Barrage de Sivens : Au cœur de la «Zone à défendre»

  • S'ils ne sont plus qu’une quarantaine sur le site du futur barrage de Sivens, un rassemblement réunissant plusieurs milliers de personnes est prévu aujourd'hui samedi sur le site tarnais.
    S'ils ne sont plus qu’une quarantaine sur le site du futur barrage de Sivens, un rassemblement réunissant plusieurs milliers de personnes est prévu aujourd'hui samedi sur le site tarnais. PH
Publié le
Philippe Henry

Contestation. Alors qu'une marche sur le site de Sivens (dans le Tarn) est organisée aujourd'hui, une quarantaine d’irréductibles campent toujours sur place. S’ils peinent "à mobiliser sur la longueur", ils restent convaincus de la nécessité de leur action.

Une barricade faite de palettes, de troncs d’arbres, de branches et de bâches plastiques. Deux autres viennent tout juste d’être érigées, faites aussi de bric et de broc, mais qui permettent de ralentir- à peine quelques heures-les forces de gendarmerie qui veulent accéder à l’endroit où se rassemblent les opposants à la construction du barrage de Sivens. Pour eux, ce secteur boisé est devenu une ZAD, une «Zone à défendre» contre les tronçonneuses et les pelleteuses. Sauf que l’ouvrage détruira 40 hectares au cœur de la zone humide du Testet.

Les «Zadistes» ont semé les indices de leur présence plusieurs kilomètres en amont du site, où déjà du côté d’Albi, puis de Gaillac, la route et des panneaux de circulation ont été tagués. Derrière les barricades, de jeunes hommes qui affichent un visage juvéniledéfendent ce qu’ils appellent "le dernier bastion de la contestation". Les forces de gendarmerie sont postées à quelques centaines de mètres-à l’entrée du hameau de Barat-en amont et bloquent l’accès du futur barrage. Tous, du moins ceux postés aux barricades, dissimulent leur visage. Quand certains portent des cagoules militaires, d’autres ont simplement enroulé un t-shirt autour de la tête. Beaucoup ont prévu des masques, plus ou moins sophistiqués dont certains se résument à de simples masques chirurgicaux, contre les gaz lacrymogènes lors des échauffourées sporadiques avec la gendarmerie.

"La violence policière est disproportionnée: les gendarmes frappent avec leur matraque, ils balancent une quantité énorme de gaz, et des flash-ball à quelques mètres des manifestants. Nous avons eu plusieurs blessés dont certains gravement, ne décolère pas l’un des tenants de la barricade. Nous ne leur opposons qu’une petite résistance". Mais "comme dans tous les mouvements, certains sont plus radicaux, c’est normal", concède celui que l’on surnomme Pirate, présent à Sivens depuis huit semaines.

Au mois d’août, la tension était encore montée d’un cran. Des manifestants, rassemblés aux abords du site, avaient lancé près d’une centaine de cocktails Molotov sur les forces de l’ordre. Trois individus avaient été interpellés à l’issue du rassemblement. C’est par dizaines que les douilles de grenades lacrymogènes et de grenades assourdissantes jonchent encore le site. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une quarantaine à camper autour de la Métairie, une ancienne grange occupée. D’autres ont planté leurs tentes dans les bois alentours. Ils ont été plus de 200 il y a quelques semaines de cela. "C’est dur de mobiliser sur la longueur", glisse un des occupants. Des manifestants qui, pour la plupart, ne sont pas originaires de la région.

Certains confient ainsi venir du Gard, de Normandie ou de Bretagne pour "participer à la lutte". Quelques-uns avouent avoir pris part à d’autres actions en France, notamment à Notre-Dame-des-Landes. Beaucoup d’informations circulent sur les réseaux sociaux ou par le bouche-à-oreille. "C’est comme ça que nous arrivons à faire venir du monde", assure l’un des manifestants.

"Ils massacrent la terre"

Sur le site où doit prendre forme le barrage, le vrombissement des engins de chantiers emplit la vallée. Ils sont étroitement surveillés par plusieurs véhicules de gendarmerie. Le déboisement est achevé, et les pelles mécaniques désormais creusent la terre jusqu’à atteindre la couche d’argile. Les treize hectares de la zone humide du Testet ont été ravagés. "Ils massacrent la terre. Comment peut-on les laisser faire ?", s’insurge David, un jeune trentenaire qui campe depuis près de huit jours en haut de l’unique arbre encore debout. "C’est symbolique mais ça compte", souffle-t-il alors que quatre de ses camarades sont encore perchés en haut de l’arbre. "Les gendarmes viennent régulièrement pour essayer de nous déloger, raconte David. Nous sommes trop nombreux pour qu’ils nous fassent descendre mais ils vont y arriver tôt ou tard." 

Peu à peu, au fil des jours et des semaines de contestation, les manifestants ont reculé sous la pression des avis d’expulsion et des gendarmes. Une nouvelle injonction plane sur le dernier bastion de la ZAD. Pourrait-il sonner le glas de la contestation ? "Certainement pas !, martèle un jeune occupant de la ZAD se faisant surnommer Marquis. Jusqu’au bout, jusqu’à la construction du barrage, il y aura des personnes pour empêcher ça." Ailleurs, en France, d’autres projets mobilisent déjà les activistes écologistes. À Bure, dans la Meuse, un site d’enfouissement de déchets nucléaires est à l’étude. "On s’y retrouvera !", lance un brin provocateur un jeune manifestant.

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