Tony Allen, le beat afro moderne

  • Avec Film of Life, son dixième album solo, Tony Allen démontre qu'il reste un chantre inébranlable de l’afrobeat.
    Avec Film of Life, son dixième album solo, Tony Allen démontre qu'il reste un chantre inébranlable de l’afrobeat.
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    Tony Allen, le beat afro moderne
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Monsieur L'ouïe

Le monsieur a 74 ans. Respect. Alors forcé qu’être né à Lagos, versé dans la musique, Tony Allen a connu l’évolution de la musique africaine, et surtout celle de chez lui, personnalisée par l’afrobeat de Fela. Un genre musical suintant et suant digne du funk américain, et même l’origine de ce funk-là, vu le continent. C’est même dans les années soixante qu’il rencontre, trompette en bandoulière, celui qui allait devenir la divinité d’une Afrique qui danse, qui joue de la musique chaude et engagée qui arrive de surcroît à parler à toutes les oreilles de la planète.

Depuis 50 ans, l’afrobeat s’est imposé mondialement comme un style à part mais pas si éloigné de notre sensibilité occidentale, et Fela comme le mentor de ce truc qui venu de là-bas arrivait à nous faire bouger, danser, vibrer comme encore une fois le funk, voire même, dans les années 70, une disco non mièvre arborée de toutes les couleurs, la couleur black en tête et en résumé. Et au fil des ans, tout en restant un chantre inébranlable de l’afrobeat, Tony Allen l’a fait évoluer au fil de ses pérégrinations et rencontres, pour en faire quelque chose d’éminemment créatif, flirtant sans vergogne mais avec beaucoup de plaisir du côté du jazz (un jazz-rock world) comme de la pop.

Pas étonnant si au fil du temps, des artistes venus d’univers et de styles différents sont venus se frotter à l’ami Tony. Ah, faut-il vous préciser que l’instrument de prédilection de notre septuégénaire est la batterie, et qu’avec ses baguettes, il est donc aujourd’hui le garant fidèle, avec la descendance Fela, de l’âme afrobeat mondiale. Et tout le monde le sait: même si maintenant il s’en va faire fureter ses peaux de tambours avec la pop, le jazz ou le psyché, ou le be bop, nombreux sont ceux qui savent à qui ils ont à faire. Une icône.

 

Gardien des rythmiques afro-beat propres à ravager l’ennui des ménagères 

Que ce soit Max Roach le jazzman, Blur le popiste anglais voire même Charlotte Gainsbourg ou Manu Dibango, ou encore les Jazzbastards qui louvoient autour d’Oxmo Puccino, Tony Allen est le gardien sacré de ces rythmiques afro-beat propres à ravager l’ennui des ménagères de moins de 50 ans, pour peu qu’elles s’intéressent à autre chose qu’à leur four à micro-ondes ou aux paires de chaussures.

De toutes manières, des chaussures il leur faudra user quelques semelles sur les rythmes de Tony Allen. Non pas qu’ils soient frénétiques, loin de là, mais ils ont cette ivresse envoûtante de quelque chose d’impalpable, du swing, de l’afro, de la pop ou du jazz, et puis ce tempo battu obsédant que l’ami Tony distille à chaque morceau, peu importe la couleur qu’il a. ça frappe toujours comme là-bas, comme dans l’afro-beat, à un point de faire passer nos batteurs occidentaux pour de vulgaires codes barres binaires sans le moindre swing dans les doigts. Sacré Tony.

Car si certes, dans ce dixième album du bonhomme, on ne s’étonne guère quand il tape sur des rythmiques et des mélodies, bref des chansons ou morceaux plus typiquement africains, que ne s’étonne-t-on pas un brin quand il s’agit de funk, de pop ou d’autres choses plus par chez nous. Saccadé, varié, un poil en transe, Tony Allen distille de par son âge avancé mais toujours pertinent, voire impertinent, une idée de ce que peut être une batterie: une pulsation, un élan vital, une chaleur qui met toutes les mélodies à l’envers... manière de les remettre à l’endroit. Ou dans tous les sens. Mais toujours avec une élégance dans le style, à dis milles lieues de la bourrinitude, manière de nous glisser ça subrepticement dans les tympans afin que ça agisse, l’air de rien, sur nos rotules. Occident, Ethiopique même, gainsbourien dans la démarche, c’est-à-dire détaché de nos convenances ou des celles d’un genre établi, Tony Allen fait à sa sauce l’éloge d’une planète black, euphorique et décomplexée. Et ça nous fait du bien.

Tony Allen, le beat afro moderne
Tony Allen, le beat afro moderne

  • Tony Allen, «Film of life», chez Jazz village.
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