Au Centre Pompidou, Jeff Koons entre culture populaire et art savant

  • L'artiste américain Jeff Koons aux côtés de son "Balloon dog" lors d'une exposition à Bâle le 11 mai 2012
    L'artiste américain Jeff Koons aux côtés de son "Balloon dog" lors d'une exposition à Bâle le 11 mai 2012 AFP/Archives - Fabrice Coffrini
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AFP

Son "Balloon dog" est la pièce contemporaine la plus chère, ses clichés pornos ont fait scandale. Au delà de son image de provocateur, une rétrospective Jeff Koons au Centre Pompidou montre comment l'artiste américain brouille les frontières entre culture populaire et art savant.

Toutes les icônes de l'artiste polémique sont là, déployées sur le grand plateau de l'exposition (du 26 novembre au 27 avril 2015): répliques de sculptures en acier inoxydable, objets éphémères de la série "Celebration", principalement des ballons, devenus des pièces monumentales.

L'objet gonflable pourrait être le fil rouge de cette rétrospective qui suit un parcours chronologique depuis 1979. Présent à presque toutes les périodes de l'oeuvre de Koons, il témoigne à la fois de son lien profond avec l'enfance, de sa réinterprétation des stéréotypes de la culture populaire et de son jeu sur la représentation.

Une constante

La bouée pour enfant "Dogpool" est stupéfiante de réalisme alors qu'elle est en dur. "En pervertissant les images de légèreté et de solidité, Koons crée un effet de déstabilisation", explique Nicolas Liucci-Goutnikov, conservateur au Musée national d'art moderne. En 1983, il avait montré des répliques en bronze grandeur nature d'articles de sport, dont un canot pneumatique.

"C'est une constante de son oeuvre", souligne Bernard Blistène, directeur du Musée d'art moderne et commissaire de l'exposition. Ses premiers travaux sont intitulés "Inflatables" (Gonflables) et la série suivante associe néon et aspirateurs. Dans "Equilibrium", des ballons de basket sont immergés dans des aquariums. Un exploit technique pour lequel il a fait appel au prix Nobel de chimie Richard P. Feynman.

Autre préoccupation très présente chez cet artiste de 59 ans, magnifier les formes de la culture populaire dénigrée par l'art savant.

"Quand je réalise une oeuvre d'art, je veux que ceux qui la voient, quel que soit leur milieu, ne se sentent jamais indignes d'elle", a raconté Koons lors de la préparation de l'exposition.

'L'abstrait pour les classes supérieures'

Dans la série "Luxury and degradation", utilisant des réimpressions d'affiches publicitaires, Koons "est fasciné par le fait que plus le produit est ordinaire, plus les affiches sont figuratives, immédiates, alors que plus le produit est sophistiqué, plus l'affiche devient abstraite", note Bernard Blistène. Pour Koons, "l'abstrait est un art pour les classes supérieures".

Une logique qu'il va pousser plus avant avec "Banality": des personnages de la culture populaire sont représentés en trois dimensions avec des techniques traditionnelles virtuoses, comme le bois polychrome utilisé pour la sculpture religieuse ou la porcelaine des cours princières. Il joue sur le télescopage entre thèmes triviaux et matériaux raffinés.

Le kitsch est aussi au coeur des oeuvres polémiques réalisées avec la Cicciolina qu'il épousera en 1991. Koons s'installe dans l'univers de l'actrice avec laquelle il réalise une série d'images pornographiques et joue là encore sur l'ambiguïté : apparaissent-ils tous les deux comme des amants ou des professionnels du cinéma X ?

Avec sa célèbre série "Celebration" en 1993, Koons transforme des formes dérisoires - des ballons pour enfant - en sculptures monumentales parfaitement réalisées. Au delà des résonances personnelles - il a divorcé de la Cicciolina et se trouve séparé de son fils - , cette série marque un "tournant dans son oeuvre qui passe d'un art conceptuel à un art visuel", souligne Nicolas Liucci-Goutnikov.

Koons emploie une centaine de personnes et connaît un temps quelques difficultés financières. Il met en oeuvre des techniques extrêmement sophistiquées (scanners médicaux, ordinateurs, logiciel aéronautique), développe des recherches picturales associant informatique et minutieux travail manuel.

Ses "Gazing Balls" en 2013 sont une forme de synthèse de son parcours : des boules bleues, utilisées sur la côte est américaine pour décorer les jardins, sont posées en équilibre sur des copies de statues antiques.

"Il y a un malentendu profond autour de Koons. C'est quelqu'un qui n'hésite pas à se mettre en danger : il vendait ses premières oeuvres à perte et a été courtier à Wall Sreet uniquement pour financer son travail d'artiste", rappelle Nicolas Liucci-Goutnikov.

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