Barrage du Tarn: la famille du manifestant mort veut porter plainte

  • Manifestation en hommage à Rémi Fraisse le 27 octobre 2014 devant la préfecture d'Albi
    Manifestation en hommage à Rémi Fraisse le 27 octobre 2014 devant la préfecture d'Albi AFP - Remy Gabalda
  • Manifestants face aux forces de l'ordre le 27 octobre 2014 à Albi
    Manifestants face aux forces de l'ordre le 27 octobre 2014 à Albi AFP - Remy Gabalda
  • Arrivée d'enquêteurs le 27 octobre 2014 sur le site de Sivens où le corps de Rémi Fraisse a été retrouvé
    Arrivée d'enquêteurs le 27 octobre 2014 sur le site de Sivens où le corps de Rémi Fraisse a été retrouvé AFP - Remy Gabalda
  • Les experts mandatés par le gouvernement, Pierre Rathouis et Nicolas Forray, lors d'une conférence de presse le 27 octobre 2014 à Albi
    Les experts mandatés par le gouvernement, Pierre Rathouis et Nicolas Forray, lors d'une conférence de presse le 27 octobre 2014 à Albi AFP - Remy Gabalda
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Centre Presse Aveyron

Rémi Fraisse, le manifestant de 21 ans mort sur le site du barrage contesté de Sivens (Tarn), a été victime d'une explosion dont l'enquête doit déterminer si elle a été causée par une grenade des forces de l'ordre.

La famille de la victime compte déposer plainte mardi à Albi pour homicide volontaire commis "par une ou plusieurs personnes dépositaires de l'autorité publique", ont annoncé lundi ses avocats à l'AFP.

Selon les premiers résultats d’autopsie présentés à la presse par le procureur d'Ali Claude Dérens, "la plaie importante située en haut du dos a été causée, selon toute vraisemblance, par une explosion".

"On ne peut pas aujourd'hui exclure que l'explosion importante aurait pu être causée par une grenade, puisque (...) une grenade semble avoir été lancée depuis la redoute dans laquelle les gendarmes s'étaient retranchés", a ajouté plus tard le procureur, interviewé par RTL.

De nouvelles analyses, dont les résultats pourraient être connus mardi, doivent éclaircir ce point crucial.

Dans la nuit de samedi à dimanche, à Lisle-sur-Tarn, les affrontements sur le site du projet de barrage avaient été violents. Aux jets de cocktails Molotov et de pierres, les gendarmes avaient répondu par des gaz lacrymogènes et au moins une grenade assourdissante. Plusieurs opposants rencontrés par l'AFP ont également mentionné l'usage de grenades de désencerclement.

Lundi, la tristesse et la colère des opposants étaient intactes, au lendemain de l'annonce du décès de Rémi, étudiant à Toulouse et bénévole botaniste au sein d'une association de défense de l'environnement, Nature Midi-Pyrénées.

Environ un millier d'opposants se sont rassemblés lundi dans le centre d'Albi où ils ont d'abord scandé dans le calme: "Rémi, Rémi, on ne t'oublie pas". Puis des heurts ont éclaté entre les CRS et plusieurs dizaines de manifestants, pour certains cagoulés et jetant des pavés. Le calme était revenu vers 19H00, après plus de deux heures d'un face à face tendu ponctué de salves de gaz lacrymogènes.

Selon la gendarmerie, le corps de Rémi Fraisse avait été découvert dimanche, à deux heures du matin quand les 70 gendarmes, "attaqués" par une centaine d'opposants très déterminés, avaient éclairé la zone et aperçu le manifestant à terre. Des gendarmes étaient alors sortis de l'enclos grillagé où ils étaient retranchés pour récupérer le jeune homme inanimé et lui porter secours, en vain.

- "A mains nues" -

Interrogé par iTélé, le père de Rémi, Jean-Pierre Fraisse, a assuré que le jeune homme ne faisait pas partie des radicaux du mouvement et était allé sur le site "un peu en touriste", "avec sa copine". Selon lui, Rémi y "est allé à mains nues, apparemment, au milieu de tout ça, alors que les gens sont normalement casqués (...) même les manifestants".

Ce décès marque un tournant tragique dans ce mouvement de contestation.

Depuis le début du défrichement du site, le 1er septembre, les opposants ont mené toutes sortes d'opérations de guérilla militante pour tenter d'empêcher la destruction d'un réservoir de biodiversité de 13 hectares de "zones humides". Pour eux, ce projet vise à satisfaire des besoins en irrigation surévalués et ne bénéficiera qu'à un faible nombre d'agriculteurs.

- "Irresponsable et dangereux" -

Les experts mandatés par le gouvernement ont également critiqué un projet surdimensionné, au coût d'investissement (8,4 millions d'euros) élevé. "Continuer sans rien changer est une erreur", a déclaré l'un d'eux, Nicolas Forray, lundi, devant la presse.

Depuis des mois, le Conseil général du Tarn, maître d'ouvrage, défend ce projet de barrage-réservoir d'1,5 million de m3 d'eau stockée, reconnu d'"utilité publique" et "d'intérêt général".

Mais lundi, son président socialiste, Thierry Carcenac, a dit accepter "les préconisations du rapport des experts" portant notamment "sur une nouvelle répartition de l'eau" et "une amélioration des mesures environnementales". "Mourir pour des idées, c'est une chose mais c'est quand même relativement stupide et bête. Mais je tiens à dire que je comprends et je me mets à la place des parents dans cette situation", a lancé l'élu devant la presse.

Dans toute la France, une dizaine de manifestations ont eu lieu pour protester contre le décès de Rémi Fraisse. "Oseront-ils construire un barrage sur un cadavre ?", interrogeait une banderole à Marseille.

Lundi soir, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a condamné dans un communiqué les violences et "débordements qui sont intervenus ce soir, à Nantes notamment."

Plusieurs responsables politiques se sont déjà prononcés pour l'abandon pur et simple du projet, à l'instar de l'ancienne ministre de l'Écologie, Delphine Batho (PS), de la députée Cécile Duflot et du député européen José Bové, d'Europe Écologie-Les Verts (EELV).

La secrétaire nationale de leur parti, Emmanuelle Cosse, a réclamé une "enquête exemplaire" et "l'arrêt immédiat des travaux". S'entêter dans la poursuite du projet de barrage "serait désormais irresponsable et dangereux", a conclu EELV dans un communiqué.

Source : AFP

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