Le doux retour des Death Brothers

  • The Dead brothers fêtent leur retour en CD avec leur nouvel album «Black moose».
    The Dead brothers fêtent leur retour en CD avec leur nouvel album «Black moose». Repro CP
  • The Dead brothers, «Black moose», chez Voodoo rythm Rds. The Dead brothers, «Black moose», chez Voodoo rythm Rds.
    The Dead brothers, «Black moose», chez Voodoo rythm Rds.
Publié le , mis à jour
Centre Presse Aveyron

Ah, quel bonheur de pouvoir écouter de nouvelles chansons des Dead brothers. Avec le retour en CD de nos frangins helvètes décédés, le bonheur revient depuis Berne en convoi halluciné, avec leurs vieux instrus, leur son garage à tracteur du dernier millénaire, et pour le reste, et aussi pour rigoler, je vous traduis du suisse quelques extraits de la fiche technique de (c’est le nom de l’album) cet élan noir.

En gros, on y lit que la Suisse, pays réputé neutre, est peuplé dans ses replis obscurs d’étranges personnes aux fortes sombres moeurs, mais qui tournoient la nuit sur une musique envoûtante, une sorte de blues lancinant et mélancolique, et qui chantent des chansons tristes ou gaies avec les esprits des poètes tels que Rimbaud, ceux des vieux chanteurs ou des vieilles crapules comme Nietzsche, qui viennent boire du pisco amer fabriqué avec du kérozène, en compagnie d’Indiens quechua revenus du maquis des limbes.

Au milieu de tout ce fatras règne donc l’élan noir, une créature mythique que l’homme a aperçu parfois, au fond de la nuit, depuis l’aube des temps. A l’orchestre, on y retrouve nos Frères morts, qui jouent depuis 25 ans ce que chez les banquiers défroqués l’on appelle «sombre country folk exotique» ou encore «folklore suisse psychédélique», à la manière des troubadours d’antan... ou de demain, d’après la mort.

Des coups de tonnerre, des respirations effrayées soulignent les pures mélodies que nos Dead brothers jouent sur des guitares à boyaux de chats ou de vieilles cabrettes pourries. Et l’on voit le répertoire qu’ont exploré en live nos défunts frérots quand on contemple ce livre de l’élan noir. Outre leurs propres compositions, on y retrouve de vieilles danses suisses de l’Appellenzer d’au moins 300 balais, la plus triste des chansons du monde écrite par l’Americain Hank Williams il y a trois quarts de siècle, ou plus près de nous, donc plus jeune, «La mauvaise réputation» de Brassens (près d’un demi-siècle), ou encore une reprise du groupe punk préféré de nos Helvètes musiciens, des français angevins légendaires qui s’appelaient les Thugs. Mais dans ce livre, mille et une autres sombres merveilles promènent leurs chaînes pour nous faire balancer en douceur et en douleur.

The Dead brothers, «Black moose», chez Voodoo rythm Rds.
The Dead brothers, «Black moose», chez Voodoo rythm Rds.

On se voit fredonner un air oublié par une sombre nuit d’été, si seul que l’on pourrait pleurer. Et puis nous apparaît sainte Dymphna, la patronne des maladies mentales, qui perdit la tête lorsque dans le temps, on voulut la marier de force... à son père. Sans parler des trains noirs et des coeurs de pierre volants. Ambiance sordide, me direz-vous ? Et bien, même pas: il y a dans cette musique une chaleur et une vie indéfinissables, le parfum d’un ailleurs, une musique débraillée venue des hautes sphères et des hautes idées, qui vient se perdre là, dans cette cabane servant de bouge à pleurer, au bord d’un lac oublié. Et qui plus est en Suisse... D’ailleurs, si ce fabuleux élan noir se retrouve là, à siroter un breuvage douteux en écoutant les Frères, alors qu’il la jouait discret depuis des millénaires, c’est que ça doit valoir le coup, non ? Frères morts, musique vivante.

Monsieur L'ouïe

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