Après la "ghettoïsation", Valls défend une "politique du peuplement"

  • Le Premier ministre Manuel Valls s'exprime lors d'une conférence de presse à l'hôtel Matignon le 22 janvier 2015
    Le Premier ministre Manuel Valls s'exprime lors d'une conférence de presse à l'hôtel Matignon le 22 janvier 2015 AFP - Eric Feferberg
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Centre Presse Aveyron

Manuel Valls a poursuivi jeudi son offensive contre la "ghettoïsation" et les inégalités en prônant une "politique du peuplement", une formule chargée en sous-entendus ethniques selon des experts, deux jours après avoir évoqué un "apartheid".

Un comité interministériel consacré à la lutte contre les inégalités "dans les quartiers" se tiendra en mars, après une "phase de débats" pour "prendre les décisions qui s'imposent", a annoncé le Premier ministre lors d'une conférence de presse à Matignon.

Après une journée consacrée aux mesures de sécurité (renseignement, police, défense, justice...) le gouvernement présentait jeudi ses initiatives sur l'école et la politique de la ville dans le sillage des récents attentats.

Pour Manuel Valls, il ne faut "pas seulement une politique du logement et de l'habitat" mais une "politique du peuplement". Une "politique du peuplement pour lutter contre la ghettoïsation, la ségrégation", a-t-il plaidé.

Les politiques publiques menées "depuis 30 ans", n'ont pas permis d'éviter "la relégation, le regroupement ethnique, religieux" ni permis "la mixité des populations", a fait valoir le locataire de Matignon.

"Je ne supporte pas, comme républicain, de voir cet enfermement, cette relégation dans un certain nombre de ces quartiers (...), que dans des écoles on ne trouve que des élèves issus de familles pauvres, souvent monoparentales, issues uniquement de l'immigration, des mêmes cultures et de la même religion", a-t-il poursuivi.

Que désigne cette "politique du peuplement"? Dans le langage des sociologues et des experts de la politique de la ville, il s'agit des mesures prises pour imposer la "mixité sociale" dans un quartier ou une commune, notamment dans les procédures d'attribution des logements sociaux.

"L'idée, c'est de casser ces logiques de ségrégation sociale, et donc de renforcer la mixité sociale", d'aller "plus loin" que la seule politique du logement, a tenté d'expliciter l'entourage du Premier ministre.

- 'Enfoncer le clou' -

Mais nombre y ont vu une nouvelle référence ethnique, alors que mardi, lors de ses vœux à la presse, Manuel Valls avait suscité la controverse en évoquant "un apartheid social, territorial et ethnique" qui se serait "imposé" à la France.

"Manuel Valls reste là dans la rhétorique de l’apartheid. Il est dans une phase de communication dure", souligne le géographe Christophe Guilly, spécialiste des quartiers difficiles et du logement social.

Selon l'auteur de "la France périphérique", "il marque qu’il a compris les tensions de la société française et qu’il va se montrer ferme sur le sujet" même s'il n'a pas de solution clé en mains".

Cette allusion à la politique du peuplement, "dans le contexte actuel et vu le niveau de responsabilité du personnage, on ne peut pas penser que c'est un couac ou un élément de langage mal maîtrisé", souligne Jérôme Fourquet, politologue à l'Ifop.

"C'est prononcé sans doute pour marteler, enfoncer le clou, en disant qu'aujourd'hui un certain nombre de territoires de la République sont très très majoritairement peuplés de personnes issues de l'immigration, et donc qu'il faut à tout prix recréer de la mixité ethnique partout, sans quoi ces territoires d'apartheid vont continuer de se développer, de dévier, et d'engendrer potentiellement des foyers de violence et de séparatisme", analyse-t-il.

Ces politiques de peuplement, "c'est un grand débat chez les sociologues, certains disent la mixité sociale il ne faut pas l'imposer, c'est violent, ça veut dire qu'on disperse les pauvres et les gens n'ont pas forcément envie de cohabiter", souligne Marion Carrel, maître de conférence en sociologie à Lille-3.

Le terme a-t-il des sous-entendus ethniques? "En France, on a un peu de mal à le dire, mais c'est un peu ça que ça veut dire", reconnaît-elle.

"L'idée derrière, c'est +quand il y en a un ça va, quand il y en a beaucoup ça pose problème+", abonde Renaud Epstein, maître de conférences à l'université de Nantes et spécialiste de la politique de la ville.

Selon lui, ces discriminations sur des bases ethniques, "c'est ce qui se fait déjà sans le dire. Mais ça se fait dans les boîtes noires des commissions d'attribution" des logements sociaux. "Le fait de tenir ce genre de discours vient légitimer des pratiques déjà en cours mais qui sont indicibles parce qu'illégales, parce que potentiellement délictueuses", déplore-t-il.

Source : AFP

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