Procès jean-Ronald d'Haïty : l’« union fusionnelle » de deux frères au crible

  • Le président de la cour, Régis Cayrol.
    Le président de la cour, Régis Cayrol. José A. Torres / CPA
Publié le , mis à jour
Charles Leduc

Cour d’assises. Hier, à Rodez, Taoufik et Morad Laanizi, accusés d’être les «meneurs» de l’expédition punitive qui a coûté la vie à Jean-Ronald d’Haïty, ont été les derniers mis en cause à prendre la parole pour la première fois.

La reprise de la deuxième semaine du procès des dix-huit accusés de l’assassinat de Jean-Ronald d’Haïty, un Antillais surnommé Scra, survenu au soir du 8 mai 2010 à Millau, devait permettre à la cour d’assises, hier, d’en savoir davantage sur deux des mis en cause: Morad et Taoufik Laanizi. Ces deux frères, qui ont déjà effectué trois ans environ de détention provisoire dans le cadre de cette affaire, seraient, à la lecture de l’ordonnance de mise en accusation, les "meneurs" de l’expédition punitive organisée lors de cette soirée meurtrière.

En conséquence, pour une raison purement pratique, ils ont quitté les bancs de la salle d’audience pour s’installer dans le box des accusés, derrière leur avocat MBaptiste Scherrer, en attendant de rejoindre la barre à tour de rôle. Taoufik (32ans) d’abord ; son petit frère Morad (26ans) ensuite. Comme les autres accusés, la semaine dernière, ils prennent la parole et se présentent aux jurés et au président Régis Cayrol. Tous les deux s’expriment clairement : le premier d’une voix grave, le second d’une voix moins forte. Chacun évoque son enfance, sa scolarité, ses relations familiales, ses passions, les "petits boulots" effectués, et, bien sûr, son passé judiciaire. Des "petits délits", dit Taoufik Laanizi, reconnaissant "quatre incarcérations" pour des "petites peines".

Mais, au regard des 14 mentions inscrites à son casier judiciaire, le président n’en reste pas là et l’invite à avoir "un regard critique". La réponse de l’aîné ne se fait pas attendre : "Je n’ai pas dit que je suis un saint. J’ai fait des conneries; je les assume." Morad avance pour sa part un passé judiciaire moins lourd (trois condamnations) et s’en explique, ponctuant son intervention de quelques expressions maladroites qui ont le don d’irriter Régis Cayrol.

"Je ne suis ni le meneur, ni rien du tout", clame Morad Laanizzi

Lors de ces débats, le président met en lumière l’ "union fusionnelle" qui lierait les deux frères. "On est proches", concède l’aîné. "C’est mon grand frère. Il m’aime comme un grand frère", déclare le cadet qui précise à la cour : "Je n’ai plus d’amis." Mais les Laanizi ont également en commun une affaire de violences qui remonte à 2009 : une bagarre, avec armes, les opposant à un Lozérien qui, accompagné de quelques comparses, reprochait à Taoufik de lui avoir vendu du chocolat à la place de résine de cannabis. "J’ai cru mourir. À deux ou trois reprises, on a essayé de me poignarder", se souvient Morad, avant d’expliquer que, ce jour-là, "on n’a fait que se défendre !"

Au fil de cette matinée consacrée à la personnalité des frères millavois, chacun garde à l’esprit la soirée au cours de laquelle Jean-Ronald d’Haïty a perdu la vie. Lorsque le président Cayrol lui demande s’il ressent une part de "responsabilité" en voyant tous ces accusés autour de lui, "dont (ses) amis", Taoufik rétorque : "Je n’ai convaincu personne. Je n’ai convoqué personne." À une question portant sur les faits reprochés, Morad est aussi catégorique. "Je ne suis ni le meneur, ni rien du tout", insiste-t-il. Cette soirée meurtrière serait, à l’entendre, le résultat d’un "effet de groupe".

"Je n’ai forcé personne à venir avec moi", poursuit celui qui reconnaît cependant avoir eu maille à partir avec des membres de la communauté antillaise de Millau. "On m’a même plutôt monté la tête." Lors de leur première intervention, les deux accusés assurent à la cour d’assises qu’ils ont changé. Taoufik Laanizi déclare être devenu "mature". "L’incarcération m’a fait réfléchir", considère-t-il. Morad Laanizi, qui se décrit comme quelqu’un de "naïf" au moment des faits, porte un regard sévère sur sa personnalité passée :"Avant, j’étais jeune et con."

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