancé en juin une offensive fulgurante dans le nord et l'ouest de l'Irak, s'emparant de Mossoul et de vastes pans de territoire essentiellement sunnite.

A la faveur de la déroute de l'armée, les forces kurdes, de loin les mieux entraînées et organisées du pays, ont pris position hors de leurs frontières officielles, élargissant officieusement le Kurdistan de 40%.

Mais depuis fin juillet, les peshmergas reculent inexorablement dans la province de Ninive, dont Mossoul est la capitale.

Parmi les plus récentes conquêtes de l'EI figure la région de Sinjar, bastion de la minorité yazidie, une communauté kurdophone pré-islamique considérée par les jihadistes comme "adoratrice du diable".

Des dizaines de milliers de personnes ont fui dans la panique et se retrouvent piégés, sans eau ni nourriture, dans les montagnes désertiques environnantes.

Plusieurs responsables politiques et organisations internationales ont fait état de centaines de civils disparus depuis l'arrivée des jihadistes, qui ont déjà souvent manifesté une violence extrême, et de dizaines d'enfants morts de soif dans les montagnes.

L'EI a diffusé jeudi à Mossoul un communiqué saluant "une nouvelle libération dans la province de Ninive, qui servira de leçon aux Kurdes profanes".

Le groupe a aussi démenti que l'alliance exceptionnelle de combattants kurdes d'Irak, de Syrie et de Turquie leur ait permis de regagner la moindre parcelle de terrain perdu ces derniers jours.

Source : AFP

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