MP1point2, hip hop du «One two»

«On vient du 12, on a d’la touche»: si fait, on fait du hip hop à Rodez, preuve que la capitale de l’Aveyron est devenue un bébé ville, une zone urbaine où les types qui se plaignent du bruit ou d’un voisinage un peu trop citadin, ou qui râlent lorsqu’éclosent des architectures et des lieux urbains de type musée ou salle de concert ne sont que des anachronismes qui vont bientôt passer.

Bon, ceci dit, le béton ne court pas les rues à fond la caisse en Aveyron, surtout il y a une dizaine d’années, quand notre quatuor ruthénois a commencé son aventure MP1point2. Du hip hop à Rodez ? Et pourquoi pas de la cabrette en Seine-Saint-Denis? Qu’importe, nos quatre lascars, rebaptisés pour la gloire Favo, Riot, MM et le Z ont pris stylo, bidouilleurs informatiques et micro et se sont forgés, au fil des ans et des concerts, une identité de «hipopistes» festifs et engagés.

Et voilà, après moults concerts (de Joey Starr aux Ogres de Barback, les rencontres furent légion), kilomètres et mini-LP, le premier vrai album de MP1point2. MP pour «matière première», c’est eux-mêmes qui nous le disent dès le premier morceau de cet album fort riche en parfums divers. Mais que peut être une matière première made in Aveyron, un aligot saucisse ? Malgré la boutade, la musique de nos quatre gars est nourrissante, riche en calories et même plus riche en soleil que Ruthéna, si fait. Bref, nos quatre pieds bien nickelés les ont fait sûr de sûr, les 400 coups qu’ils annoncent dans leur album. Avec plein de jolies images. Et s’ils ont droit à des bons points (deux), ce n’est certes pas leur prof qui les leur a distribués, mais le public de leurs shows joyeux aux quatre coins du Sud-Ouest et de Navarre.

Leurs maîtres, ils font pas classe dans l’Educ’ nationale (encore qu’ils feraient mieux parfois), mais ils savent faire bouléguer les gens «jeunes et vieux» encore mieux que des boules de quine, de Zebda à IAM et bien d’autres, comme Sergent Garcia par exemple, pour les parfums latinos. Cancres, les MP1point2? Ouais, et sacrément doués en plus. Après les présentatations d’usage (oui, les hipopeurs se présentatent, ça s’appelle de l’instructution civique), ils déclinent leurs 400 coups (couroucoucou Paloma) comme un inventaire à la Prévert, ce qui permet des rimes riches comme un peu plus loin, dans «Tout et son contraire» : «On veut la qualité sans en payer le prix (...) le beurre et la crémière (...) on veut tout, mais sans contrainte.»...

MP1point2 fait du hip hop, ouais, mais aime mélanger les sauces, alors on y trouve aussi du swing, des beats qui vont un peu vers le rock, ou le latino, bref leur «staïle», c’est un hip hop comme l’est parfois leur accent: chantant. sans oublier aussi la fibre béton du genre, un regard acerbe et dur sur notre société contemporaine, que l’on peut entendrevoir par exemple dans «Tango» («On tombe dans la mer, de toutes façons, il leur faut des pertes») ou «On marche sur la tête» (plus au sens propre qu’au figuré). Mais sans oublier, on ne se refait pas, de faire au final une jolie fête d’enfer, c’est ainsi que se clot leur album, par des parfums latinos, dansants assurément, avec «Sonrisa morena» et «Une bouffée d’air».

Frais. Alors si maintenant l’Aveyron se lance dans la production discographique (on a parlé il n’y a pas longtemps de Budapest par exemple, et d’autres albums sont à attendre), on pourra, et c’est «incroyôb’» en territoire rural, ouvrir un rayon hip hop avec le groove tchatcheur de nos MP1point2, résolument moderne et pas folklo pour un sou, mais universel, pas lourd, pas con, agréable, digeste, bien foutu et fichtrement intelligent. Pour des cancres.

Monsieur L'ouïe