Des agences de l’eau qui fonctionnent à l’envers

  • Selon la Cour des comptes, ce sont les particuliers qui boivent la tasse de la taxe pollueur-payeur, et non ceux qui polluent le plus.
    Selon la Cour des comptes, ce sont les particuliers qui boivent la tasse de la taxe pollueur-payeur, et non ceux qui polluent le plus. AFP
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Centre Presse Aveyron

Environnement. Les agences de l'eau, chargées de collecter les redevances auprès des utilisateurs, sont sur la sellette, accusées de négliger le principe pollueur-payeur en taxant trop faiblement les agriculteurs et les industriels au détriment des particuliers.

«Plus on pollue l’eau, moins on est taxé», accusait Le Parisien qui dévoilait mardi les grandes lignes du chapitre que la Cour des comptes consacre à ce sujet dans son rapport annuel paru ce matin. Ainsi, selon le quotidien, la Cour «s’étonne qu’industriels et agriculteurs soient de plus en plus exonérés du principe du pollueur-payeur».

Les contributions des particuliers ont «bondi de 25%» ces dernières années tandis que celles des agriculteurs «augmentaient à peine» et celles de l’industrie baissaient même, de 15%. «Au final, en 2013, 87% des redevances étaient payées par les particuliers contre 6% pour les agriculteurs et 7% pour l’industrie.» Pourtant, «la très grande majorité» de la pollution «est d’origine agricole», rappelle Olivier Andrault, chargé de mission agriculture à l’UFC-Que Choisir.

«Que le principe pollueur- payeur ne soit pas appliqué, ce n’est pas une nouveauté, c’est la foire d’empoigne pour ne pas payer», souligne Bernard Rousseau, expert chez France Nature Environnement. «Dans le bassin Loire-Bretagne par exemple, les éleveurs paient 1% du chiffre d’affaires des redevances. Est-ce que cela correspond à la dégradation provoquée par l’élevage ? Non».

La loi des lobbies

Selon lui, la faute n’incombe pas seulement aux six agences de l’eau qui se partagent le territoire. Elles n’ont en effet «pas la faculté de traiter des problèmes qui sont de la responsabilité de l’État», accusant les pouvoirs publics d’être «incapables de mettre en concordance» leur politique agricole, toujours gourmande en pesticides, et leur politique environnementale, «sacrifiée». Pour la ministre de l’Écologie Ségolène Royal, «de gros lobbies (...) sont à l’œuvre».

Elle a évoqué une possible modification de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 car ce texte prévoit que «les pollutions sont calculées à la sortie de l’installation d’épuration et pas à la sortie de la canalisation de l’usine». De ce fait, «il y a des entreprises qui peuvent parfaitement payer et qui ne le font pas».

La ministre, qui veut renforcer le rôle des associations de consommateurs dans les instances des agences, a aussi indiqué avoir «nommé un agriculteur bio» lors des renouvellements des conseils d’administration des agences de l’eau. Actuellement, selon l’expert de l’UFC-Que Choisir, les consommateurs disposent de «strapontins» et «dans 70% des cas, ont peu ou aucune influence pour orienter les décisions».

«Il y a une sorte de sainte alliance entre les représentants professionnels, notamment agricoles, qui ne veulent pas limiter leurs rejets, et les professionnels de la dépollution, qui sont toujours prêts à faire des propositions pour dépolluer l’eau plutôt que d’investir de l’argent dans la prévention». En 2013, un rapport parlementaire avait déjà dénoncé la «complexité des structures», l’«opacité et (la) multitude d’acteurs» impliqués dans la gouvernance de la politique de l’eau.

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