Espagne: le mythe toujours vivant des Brigades internationales

  • Andy Crawford s'est joint le 21 février 2015 à une marche pour commémorer l'action des Brigades internationales lors de la bataille de Jarama à Morata de Tajuna près de Madrid, le 21 février 2015
    Andy Crawford s'est joint le 21 février 2015 à une marche pour commémorer l'action des Brigades internationales lors de la bataille de Jarama à Morata de Tajuna près de Madrid, le 21 février 2015 AFP - Curto de la Torre
  • Patricio Azcarate Diz brandit son poing lors d'une marche, le 21 février 2015 à Morata de Tajuna commémorant la lutte des Brigades internationales pendant la guerre civile espagnole
    Patricio Azcarate Diz brandit son poing lors d'une marche, le 21 février 2015 à Morata de Tajuna commémorant la lutte des Brigades internationales pendant la guerre civile espagnole AFP - Curto de la Torre
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Centre Presse Aveyron

Andy Crawford évolue dans la boue, entre les oliviers, sur les pas de son grand-père William, mort pour la gloire des Brigades internationales pendant la guerre civile espagnole, une histoire que les descendants de ces combattants revivent chaque année non loin de Madrid.

Cette année, ils étaient environ 300, Espagnols et étrangers comme Andy l'Ecossais, rassemblés à quelque 35 km au sud-est de Madrid pour commémorer la bataille de Jarama, ayant opposé ces "brigadistes" venus des quatre coins du monde pour freiner l'avancée du fascisme en s'opposant aux troupes franquistes, pendant la guerre civile de 1936 à 1939.

"Il n'y avait pas de médailles à gagner, ni de solde, et ils étaient mal vus par la moitié du monde", témoigne Andy Crawford, 66 ans, installé en haut d'une colline surplombant une vallée d'oliviers.

Auparavant, Andy a marché avec les autres, dont certains portaient des drapeaux républicains arborant l'emblème des Brigades internationales, une étoile rouge à trois branches.

Pendant trois semaines, en février 1937, leurs proches se sont battus pour garder la route vers les fiefs républicains de Madrid et Valence que Franco cherchait à atteindre. Un bain de sang dans lequel plusieurs centaines de combattants ont péri.

"Les gens ont tout donné pour venir ici", raconte encore Andy avant d'espérer que les principes de son grand-père inspireront sa famille.

- Histoire enfouie -

Ca et là, au milieu de la végétation, des casemates témoignent des emplacements des artilleurs de Franco. Aucun signe, aucune explication toutefois.

"Nous aimerions que ces champs de bataille soient conservés, comme c'est le cas dans d'autres pays en Europe et aux Etats-Unis", explique Daniel Loriente, membre d'une association locale de défense de la mémoire historique.

"Nous voulons que ces sites soient des lieux de mémoire pour que cette terrible barbarie ne se reproduise plus", ajoute-t-il.

Le sujet reste polémique en Espagne, même si presque 40 ans sont passés depuis la mort du dictateur en 1975. Le Parti populaire au pouvoir (droite), fondé par un ancien ministre de Franco, est d'ailleurs accusé de négliger les victimes républicaines de la guerre.

Les choses avancent lentement tout de même, admet Daniel Loriente. Ainsi, une loi adoptée en 2013 déclare que les tranchées, bunkers et autres fortifications de la région de Madrid sont des sites faisant partie du patrimoine et le gouvernement régional dirigé par le PP s'est engagé à les rendre plus accessibles au public.

"Un grand pas en avant", selon Luis de la Fuente, l'un des responsables du patrimoine au sein du gouvernement régional.

Près du champ de bataille de Jarama, dans le village de Morata de Tajuna, Goyo Salcedo, 70 ans, s'occupe lui d'un des rares musées consacrés à la cause républicaine. Lorsqu'il s'est ouvert, en 2006, "il y avait des obstacles politiques", explique-t-il à l'AFP.

"Il y a eu des plaintes à la police de gens disant que c'était un stock d'armes, mais d'autres l'ont défendu", soulignant son intérêt historique, témoigne-t-il.

- 35.000 bénévoles -

Dans les vitrines, des reliques de la guerre civile ayant appartenu aux combattants des brigades: cartouches, couteaux, fragments de bombes, encriers d'époque.

Quelque 35.000 bénévoles provenant des Etats-Unis, d'Irlande, de Grande-Bretagne, de France, d'Allemagne, d'Italie et au-delà, ont rejoint les Brigades internationales, un phénomène unique dans l'Histoire.

Ces volontaires -- parmi lesquels 9.000 Français, et aussi des intellectuels comme l'écrivain britannique George Orwell -- se sont battus contre les soldats de Francisco Franco, soutenu par des troupes nazies.

Près de 9.000 ont été tués, selon l'historien britannique Paul Preston, l'un des spécialistes mondiaux de la guerre civile espagnole.

"Je ne pense pas qu'il y ait d'expérience comparable à celle des Brigades internationales", a déclaré M. Preston à l'AFP. "Elles ont eu un rôle clef dans la plupart des batailles importantes."

Les affrontements de Jarama ont bel et bien freiné la progression des partisans de Franco, jusqu'à la prise de Madrid et la fin de la guerre civile, en 1939.

Patricio Azcarate, 95 ans, l'un des derniers survivants de cette guerre ayant tué près de 750.000 Espagnols, se lève en tremblant pour entonner l'Internationale.

En 1938, à 18 ans, il avait mis au service des brigades son français et son allemand de jeune Espagnol élevé à Genève pour permettre aux officiers républicains de communiquer avec les volontaires étrangers.

Près de 80 ans plus tard, le regard, toujours vif en dépit de son âge et sa barbe blanche, est brouillé par les larmes à l'évocation de ce jeune combattant américain devenu son ami, quelques jours à peine avant de mourir.

"Je n'ai pas de mots pour décrire l'admiration que j'éprouve pour les +brigadistes+", dit-il. "Pas seulement leurs chefs, aussi les soldats sur le terrain, qui ont essuyé les bombardements. Je me souviendrai toujours d'eux."

Source : AFP

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