Le procès d'assises qui s’ouvre aujourd'hui à Rodez devra faire la lumière sur la mort de Jean-Ronald d’Haïty, un Antillais de 20 ans, décédé de plusieurs coups de couteaux dans la nuit du 8 mai 2010 à Millau après une rixe.
À l’issue de plusieurs années d’investigations, ponctuées d’interpellations, d’informations provenant de sources directes et indirectes, de recours à des mélanges d’ADN partiels et de rebondissements, 18 personnes sont poursuivies pour assassinat et tentative d’assassinat.
Elles encourent toute une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Deux mis en cause, qui ont effectué plus de trois ans de détention provisoire, sont particulièrement visés: les frères Morad et Taoufik Laanizi, âgés respectivement de 26 ans et 32 ans. Ils sont suspectés d’être notamment les "meneurs" et, selon l’instruction, ils auraient eu des raisons d’en vouloir à un Antillais domicilié dans le même immeuble que Jean-Ronald d’Haïty. Au domicile du second, d’ailleurs, a été découvert un papier déchiré sur lequel était écrit: "Ratonnade -on y va direct- cagoule fusil" (les deux derniers mots avaient cependant été en partie rayés).
Les frères Laanizi «clament leur innocence», déclare leur avocat
"Depuis le début, mes clients clament leur innocence", souligne leur avocat, Me Baptiste Scherrer. "Dire que Morad a tout organisé, c’est prendre un raccourci. Certes, il y est allé pour se battre, parce qu’il a estimé n’avoir pas été entendu par les policiers quand il est allé porter plainte contre Garvin Madar, qui l’avait frappé un mois plus tôt. Et il reconnaît avoir appelé deux amis pour l’accompagner. Mais il n’avait pas à l’esprit que, par un mécanisme de “téléphone arabe”, autant de personnes se déplaceraient ce soir-là. Comme il ignorait que des individus allaient venir avec un couteau".
L’"effet de groupe" aurait alors créé une situation "échappant à tout contrôle". Quant à Taoufik Laanizi, Me Scherrer déclare que celui-ci martèle encore et encore qu’"il n’y était pas". "Ce dossier est très mal ficelé; il va être difficile de savoir qui a fait quoi, et de connaître celui qui a porté les coups de couteau", estime pour sa part Me Élian Gaudy, dont deux des trois clients "n’ont jamais reconnu avoir été présents".
"Il n’était pas sur place"
Des déclarations similaires à celles du mis en cause défendu par Me Alexandra Gosset, qui se dit "innocent". "Il n’était pas sur place", martèle l’avocate ruthénoise. "Mais il a le malheur de connaître l’un des suspects". D’autres, en revanche, concèdent avoir fait partie du groupe qui s’est rendu sur la place Foch, mais ceux-là certifient toutefois n’avoir rien à se reprocher. C’est notamment le cas de cet accusé représenté par Me Christelle Cordeiro, laquelle le décrit comme "un suiveur", avant de soutenir qu’"il n’a rien fait".
Aucun aveu
Dans cette affaire, manquent évidemment les aveux du meurtrier. Et MeBaptiste Scherrer "ne croit pas qu’on les aura" lors de ces deux mois de procès. "Un juge d’instruction n’est pas parvenu à les obtenir durant quatre ans; je ne vois pas comment un jury d’assises va y arriver", confie-t-il. "J’espère que la cour aura le courage de condamner la personne, et l’unique personne qui a porté le coup de couteau mortel". Pour cela, le coupable doit être clairement identifié. Dans le cas contraire, l’avocat montpelliérain des frères Laanizi considère qu’"incarcérer 18 personnes, dont 17 innocents, va être difficile à gérer". Autant dire qu’en l’état actuel du dossier, les plaidoiries des conseils des accusés, attendues dans quelques semaines, risquent fort de se conclure par des demandes d’acquittement.
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