Au Népal, un simple gel antiseptique pour sauver les nouveaux-nés

  • La bénévole Bhumisara Upadhyay, mère de famille népalaise (d)conseille une femme enceinte à son domicile à Barlamgi, à quelque 600 km à l'ouest de Katmandou, sur les soins à apporter au nouveau-né, le 11 septembre 2014
    La bénévole Bhumisara Upadhyay, mère de famille népalaise (d)conseille une femme enceinte à son domicile à Barlamgi, à quelque 600 km à l'ouest de Katmandou, sur les soins à apporter au nouveau-né, le 11 septembre 2014 AFP - Prakash Mathema
  • Bhumisara Upadhyay, mère de famille népalaise, rend visite le 11 septembre 2014 à des femmes enceintes avec l'objectif de réduire la mortalité néonatale dans le pays himalayen, avec un simple tube de gel antiseptique
    Bhumisara Upadhyay, mère de famille népalaise, rend visite le 11 septembre 2014 à des femmes enceintes avec l'objectif de réduire la mortalité néonatale dans le pays himalayen, avec un simple tube de gel antiseptique AFP - Prakash Mathema
  • Une bénévole népalaise applique de la chlorhexidine le 12 septembre 2014 sur le cordon ombilical d'un nouveau-né dans un hôpital à Kohalpur, à quelque 500 km à l'ouest de Katmandou Une bénévole népalaise applique de la chlorhexidine le 12 septembre 2014 sur le cordon ombilical d'un nouveau-né dans un hôpital à Kohalpur, à quelque 500 km à l'ouest de Katmandou
    Une bénévole népalaise applique de la chlorhexidine le 12 septembre 2014 sur le cordon ombilical d'un nouveau-né dans un hôpital à Kohalpur, à quelque 500 km à l'ouest de Katmandou AFP - Prakash Mathema
  • Mahisara Hamal, enceinte de 8 mois, sort de sa maison à Barlamgi, à 600 km à l'ouest de Katmandou, pour rencontrer une bénévole venue lui expliquer comment appliquer un gel sur le cordon ombilical de son futur bébé, le 11 septembre 2014
    Mahisara Hamal, enceinte de 8 mois, sort de sa maison à Barlamgi, à 600 km à l'ouest de Katmandou, pour rencontrer une bénévole venue lui expliquer comment appliquer un gel sur le cordon ombilical de son futur bébé, le 11 septembre 2014 AFP - Prakash Mathema
Publié le
Centre Presse Aveyron

Par un matin humide et venteux, Bhumisara Upadhyay, mère de famille népalaise, rend visite à des femmes enceintes avec l'objectif de réduire la mortalité néonatale dans le pays himalayen, avec un simple tube de gel antiseptique.

Upadhyay est l'une des milliers de bénévoles participant à une campagne ayant permis de réduire spectaculairement les décès de nouveaux-nés au Népal, où deux-tiers des accouchements se font à domicile.

Selon les experts médicaux, la forte mortalité néonatale dans ce pays s'explique essentiellement par les infections contractées par le cordon ombilical, qui, une fois coupé, est traditionnellement enduit d'un mélange d'huile et de curcuma.

Les bénévoles essaient donc de changer ces habitudes en persuadant les femmes d'utiliser un gel antiseptique distribué gratuitement dans le cadre d'un projet lancé il y a trois ans avec le soutien financier de l'agence américaine de développement USAID.

Un an après l'introduction du gel, le nombre de morts de nourrissons avait chuté de 27% et l'initiative devrait être étendue à tout le Népal d'ici trois ans.

"Quand j'ai eu mes enfants il y a 20/25 ans, les bébés mouraient subitement et personne ne comprenait pourquoi. C'était comme de vivre dans un cimetière", dit Upadhyay, 42 ans, à l'AFP depuis son village de Badalamji, perché sur une crête dans le centre-ouest du Népal.

"Nous disions alors que c'était bien d'avoir beaucoup de bébés parce que la moitié mourrait avant de savoir parler".

Mariée avant la puberté à un homme qui avait 22 ans de plus qu'elle, Upadhyay n'avait que 17 ans à la naissance de son premier enfant, venu au monde après huit jours de travail. Sa petite fille a survécu mais d'autres n'ont pas cette chance.

"Les gens utilisent des faucilles sales pour couper le cordon et appliquent de la bouse de vache, de l'huile et du curcuma sur la plaie", explique Rambha Sharma, sage-femme à l'hôpital de Kohalpur, pionnier dans l'utilisation du gel antiseptique.

"Les bébés contractent des infections potentiellement mortelles comme le tétanos néonatal à cause de ces pratiques traditionnelles", ajoute-t-elle.

Antiseptique très répandu dans les pays développés, la chlorhexidine est le principal ingrédient du gel distribué gratuitement dans 47 des 75 districts du Népal.

Le gel, qui n'a besoin d'être appliqué qu'une seule fois, adhère à la peau et sèche en quelques minutes.

"La clé, c'est de l'appliquer juste après la naissance pour qu'il reste sur la peau pendant les 24 premières heures et protège les bébés, à ce moment très vulnérables aux infections", explique la sage-femme.

- Campagne de longue haleine -

Cela semble simple mais modifier les pratiques traditionnelles est un défi majeur.

De nombreux musulmans, minoritaires au Népal, ont commencé par refuser le gel, craignant qu'il ne s'agisse d'une ruse pour rendre infertiles leurs enfants, explique Leela Khanal, de l'organisation américaine John Snow, Inc qui dirige le programme.

"Il nous a fallu des mois pour les convaincre que cela protégerait leurs enfants", dit Khanal à l'AFP.

Les initiateurs du programme ont également dû venir à bout des superstitions entourant la naissance des nouveaux-nés dans les communautés hindoues de haute caste.

A chacune de ses quatre naissances, Upadhyay a été confinée avec son bébé dans un appentis pendant 11 jours jusqu'à ce qu'un prêtre vienne "purifier" la mère et son enfant.

"Personne n'était autorisé à me toucher car c'était tabou. Je lavais moi-même mes vêtements, je devais manger avec des couverts distincts et tout faire seule pour mon bébé", raconte-t-elle.

Chaque matin, des milliers de mères comme Upadhyay bravent la pluie, les températures extrêmes et les risques de glissements de terrain, marchant pendant des heures pour rendre visite aux femmes enceintes des coins les plus reculés du pays.

Ces volontaires appartiennent à un réseau de travailleurs sociaux, mis en place en 1988 par le gouvernement pour promouvoir le planning familial.

Elles apprennent aux femmes enceintes à s'occuper de leur nouveau-né et leur remettent des tubes de gel. Ce jour-là, Upadhyay rencontre Mahisara Hamal, 20 ans et enceinte depuis huit mois de son premier enfant.

Elle tire une poupée de son sac et lui montre comment appliquer le gel avant de lui laisser un échantillon.

C'est un travail laborieux, qui exige de passer de maison en maison mais qui finit par payer. Hamal accepte d'utiliser le gel.

"Dans le village de mes parents, beaucoup de gens continuent d'utiliser l'huile et le curcuma. C'est ce que nous avons toujours fait", dit-elle.

Upadhyay hoche la tête et lui répond: "je sais, c'est ce que je faisais également car je ne connaissais rien d'autre. Mais vous pouvez éviter nos erreurs et agir pour le bien de votre enfant".

Source : AFP

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